Laoise avait vraiment une mémoire incroyable de se rappeler notre discussion dans le labyrinthe, celui-là même où nos talents de chanteuse avaient été évoqués, et où l’idée d’un karaoké avait été lancée dans l’air. Ça n’avait été qu’une idée folle, que j’avais lancée comme ça au fil de la discussion. J’étais loin de l’avoir prise au sérieux… contrairement à la jolie brune. Dès le moment où elle me convia à la salle de musique, je me doutais qu’il y avait anguille sous roche. Et alors que je vaquais tranquillement à mes activités, voyant l’heure de notre rendez-vous approcher, Laoise se sentit le besoin de venir me cueillir là où je m’étais posé. M’attrapant par la main, elle me força même à la suivre. Oh, torture. Elle ne me libéra que lorsque ne fumes sur place. « Puisque tu m’as déjà entendue chanter, il me semble logique que ça soit toi qui commences. » Oh, la vilaine. C’est qu’elle avait préparé son coup à l’avance, j’en étais certaine. Elle ne désirait que vengeance, après que j’ai eu le loisir d’assister à sa petite prestation improvisée en plein cœur du labyrinthe. Je ne payais rien pour attendre, de toute évidence. « Euh… si tu veux. » Je passais une main dans mes cheveux, un peu mal à l’aise. Mais bon, après tout, si la jeune femme n’avait pas hésité à se ridiculiser devant les caméras… je devais bien être capable d’en faire autant, non? C’était tout ce qu’elle demandait, après tout. M’approchant de Laoise, qui s’était posé à côté de la chaîne hi-fi, je regardais avec elle les CD à disposition quand je tombais sur un album intéressant. « Tiens, mets celui-là, piste… hm… la sept, tiens. » Du Katy Perry, avec Hot N Cold. Piste intéressante, mais tout aussi amusante à chanter. Et bien moins clichés que son premier grand succès, beaucoup trop souvent entendu dans les soirées karaoké.

« Et maintenant, il ne te reste plus qu’à chanter. » Et voilà, ma sentence venait de tomber. À moi venait le tour de chanter devant ma camarade. Avec musique, micro et une bonne dizaine de caméra braquer sur moi, à coup sûr. Je me sentais plutôt petite dans ma peau, avec une folle envie de m’enfouir sous le sol. Mais déjà, la chanson démarrait et il n’était plus question de refuser, de m’enfuir à toutes jambes. Je ne pouvais pas faire ça à Laoise ! D’ailleurs, c’était bien la seule avec qui je me sentais assez à l’aise pour faire ce genre de chose. Je me mis donc à chanter, d’une voix faible au départ, un peu trop aigue et nasale, mais juste, y’avait pas à dire. Sauf qu'elle était loin d'être parfaite. « You change your mind, like a girl changes clothes. Yeah you, PMS, like a bitch, I would know. » Il fallait que je me laisse aller, que j’arrête de trop réfléchir et que je m’amuse un peu… On était là pour ça, non? Et puis, le ridicule ne tuait pas. Je continuais de chanter, fermant les yeux un moment en me laissant porter par la musique, mais c’est quand arriva le refrain que je lâchais finalement prise, me prêtant au jeu tout en m’amusant. Ce n’était pas encore tout à fait parfait, mais je faisais des efforts, j’avais au moins se mérite. « Cause you’re hot then you’re cold, you’re yes then you’re no. You’re in then you’re out, you’re up then you’re down. You’re wrong when it’s right, it’s black and it’s white. We fight, we break up. We kiss, we make up. » Je ne pu m’empêcher de gesticulés en chantant, mes mains se détachant du pied du micro qu’elles tenaient fermement depuis le début. Je poussais même l’audace jusqu’à pointer du doigt ma camarade, l’invitant finalement à me joindre. « You don’t really want to stay, no. But you don’t really want to go-oo. » Allez, Laoise, ne fait pas ta timide et vient chanter avec moi !

Je ne chantais pratiquement jamais, et surtout pas en public. En fait, les rares personnes à m’avoir entendu exploiter ce talent – que je n’avais visiblement pas – étaient mes plus proches amies, lors de nos soirées karaoké dans un petit bar-karaoké de Montréal, où chaque groupe avait sa petite salle privée. Entre nous, ça devenait déjà plus aisé de se laisser aller et de faire les folles. Et du Katy Perry, nous en avions chanté à la tonne, ça n’avait donc rien de surprenant à ce que je choisisse l’une des chansons… aussi bien être confortable dans au moins l’un des éléments, que ça me facilite la chose un peu. La gêne du début laissa finalement place à un certain plaisir, au fil que les paroles et que la musique progressait. Je tentais de ramener en mémoire toutes ces fois où j’avais fait la même chose avec mes amies, et s’en était presque devenue… plus facile. Laoise semblait bien s’amuser, assez du moins pour esquisser de légers mouvements de danse au même rythme que l’air de la chanson. Je l’invitais à me rejoindre. Pourquoi s’en priverait-elle! Un haussement de sourcils surpris plus tard, sa voix se mêlait à la mienne pour en terminer avec ce refrain. Elle était carrément énergique dans sa prestation, et la voir aussi libre de ces mouvements me fit sentir soudainement bien plus à l’aise que je ne l’étais déjà. Je me permis aussi quelques folies, quelques mouvements de danses improvisés – et loin d’être du grand art – mais je m’amusais, et c’était ce qui importait. Un autre bout de la chanson passa, du couplet jusqu’au nouveau refrain, puis l’un des bouts favoris de la piste arriva. Le moment où ma voix gâcherait tout, et où les téléspectateurs feraient bien de se mettre des bouchons aux oreilles. « Someone call the doctor, got a case of a love-bi-polar! Stuck on a roller coaster, can’t get off this rideeeeeee. » Je m’étais tournée pour faire face à ma partenaire de crime, et malgré l’horrible tonalité de nos deux voix unies, je m’amusais comme une véritable gamine, en ce moment. Et ça faisait du bien de se défouler un peu.