Pourquoi était-il là ? Il n'en savait rien. Comment s'était-il retrouvé ici ? Il n'en savait rien. Pourquoi ne s'en allait-il tout simplement pas ? Devinez quoi, il n'en savait rien. En fait, il était fort probablement que Raphaël ne sache pas grand chose, ne serait-ce que concernant sa venue dans cet étrange endroit. De ce qu'il était capable de reconnaitre, il s'agissait d'une ancienne épicerie, quelques peu modifiée certes, mais tout de même nettement reconnaissable. Encore une fois, il se demandait sérieusement ce qui avait bien pu le pousser à entrer là dedans. De toute évidence, il n'avait besoin de rien. Comprenez par là que Raphaël n'avait pas faim, ni envie de quoi que ce soit qui puisse se trouver dans un tel endroit. Pourtant, il ne prévoyait pas d'en sortir dans l'immédiat. Parce qu'à défaut d'avoir quelque chose à y faire, il était fort probable qu'il soit décidé à l'observer avec attention. Parce que cela, comme beaucoup de choses en ce monde, avait tendance à l'intriguer. Il n'y avait aucune raison à cela, mais c'était un fait, il venait de découvrir une nouvelle chose à laquelle s'intéresser. Ce qu'il y avait toutefois de différent par rapport à tout ce qui avait tendance à l'intriguer d'ordinaire, c'est que cette ancienne épicerie ne semblait pas avoir trait au morbide. A moins, bien sûr, qu'il tombe nez à nez avec le fantôme d'une ancienne caissière, mais c'était tout de même relativement peu probable. Mais voilà qu'étant plongé en pleine réflexion - autant dire qu'il était bêtement dans la lune, comme bien souvent hélas - Raphaël ne regarda pas devant lui et finit par entrer en collision avec ... une étagère. Hm, rien de bien méchant. Enfin, si elle avait été vide. Parce que naturellement, il venait de se cogner contre une étagère tout ce qu'il y a de plus remplie. Résultat, de nombreuses boites de conserves et des paquets en tous genres trouvèrent la direction du sol, s'éparpillant un peu partout autour de lui. Oh bon sang, il se détestait particulièrement à cet instant précis. Parce que non content d'être embarrassé de nature, voilà qu'il se plaçait maintenant dans une situation aussi absurde que ridicule. Ah, et d'ailleurs, tandis qu'il commença à ramasser ce qu'il venait bêtement de faire tomber, voilà qu'il se rendit compte que quelqu'un avait assisté à cette scène des plus navrantes. Oui, en relevant la tête, il vit une jeune femme, probablement sur le point de rire face à son ridicule. Qu'elle ne se gêne pas surtout, il comprendrait tout à fait qu'elle se fiche de lui. Il ne pourrait s'en prendre qu'à lui même, de toute manière.

Quelle maladresse. Bon sang, vous n'imaginez pas à quel point il pouvait se détester à cet instant précis. Parce qu'il était tellement tête en l'air qu'il avait trouvé le moyen de rentrer dans une étagère, et naturellement, une étagère loin d'être vide. Du coup, il n'avait pas manqué de renverser divers produits sur le sol, et d'avoir l'air bien bête pour le coup. Vraiment, il aurait préféré regarder droit devant lui au lieu d'avoir la tête dans les nuages, cela lui aurait assurément évité de passer pour un parfait idiot. Surtout qu'il venait tout juste de se rendre compte que l'une de ses camarades avait assisté à cette scène des plus ridicules. Il n'osa pas s'adresser à elle, de peur d'être coupé par l'un des éclats de rires qu'elle retenait probablement dans l'immédiat. Vous savez, il avait tellement l'habitude que l'on se moque de lui que Raphaël ne s'en étonnait même plus à la longue. Ainsi donc, il commença à ramasser ce qu'il avait renversé, le regard toujours posé sur sa camarade qui, bizarrement, ne riait toujours pas. Hm, curieux. Il aurait pourtant juré avoir un coté tout à fait risible, à cet instant précis. Plus étonnant encore, la demoiselle se proposa de l'aider, en s'accroupissant pour avoir accès à tout ce qu'il venait de renverser. Sur le coup, Raphaël ne manqua pas d'être surpris. C'était bien l'une des premières fois de sa vie qu'on se proposait de l'aider, alors il n'avait pas le moins du monde l'habitude, vous vous doutez bien. « Merci » articula-t-il alors, très timidement. Elle avait beau vouloir l'aider, il ne pouvait s'empêcher, bien malgré lui pourtant, qu'elle ne manquerait pas de lui faire savoir qu'elle avait prétendu cela pour mieux se moquer de lui, au final. Oui, il avait tendance à se sentir perpétuellement persécuté. Et oui, il avait des problèmes. Tellement de problèmes. Sa camarade lui posa alors une question, et le sourire qu'elle afficha à cet instant précis ne manqua pas de l'interpeller. Il ne cherchait pas à savoir ce qu'elle insinuait par là, parce que sans doute ne serait-il même pas capable de le comprendre. « Je pense toujours à des tas de choses. J'ai toujours l'esprit accaparé par de nombreuses pensées ... » Sauf que pour le coup, ça ne répondait pas à la question de sa camarade, hm. « J'analysais simplement les lieux. Et je me suis laissé distraire, hm. » Voilà qui était sans doute un peu mieux, disons. Sauf que maintenant, elle lui proposait une boite de haricots à la tomate. Ah ? « Je te remercie, mais je n'ai pas faim. » Chose logique alors qu'il se trouvait dans une épicerie, hein. Vraiment, Raphaël était un type bizarre. « Est-ce que je peux te demander ton prénom ? J'apprécie ton aide, alors j'aimerais pouvoir te remercier plus officiellement. » A savoir, en la nommant. Au fond, c'était aussi une tentative d'approche comme une autre. Soyez indulgents, il débutait.

Il aurait été quasiment logique que sa camarade se moque de lui après avoir assisté à cette scène des plus ridicules. Pourtant, ce ne fut pas le cas. Raphaël s'était véritablement imaginé qu'elle n'aurait pas manqué de se ficher de lui, mais le fait est qu'elle ne trouva visiblement pas utile de le faire. Bon, il n'allait pas s'en plaindre, dans la mesure où il se passait plutôt bien de moqueries supplémentaires. Il fut même assez agréablement surpris par son initiatives de lui prêter main fort dans l'opération qui consistait à ramasser ce qui venait d'être renversé par terre. Elle l'aidait et il ne pouvait qu'apprécier son geste. Il trouva alors on en peut plus naturel de la remercier, parce qu'à défaut de nécessairement se moquer de lui, sa camarade aurait pu simplement désirer le laisser se débrouiller avec ses bêtises. Pourtant, elle était restée, et elle l'aidait désormais à remettre un peu d'ordre dans tout ça. Appréciable, vraiment. Mais voilà qu'il se sentit un peu bête lorsqu'elle lui demanda ce qui avait bien pu accaparer ses pensées au point qu'il n'avait pu faire autrement que de rentrer bêtement dans une étagère. Sans doute s'attendait-elle à entendre une histoire croustillante, mais il n'en était malheureusement rien. Le fait est que ce jeune homme particulièrement ennuyeux n'avait fait que penser au sujet des lieux, qui l'intriguaient quelques peu il est vrai. Peut être ne s'attendait-elle pas tellement à entendre ce genre de choses, mais il ne se voyait pas lui mentir en inventant quelque chose qui aurait au moins le don de l'intéresser davantage. La vérité était simplement à son image, des plus banales. Sa camarade l'interrogea alors à ce sujet, évoquant ce qui devait être le nom d'un film ou bien d'une série télévisuelle. Honnêtement, il regardait trop peu la télévision pour le savoir. « J'aime assez cette atmosphère rétro, un peu archaïque. Par contre, je ne suis pas certain de saisir la référence. Je lis plus que je ne m'intéresse à la télévision » avoua-t-il alors. Sans doute allait-elle sans tarder le trouver ridicule. Parce qu'il l'était, hm. « Raphaël » reprit-il doucement, lorsqu'elle lui fit part de son prénom. Il tâcherait de le mémoriser. Sinon, que faisait-il ici ? Et avait-il vu du thé quelque part ? Oula, ça faisait beaucoup de questions à force. « Rien de particulier. Ou peut être simplement à découvrir cet endroit. Quant au thé, il me semble en avoir aperçu ... » commença-t-il, tout en se redressant puis en avançant au niveau des autres étagères. « ... par ici » termina-t-il, en se figeant devant l'une d'elles. Il y avait du choix, c'était certain. Même si elle ne lui paraissait pas franchement difficile.

Mad Men. S'agissait-il d'un film à succès, d'une série télévisuelle en vogue, ou de tout autre programme qu'il n'aurait assurément pas pu regarder, dans la mesure où il était bien rare qu'il allume sa télévision ? C'était d'ailleurs l'un des grands mystère de sa vie d'adulte. Pourquoi posséder un poste de télévision alors qu'il passait bien plus de temps à dévorer divers ouvrages ou à lire le journal qu'à se poster devant histoire de se divertir ? Le fait est que Raphaël avait tendance à penser - plutôt à raison - qu'il ne vivait pas en raccord avec son époque. Lui, il vivait davantage comme un senior, comme quelqu'un qui aurait déjà passé toute une partie de sa vie à vivre d'une certaine manière, et qui aurait ainsi du mal à se faire à la modernité de l'époque actuelle. Pourtant, il n'avait que vingt-trois ans. Il était né à la fin d'une décennie déjà relativement avancé d'un point de vue moderne, et n'avait ainsi donc aucune raison de vivre comme s'il avait connu la guerre, la belle époque, comme s'il était décalé avec le présent. Sans doute était-ce une preuve supplémentaire de l'étrangeté de Raphaël, hm. Oui, sans doute. En tout cas, il semblait avoir visé juste, malgré le fait qu'il ne voit pas tellement de quoi elle pouvait bien parler. Oui, il avait du se douter qu'elle faisait plus ou moins référence au coté rétro de cette ancienne épicerie, qui avait un coté vintage, un peu dépassé, mais plutôt glamour. Il supposait donc que Mad Men présentait les mêmes caractéristiques, hm. Sa camarade disait alors que les "sixties" revenaient probablement à la mode. Il n'en savait trop rien, honnêtement. Mais l'être un peu décalé qu'il était constatait effectivement de temps à autres que le rétro avait sa place à l'époque moderne. Est-ce que c'était là une bonne chose ? Disons que n'était pas fan de tout ce qui semblait plaire aux gens de ce siècle, alors il ne pouvait pas voir d'un mauvais œil que le passé resurgisse d'une certaine manière. « Je suppose que tu préfères les supermarchés modernisés, les grandes surfaces comme on en trouve beaucoup de nos jours ? » demanda-t-il, quelques peu curieux. Il ne la jugerait pas, il tâchait simplement de s'intéresser aux gouts des autres qui, il n'en doutait pas, devaient être bien différents des siens. Mais ne vous y trompez pas, il avait bien conscience que le problème venait de lui, que c'était lui qui n'était pas raccordé à son époque. Par la suite, sa camarade chercha à savoir si du thé se trouvait dans le coin. Fort heureusement, Raphaël en avait justement aperçu en se baladant tout à l'heure. Il le lui indiqua alors et sa camarade se servit. Visiblement, elle restait dans le classique, ce qui n'était pas une mauvaise idée. « C'est une bonne chose, je trouve, de boire du thé. Je veux dire, en dehors du fait que ce soit relativement bon pour la santé, c'est préférable à tout ce que l'on peut trouver sur le marché aujourd'hui. » Il parlait là des boissons gazeuses, des sodas, de toutes ces cochonneries qu'il ne faisait, selon lui, pas tellement bon consommer. Mais peut être parlait-il surtout pour ne rien dire. Car Branca ne devait pas franchement s'intéresser à son point de vue sur la chose. Sauf que lui, il essayait de se sociabiliser. Un peu maladroitement, il est vrai. « Avec Candace » répondit-il doucement, suite à la question de sa camarade. Voyait-elle au moins de qui il voulait parler ? Il osait l'espérer. « Et toi ? » Parce qu'autant trouver quelque chose à dire, et une façon d'en savoir plus sur sa camarade hm.