Après avoir passé une vingtaine de minutes dans la cabane en bois - au sein de laquelle j'avais eu droit à un petit entretien qui pour le moment resterait secret - j'avais enfin regagné la cuisine. J'y avais laissée Laoise, seule, avec son ménage. Ménage qui sembla d'ailleurs avoir été bien avancé en mon absence. « Avoue, c'est que j'te manquais, tu voulais me retrouver au plus vite, c'est pour ça. » Je laissai s'échapper un rictus ; en effet j'avais insisté auprès de la production pour terminer mon entretien au plus vite afin de retrouver la demoiselle dans les plus brefs délais - oui, sérieusement. Désormais j'étais là, et je pouvais aussi lire sur son visage que la jeune femme était aussi ravie de me retrouver que j'étais ravi de la retrouver. « T'as tout compris. Chaque minute passée loin de toi n'est que souffrance, déchirement. Juste insurmontable. » J'excellais dans l'art d'en faire des tonnes, ainsi que dans l'exagération. J'étais comme ça moi, quand je voulais en rajouter, et bien j'en rajoutais. Simplement. Au point de perdre toute crédibilité. Et sinon, un diabolo grenadine la tentait-elle ? « Je veux bien. Mais magne-toi d'aller jusqu'au frigo que je puisse terminer. » Doucement, oh. Je n'étais pas non plus son larbin. En gros je devais me presser le cul pour sortir tout l'attirail du frigo pour permettre à la belle de passer la serpillère derrière moi. Ouais, j'avais saisis l'idée. Néanmoins, ça ne me disait trop rien. « Bah j'vais prendre mon temps, tiens. » Là, je me dirigeai au ralenti vers le frigo, trainant des pieds comme si se trouvait accroché à ceux-ci un boulet de vingt kilos, tout en lançant un regard mesquin à Laoise. Elle m'avait demandé de me magner, or je ne faisais jamais ce que l'on me demandait de faire. Même, je faisais toujours l'exact opposé. L'un de mes principes. J'ouvris finalement la porte du frigo, et en sortis le sirop de grenadine et une bouteille d'eau fraiche. Hop, coup d'œil du côté de Laoise. « Ouais, j'sais. J'suis vachement chiant, hein ? » C'était le moins que l'on puisse dire. Elle qui n'avait qu'une envie, terminer son nettoyage... Je retournai, toujours en prenant mon temps et en sifflotant désormais, du côté du placard duquel je sortis deux verres. Un fond de sirop, une bonne dose d'eau. Hop, deux diabolos grenadine. « Et voilà pour toi. » Je lui tendis son verre, souriant à pleine dents, tandis que je tenais le mien de mon autre main. Je n'avais bien sur pas omis de placer une paille dans chacun d'entre eux, et bientôt je me mis à siroter. Là encore, histoire d'enquiquiner la demoiselle, j'effectuai des bruits forts désagréables avec ma bouche, m'aidant de la présente paille. Il ne faisait aucun doute que sur l'instant, elle avait juste envie de me gifler. Ouais, c'était fort probable.

Je me demandais comme j'avais pu survivre durant ces vingt minutes qui m'avaient séparé de la belle Laoise. Nous ne nous connaissions que depuis peu, mais déjà je ne pouvais plus me passer d'elle. Et elle de moi, au même titre. Nous étions en passe de devenir les véritables inséparables de ce château. Blague à part, il n'en était rien, bien sur. Sa compagnie était loin de m'être insupportable mais de là à devenir accro... non, fallait pas abuser. Elle était de toute manière bien placée pour savoir que tout ceci n'était que farce, vu que j'avais tenté de lui expliquer que j'étais incapable de m'attacher à quiconque. On plaisantait bien, elle et moi, et c'était encore le principal. « Je sais. Chaque minute sans toi est tellement dur à vivre. C'est comme si tu étais le souffle d'air dont j'ai besoin pour respirer. » Alors là, elle montait le niveau d'un cran et y allait franchement fort. L'air dont elle avait besoin pour respirer... Waou, je ne me savais pas aussi indispensable mais maintenant je voyais clair dans son jeu. Elle était folle de moi. Un amour que je ne pouvais lui rendre, bien que sachant pertinemment que j'allais lui briser le cœur. Oh, quel monstre j'étais. On pouvait aussi arrêter de jouer aux cons, sinon. Ouais, c'était envisageable. Laoise semblait décidée à terminer son ménage en passant la serpillère derrière moi. Voilà pourquoi elle m'avait demandé de me magner le cul, d'aller chercher de quoi remplir nos verres dans le frigo au plus vite. Or je ne souhaitais pas me presser - j'avais tout mon temps, oh. Je pouvais, sur le moment, passer pour un véritable emmerdeur. Ce... que j'étais sans doute, oui. « Chiant ? Mais non, voyons, tu es adorable. » Oh, à d'autres. Je la voyais serrer les poings et grincer des dents à mesure que je marchais au ralenti dans la pièce. Enfin je nous servis nos deux verres de sirop de grenadine. Non sans arborer, en prime, un sourire resplendissant façon freedent dont j'avais le secret. « T'es flippant quand tu souris comme ça. » Comment ça j'étais flippant ? « Merci. » Héhé. Maintenant elle eut droit à quelques bruits assez désagréables à l'oreille, effectués grâce à la paille plongée dans mon verre. Ah quand il s'agissait de faire le pitre, je n'étais jamais le dernier. Voyant la jeune femme totalement impassible face à ça, je me mis à rire et, par conséquent, manquai de m'étrangler. « Tu aimes bien embêter les gens qui t'entourent, hein ? » J'allais bientôt passer pour un gros gamin, mais j'assumais pleinement. Après tout, je n'avais jamais que vingt-cinq ans. Si à cet âge je n'étais même pas capable de faire mon chieur, où allait le monde, je vous le demande ?... Je retirai la paille de mon bec, pour rétorquer « Disons que quand j'ai la possibilité d'faire chier mon monde, j'y vais quoi. » C'était inoffensif venant de moi et avant tout fait pour attirer l'attention. C'était plus fort que moi, il fallait toujours que je me fasse remarquer. D'une façon ou d'une autre. « Et toi, ça t'arrive jamais de jouer les enquiquineuses ? Prouve-moi, là tout de suite, qu'un brin de folie réside en toi. Au delà du fait que tu sois une formidable comédienne. » Référence à nos petits délires de tout à l'heure, concernant l'amour que nous nous vouions l'un à l'autre. Non, je voulais en voir plus. Qu'elle me prouve que, comme moi, elle pouvait franchement déconner parfois. Parce que le truc avec les pailles, la marche au ralenti et en roulant du cul, c'était encore rien ça. Non, je pouvais faire bien pire encore. Et elle, en était-elle seulement capable ?

Qu'on se le dise, j'étais un vrai petit foufou. Enfin, disons que je donnais souvent dans la farce et me plaisais à emmerder les autres. C'était dans ma nature de me montrer très chiant, dès que l'occasion m'en était donnée. Bien souvent ça n'était pas méchant, mais jamais je ne regrettais jamais ce que j'étais amené à faire. Jamais. Non, j'assumais le moindre de mes faits et gestes, aussi farfelus soient-ils. Bon, là tout de suite mon côté gros emmerdeur extravagant et déjanté ne ressortait pas forcément ; il fallait dire aussi que je n'avais effectué qu'une marche au ralenti de la table au frigo et quelques bruits de paille. Je pouvais carrément mieux faire, c'est clair. Mais elle, alors ? Qu'en était-il de cette folie qui, j'en étais persuadé, ne demandait vraiment qu'à être exprimée ? Je l'avais d'ailleurs conviée à faire son enquiquineuse, à laisser se manifester la grande folle qui sommeillait en elle. Cependant, je ne m'attendais vraiment pas à ce qui s'en suivit. Car bientôt, la jeune femme retira avec entrain la paille de son verre avant de ne jeter le contenu de ce dernier sur... moi. Eh oui, elle avait osé s'attaquer au grand bonhomme que j'étais, et désormais je me retrouvais trempé et tout collant ; recouvert d'une substance rouge de la tête aux pieds. Sans parler de mes cheveux... Han ! Mes cheveux, quoi, merde. Le sirop, c'était juste fatal quoi. Vraiment je n'aurais jamais soupçonné un pareil réflexe de sa part. En plus, elle venait de dégueulasser ce sol qu'elle avait soigneusement passé à la serpillère. Ah ça, c'était pas bien malin quand même. Je restai un instant immobile et la bouche grand ouverte témoignant de ma surprise, voyant dégouliner de ma mèche de cheveux un mélange d'eau et de sirop. « Désolée. » Elle semblait vraiment regretter son geste. Quant à moi, et bien, je ne pouvais clairement pas rester comme ça. Voilà pourquoi j'entrepris de retirer mon t-shirt, avant de ne déboutonner le haut de mon jean et de faire glisser celui-ci le long de mes jambes. Voilà, je ne portais plus qu'un caleçon et des chaussettes. « Quand même, t'abuse. Tu vois dans quelle tenue j'dois m'trimballer maintenant ? Avoue que t'as fait ça rien que pour t'rincer l'œil, hein coquine vas ! » J'arborais par la suite un sourire quelque peu aguicheur. Je ne lui en voulais pas, bien sur, car après tout j'avais cherché la merde en lui demandant d'extérioriser sa folie. Résultat, mes fringues étaient importables et devaient être lavées au plus vite. En attendant, j'allais devoir passer la journée comme ça. Ouais, j'aurais pu remonter et enfiler d'autres fringues, mais non. Et puis, tant que ça pouvait faire grimper l'audimat...

Le sirop de grenadine jeté à la gueule, vraiment j'appréciais. Franchement, pour rafraîchir, y'avait juste pas mieux. D'ailleurs, j'en aurais presque demandé à la jeune femme de me jeter mon propre verre, tellement ça faisait du bien. Non plus sérieusement, c'était assez dégueulasse tout ça. Collant, surtout. Alors déjà mes cheveux auraient grand besoin d'un shampooing dans l'heure qui vient, et puis mes fringues allaient devoir être lavées, hein. Je ne pouvais procéder autrement. Au moins Laoise venait de me prouver qu'elle était une jeune femme fort imprévisible. Parce que pour le coup, le verre, je ne l'avais carrément pas vu arriver. Mais voilà, elle me l'avait bel et bien balancé en pleine tronche et je n'avais pas eu d'autre choix que de retirer une à une mes fringues, ne faisant que tâcher encore un peu plus le sol qui avait déjà pas mal morflé. Bon, au moins cela permettait à mademoiselle d'en avoir plein la vue - quel corps superbe, non mais franchement. J'allais même finir par croire qu'elle avait tout manigancé dans l'idée de pouvoir me mater en caleçon et rien d'autre. En fait je le pensais déjà. Tout ceci n'était que supercherie. Ah, qu'est ce qu'il ne fallait pas faire pour voir un beau gosse dévêtu... Elle était aussi désespérée que ça ? Oh non, quand même pas ! « Allez, bouge-toi de là que je nettoies ça » fit-elle, tout en s'approchant avec sa serpillère. « Bah oui, c'est ça quand on dégueulasse un carrelage. Faut nettoyer après, c'est sur. » Elle n'allait quand même pas m'en vouloir pour ça, c'était elle qui avait lancé le verre tout de même. Je ne lui avais rien demandé, enfin... pas demandé de recevoir celui-ci aussi brusquement en tout cas. Y'a plein de façons d'extérioriser sa folie, elle avait certainement choisie celle qui laissait le plus de traces, par terre comme sur les fringues. Bien joué Laoise ! « Bon allez, j'vais aller changer de caleçon car, comme tu peux l'constater, le sirop ne l'a pas non plus épargné. » Pas besoin de vous faire un dessin, hein - j'étais trempé jusque dans celui-ci. Je fis alors quelques pas en direction de la porte, et tournai une dernière fois la tête en direction de la jeune femme. « ... Et merci de m'avoir initié aux "joies" du ménage. » Oh oui vraiment, quel fabuleux apprentissage. Je finis par quitte la pièce, en souriant. Je m'attendais déjà à susciter la curiosité de bien des candidats, en me baladant comme tel. Bah, ils n'allaient quand même pas s'en plaindre, une telle vue... waou.

sujet terminé pour Andreas.