make a deal and think after
ft. Alistair & Andreja

Sa décision était prise depuis longtemps à lui, Andreja savait bien qu'il ne quitterait pas le nid la semaine prochaine et ce peu importe la composition du carré finale, qu'il y ait dedans quelqu'un qu'il veuille soutenir ou non. Les raisons à cela étaient diverses, et surtout il n'avait ni l'envie ni la possibilité de se justifier à ce sujet pour le moment. Pourtant malgré cela il avait commencé à rassembler ses affaires, sans doute pour ne pas être pris au dépourvu la semaine suivante lorsque viendrait le temps de faire les valises, et que tout le monde commencerait à se marcher dessus dans le dressing pour fermer sa valise et partir à la recherche d'une chaussette orpheline ou d'une montre disparue. Par chance il n'était, de nature, pas quelqu'un de bordélique, ni même de désorganisé, et il avait pris soin au cours de ces onze semaines de ne pas semer ses affaires partout, d'autant plus qu'il voyageait léger et ne pouvait pas se permettre d'égarer la moité de ses affaires parce qu'il ne ferait pas assez attention. Repliant soigneusement ses affaires, remettant de l'ordre sur son étagère et faisant une place pour le sac à dos qui trainait toujours à ses pieds, il s'était arrêté un moment pour fouiller à l'intérieur, pour faire le point sur ce qu'il contenait puisque parce qu'il y cherchait quelque chose en particulier. Pourtant, lorsque ses doigts avaient buté contre quelque chose qu'il avait tout de suite reconnu, il avait eu comme ... une illumination. Ou plutôt une bonne idée, ou du moins à ses yeux elle avait l'air bonne, et enfonçant son sac à dos au fin fond de l'étagère il était ressorti du dressing avec une idée en tête. Une idée qu'il avait trainé tout le reste de la journée, mis un peu de côté, et qui lui était finalement revenue en tête lorsque, passant à proximité de la salle de musique et y remarquant quelqu'un, il avait décidé de jeter un œil. « Oh, je te chercher. » avait-il lâché d'une voix légère, esquissant un sourire tandis que son regard allait d'Alistair à la guitare qu'il tenait entre ses doigts. Il aurait bien été incapable de dire si le britannique avant un quelconque talent pour la musique, il ne lui avait jamais posé la question et il ne fréquentait pas assez la sale de musique pour l'y avoir déjà croisé. « Tu joues ? » Peut-être qu'il regardait simplement, qu'il s'était emparé de cette guitare par curiosité, c'était simplement une question. Lui était allé s'accouder au piano comme par réflexe, et ce alors même qu'il n'avait osé poser ses doigts sur le clavier qu'une seule et unique fois depuis qu'il était dans le nid. Trop de souvenirs. Relevant les yeux vers Alistair, l'air pensif, il avait finalement demandé « Tu décider ce que tu faire, après ça ? » Et par ça il lui semblait évident qu'il faisait référence à l'après Fake Lover, à ce qu'il comptait faire une fois le nid derrière lui. Le serbe avait entendu dire qu'il voulait déménager, se terrer dans un endroit où on lui foutrait la paix en attendant que les conséquences de l'émission ne retombent comme un soufflé, et cela lui semblait à l'image d'Alistair en fin de compte. Mais ça c'était ce qu'il avait entendu, il n'était pas certain que ce soit vrai.

Spoiler:

Les jours passent et se ressemblent. Son humeur change du tout au tout d’une semaine à l’autre (voire d’un jour à l’autre, en réalité) et il s’ennuie atrocement. Pourtant, il ne s’en plaint pas, il garde cet ennui pour lui, n’ayant aucune envie de se plaindre alors qu’il est plutôt bien loti. Il a un toit, à manger, un espace plus qu’important à disposition et de multiples activités pour passer le temps. C’est simplement qu’elles n’ont plus rien d'indit pour lui et qu’il s’est lassé. Mais peu importe, il ne s’en plaint pas à haute voix et finit toujours pas trouver quelque chose à faire. En ce début de soirée, c’est la salle de musique qui a obtenu sa préférence. Cela ne fait que deux ou trois semaines qu’il met réellement les pieds ici. Avant, il s’était contenté de passer devant, de faire un pas à l’intérieur et puis de changer d’avis pour trouver une autre occupation. Il joue de la guitare, pourtant, ce n’est pas comme s’il ne voyait pas d’utilité à cette pièce, elle pourrait l’être, s’il y mettait du sien. Mais il n’aime pas l’idée d’être surpris pendant qu’il joue. Sauf qu’aujourd’hui, l’ennui prend le dessus. Il pénètre dans la pièce, s’empare d’une guitare qu’il accorde avant de s’asseoir en tailleur au milieu de la pièce, face à la porte, afin de distinguer immédiatement si une silhouette vient l’interrompre. Et il commence à faire glisser ses doigts sur les cordes, qui forment naturellement des notes, sans qu’il y réfléchisse. Il ne s’écoute pas, à moitié concentré sur la porte, mais il sait qu’il ne fait pas de fausses notes, du moins rien qui provoque une grimace, il maitrise son instrument, malgré tout. Il s’arrête net quand il distingue une silhouette qui passe devant la pièce et qui, finalement, ne va pas plus loin. Il ne tarde pas à reconnaître Andreja, qui lui annonce qu’il le cherchait. « Pourquoi ? » Il répond aussitôt, fronçant légèrement les sourcils. Il ne peut s’empêcher d’imaginer que c’est à propos de la révélation qui a eu lieu il y a quelques jours. Alistair avait quitté précipitamment le salon et Andreja s’était excusé le lendemain, lors du prime. Il ne lui en voulait pas, pourtant, l’anglais. Simplement, il a préféré fuir, comme à chaque fois que la situation lui échappe. Mais il pensait que les choses étaient claires et il espère qu’Andreja ne va pas revenir sur le sujet pour avoir de grandes explications, parce qu’il n’est pas dans l’état d’esprit adéquat pour tenir une conversation ainsi. Ça l’inquiète déjà, le rend un peu nerveux. Et puis, finalement, Andreja préfère se concentrer sur la guitare qu’il tient entre les mains, lui demandant s’il en joue. « Un peu. » En réalité, il joue plus qu’un peu, mais il se passera bien de le dire. Il devrait, pourtant, c’est le seul domaine où il se débrouille à peu près, mais il a toujours peur qu’on lui demande une démonstration ou qu’on reste pour l’écouter. C’est très personnel pour lui, la musique. C’est une échappatoire qu’il ne partage avec personne, raison pour laquelle il n’a touché que cinq ou six fois les guitares qui trônent dans la pièce, pour ne pas exposer cette facette de lui-même. Et puis, ces guitares ne sont pas la sienne. Celle qu’il possède, le seul véritable objet qui lui appartienne et qu’il n’a pas encore dû revendre par manque d’argent. Elle est un peu déglinguée, depuis le temps, elle ne sonne plus aussi bien que lorsqu’il l’a reçue, mais il ne parvient pas à s’en séparer, parce qu’elle lui donne l’impression d’avoir quelque chose à lui, pour une fois. La question qu’Andreja lui pose par la suite le laisse silencieux quelques instants. En réalité, il ne sait pas vraiment quoi répondre. Ce n’est pas qu’il manque d’idées, il en a plusieurs, simplement elles sont irréalisables, pour l’instant. « Je vais devoir m’adapter à la situation qui sera la mienne après mon élimination, que ce soit cette semaine ou la prochaine. » Dans l’idéal, il l’a déjà dit, son envie serait de déménager. Mais pour cela, il lui faut une cagnotte un peu plus remplie que l’actuelle, afin qu’il parvienne à rembourser ses parents et qu’il puisse profiter du reste pour quitter le Royaume-Uni. Mais à l’heure actuelle, la situation qui se présente à lui est bien moins réjouissante que celle dont il a envie. Il est foutu, tout simplement. « Mais pour l’instant, le plan c’est de reprendre ma vie là où je l’ai laissée. » Parce que sa cagnotte ne lui permet ni de rembourser ses parents, ni de s’offrir un loyer le temps de quelques semaines, ni de quitter le pays. Alors il reprendra les choses là où il les a laissés. Il va fuir dans un autre bled, bosser comme plongeur, déménageur ou caissier de supérette l’espace de quelques mois, jusqu’à ce que la vérité éclate et que la chasse aux sorcières recommencent. Il quittera le bled, pour un autre, et le schéma recommencera. Rien de bien réjouissant donc et rien qu’à l’idée de reprendre sa vie qu’il qualifie lui-même de pourrie, son humeur se dégrade légèrement. « Et toi ? » Il a peut-être déjà posé la question à Andreja, il n’a pas une grande mémoire, mais peu importe, dans l’immédiat il veut simplement que sa situation à lui ne soit plus le sujet. Il est certain qu’Andreja saura lui donner une réponse un peu plus réjouissante que la sienne, à ne pas douter.

Andreja ne cherchait pas Alistair au sens premier du terme, il avait bien un truc à lui dire mais il n'était pas non plus à un jour ou deux près ... Quoi qu'avant dimanche c'était sans doute mieux, pour tout un tas de raisons, à commencer par le fait que même s'il croyait véritablement aux chances du britannique d'atteindre le carré final il n'avait aucune certitude qu'il resterait dans le nid une semaine supplémentaire si tel n'était pas le cas. Ce n'était plus vraiment à cela qu'il pensait tandis qu'il traversait le couloir du rez-de-chaussée en tout cas, mais le semblant de mélodie qui lui sembla s'échapper de la salle de musique attira subitement son attention et c'est malgré tout avec une certaine surprise qu'il y avait découvert Alistair, une guitare à la main. Il le cherchait, comme il avait décidé de le lui faire remarquer ; Il le cherchait sans le chercher, certes, mais le résultat était le même et l'important restait qu'il ait finalement le britannique sous la main. « Pourquoi ? » Au lieu de lui répondre, et pourtant sans vraiment faire attention au fait qu'il venait d'involontairement ignoré sa question, Andreja avait préféré en poser lui-même une autre. Il n'avait jamais vu Alistair un instrument de musique à la main, sans doute que l'occasion ne s'était jamais présentée non plus, mais maintenant que c'était le cas il se demandait légitimement si le jeune homme avait un quelconque talent pour la musique ou bien s'il satisfaisait juste sa curiosité concernant une pièce qu'il n'aurait pas assez fréquenté durant ces onze dernières semaines. « Un peu. » Un peu cela voulait dire un peu tout et rien à la fois en fin de compte, ce n'était pas vraiment une réponse, et Andreja ne savait pas s'il avait envie de s'en contenter ou non à vrai dire. Il croyait commencer à comprendre comment fonctionnait Alistair en surface, un peu du moins, et il savait que venant de lui "un peu" pouvait autant vouloir dire juste ça, ou bien plutôt "oui mais j'ai pas envie de te faire une démonstration". Et puisqu'il était aujourd'hui d'humeur badine il n'avait donc pas pu s'empêcher d'insister « Un peu, pour de vrai ? Ou un peu juste parce que tu veux pas je te demande un démonstration ? » Ce n'était pas demandé pour l'embêter, et d'ailleurs le ton d'Andreja ne laissait guère de doute à ce sujet, tout comme le fait qu'il n'avait - du moins pas qu'il sache - jamais poussé Alistair sur un chemin qui ne semblait pas lui convenir. Raison pour laquelle il n'avait pas attendu sa réponse pour préciser « Parce que si tu pas me demander, je pas te demander non plus. » et poser une main distraite sur le couvercle du piano, pour appuyer ses dires. Lui ne s'était risqué à tâter du clavier ici qu'une seule fois et avait été surpris ; Même s'il s'agissait de Tilda et même s'il ne s'était pas interrompu pour autant suivant le principe que lorsque l'on débutait un morceau on se devait de le jouer jusqu'au bout, il ne tenait pas à ce que la chose se reproduise. Ne souhaitant pas importuner Alistair plus longtemps à ce sujet il avait finalement changé de conversation, préférant lui demander ce qu'il comptait faire une fois sorti d'ici. Il ne donnait pas l'impression de vouloir retourner à une petite vie monotone et qui lui convenait, à vrai dire le serbe mettrait sa main à couper que la vie d'Alistair ne lui convenait pas, et quelque part il le comprenait, ça aussi. Sans savoir, simplement parce que sa propre vie ne lui convenait pas vraiment non plus. « Je vais devoir m’adapter à la situation qui sera la mienne après mon élimination, que ce soit cette semaine ou la prochaine. » Autrement dit il comptait sur sa cagnotte, c'était du moins ainsi qu'Andreja comprenait sa réponse. Rien de bien étonnant ceci dit, cela ne datait pas d'aujourd'hui qu'Alistair comptait sur sa cagnotte, pour des choses qui au fond ne regardait que lui, il n'avait jamais caché être ici pour l'argent. Et ce n'était pas moins respectable que n'importe quelle autre raison de s'être présenté au casting, en soi. « Mais pour l’instant, le plan c’est de reprendre ma vie là où je l’ai laissée. » Autrement dit il n'avait aucun plan en particulier, donc. « Et toi ? » Oh ça, c'était la question à un million, celle à laquelle Andreja lui-même n'avait pas la moindre réponse. Il aimerait bien pourtant, savoir déjà ce qu'il ferait dehors, cela lui ferait une raison de moins de s'inquiéter, cela lui permettrait de ne pas répondre à Tilda par phrases vagues et par des "peut-être" qui ne voulaient rien dire ... Ce serait plus simple. Mais simple n'était pas Andreja, de toute évidence. « Je sais pas, ça dépendre. De plein de choses. » Des choses qu'il ne pouvait pas détailler maintenant, mais au ton sur lequel il venait de répondre il espérait qu'Alistair comprendrait où il voulait en venir. Pinçant ses lèvres, l'air un peu hésitant, le serbe avait tout de même fini par glisser sa main dans la poche arrière de son jean pour en ressortir un jeu de clefs et un bout de papier froissé. « Je réfléchir à quelque chose tout à l'heure, quand je faire ma valise. Et je pas attendre une réponse toute de suite. » A vrai dire c'était presque un ordre, il ne voulait pas de réponse tout de suite, parce qu'il savait qu'Alistair dirait non sans réfléchir, sinon. Un peu comme sa cagnotte, que le serbe ne s'estimait pourtant pas légitime à garder. « Je crois je compris tu vouloir te cacher un peu, quand tu sortir d'ici, pour être tranquille. Et aussi que ça être un peu, hm, compliqué pour avoir un endroit à toi. Et moi j'ai un endroit, mais je pas y retourner avant ... longtemps. Alors plutôt que il rester vide, si tu veux aller toi, tu peux. » Et que le britannique ne vienne pas lui demander si il était sérieux, parce qu'il l'était résolument, et il doutait que le ton qu'il employait laisse penser le contraire. « Ils pas tous parler anglais mal comme moi, hein. Et comme ça tu rester là-bas autant comme tu veux, d'habitude mes sœurs elles venir de temps en temps, voir si personne voler quelque chose, mais si tu être là elles pas te déranger, et tu payer rien, comme ça tu garde ton argent pour autre chose d'autre ... Et quand tu veux partir tu laisser la clef dans la boite aux lettres et c'est tout, tu pas besoin de dire quelque chose. » Cela pouvait donner l'impression de sortir de nul part, comme proposition, mais en réalité c'était totalement réfléchi. Et il y avait une autre raison au fait qu'Andreja préférait faire cette proposition maintenant, avant le prime de dimanche, avant les révélations. C'était sa façon à lui de faire comprendre à Alistair qu'il n'en avait rien à foutre, de son secret, que cela ne lui ferait pas changer d'avis à son sujet parce qu'il était trop bien placé pour savoir qu'il serait injuste de juger quelqu'un sur son secret en dépit de ce qu'il ou elle avait montré durant son séjour ici. Il avait confiance en Alistair, assez pour ne pas s'offusquer à l'idée de le voir déambuler dans un appartement qui restait le sien, même s'il y avait bien trois ans qu'il n'y avait pas mis les pieds, et qu'il prenait très probablement la poussière malgré les quelques passages de ses sœurs pour faire un état des lieux et relever le peu de courrier qui parvenait encore à sa boite aux lettres.

Il aurait dû fermer cette porte à clefs. Ou du moins, la bloquer avec la première chose à sa portée susceptible d’empêcher l’entrée de qui que ce soit. Pas que la présence d’Andreja le dérange, simplement il aime jouer au calme, sans personne pour l’écouter – sauf s’il y a un pourboire à la clé – et il devrait le savoir, depuis le temps, que le nid ne va pas de pair avec le calme. Il est toujours pris au dépourvu par un autre candidat et il ne peut que dire au revoir à sa tranquillité. Heureusement qu’Andreja ne fait pas partie de ceux qu’il ne peut pas voir en peinture – bien que cette catégorie soit occupée principalement par Lou, en réalité. Le serbe ne tarde pas à dire qu’il le cherchait, ce qui provoque un certain malaise chez Alistair. Il ne voit pas pour quelles raisons son colocataire le cherchait, ce n’est pas comme s’ils avaient besoin d’avoir une conversation sérieuse, notamment sur le secret d’Alistair à moitié découvert par Andreja. C’est la première chose qui lui en vient en tête aux paroles d’Andreja et ça lui déplait, parce que l’anglais s’est imaginé que le sujet était clos. Et il n’obtiendra pas plus de précisions puisque le serbe change rapidement de sujet, se concentrant sur la guitare entre les mains d’Alistair et lui demandant s’il en joue. Un peu. C’est la réponse parfaite pour éviter que son camarade lui demander de lui jouer un morceau. Sauf qu’Andreja semble comprendre son petit jeu. Alistair s’apprêter à lui répondre, mais le serbe lui annonce que s’il ne lui demande pas de démonstration, il n’en fera pas de même. Il appuie ses dires en posant une main sur le piano. Ainsi, si la guitare, c’est le truc d’Alistair, le piano c’est celui d’Andreja. « D’accord. » Il déclare simplement, signe qu’il a enregistré le deal, si l’on peut dire cela ainsi. « Un peu pour pas que tu me demandes une démonstration. » Il avoue enfin, un maigre sourire sur les lèvres. Il est vrai qu’il n’aime pas se juger – on ne peut pas dire qu’il soit tendre avec lui-même – mais Alistair estime maitriser cet instrument, ou du moins, plus qu’un peu. Il en joue depuis des années, il a commencé à sa sortie du centre quand il a fallu qu’il se trouve une activité plutôt que de rester enfermé dans sa chambre du moment pendant des heures, à simplement regarder le plafond et à se torturer avec ses pensées. Et puis, c’est un peu son seul gagne-pain fixe, il n’aime pas forcément qu’on l’écoute jouer, mais la fin – ou plutôt l’argent, dans ce cas-là – justifie les moyens. Quoi qu’il en soit, il se permet d’avouer cela au serbe puisqu’il ne va pas lui demander une démonstration. Dans d’autres circonstances, peut-être qu’il aurait prétendu être sincère et ne maitriser que les accords de base. Alistair ne compte d’ailleurs pas poser de question sur le fait qu’Andreja semble jouer du piano, puisque la seule question qu’il aurait pu poser est justement le fait de savoir si oui ou non Andreja pratique cet instrument et il a déjà eu sa réponse. Andreja lui pose ensuite une question à laquelle il est régulièrement confronté depuis qu’il est ici et encore plus depuis que l’aventure touche doucement à sa fin. Que fera-t-il, une fois sa liberté retrouvée ? C’est une question à laquelle il n’a pas encore trouvé de réponse qui lui convienne. Et les jours défilent, les interrogateurs sont différents, pour autant, il ne sait toujours pas. Il avait des projets, quand sa cagnotte était remplie. Des projets qu’il n’était pas sûr de réaliser puisqu’il fallait valider sa cagnotte auparavant, mais des projets qui devenaient possibles. Et maintenant, alors qu’il est plus que jamais apte à valider sa cagnotte, ses envies demeurent dans la catégorie de l’impossible. Il ne remboursera pas ses parents, il ne déménagera pas, il ne changera pas de vie. Alors tout dépend de la situation qui sera la sienne après son élimination, qu’elle soit cette semaine – ce qui est fort probable – ou la prochaine. Et même si, par miracle, il vient à se hisser jusqu’au carré final, il sait pertinemment qu’il ne gagnera pas cette émission. Il validera sa cagnotte, mais ce n’est pas avec 2’000€ qu’il fera grand-chose. Le plan, pour l’instant, consiste donc à reprendre sa vie là où il l’a laissée. Ou plutôt, la vivre de la même façon qu’auparavant, puisqu’il ne peut pas la reprendre ainsi, il va tout de même falloir qu’il se trouve un autre endroit où crécher, un autre lieu où demander du travail. Rien de bien réjouissant, cette perspective ne le rend d’ailleurs pas ravi, mais plutôt abattu par la situation qui se présente et qu’il ne pourra éviter. Et puis, il faudra compter sur les réactions extérieures liées à son secret. Si elles sont dans la même logique que celles qu’il reçoit déjà quand les autres apprennent ce qu’il cache, sa vie va être chamboulée. Car il ne s’agira pas d’une ou deux personnes, mais d’une centaine, plutôt. Et là, il repense à l’endroit où il aurait aimé être lors de son casting et ça a soudainement du sens ; dans un cercueil. Suivant les réactions qu’il recevra, ça lui semble être la solution la plus facile. Quoi qu’il en soit, plutôt que de se perdre dans ses pensées négatives – comme toujours – il préfère retourner la question à Andreja qui, à coup sûr, doit pouvoir donner une réponse bien plus précise que lui. Déjà, parce qu’il possède un endroit à lui, un travail stable, toutes ses choses qui font qu’il peut se réadapter à la vie réelle en ayant des repères. Au final, la réponse d’Andreja n’est pas des plus précises, mais Alistair n’émettra pas le moindre commentaire, ayant une idée sur ce que peut être les choses dont il parle. « Je vois. » Ou peut-être pas, au final, peut-être qu’il se trompe totalement. Il s’imagine que cela est lié à son secret qu’Alistair sait susceptible de changer le regard que les autres portent sur le serbe. Peu importe qu’il vise juste ou non, il ne compte pas demander plus de précisions. Et de toute manière, Andreja ne lui laisse pas le temps, puisqu’il reprend rapidement la parole et Alistair comprend bien vite qu’Andreja va lui en dire plus sur le pourquoi il le cherchait quelques instants auparavant. Il ne s’attend pas à une réponse tout de suite, ce qui provoque un froncement de sourcils chez Alistair. Il ne comprend pas vraiment et il déteste quand quelque chose lui échappe. Heureusement pour lui, Andreja ne fait pas durer le suspense plus longtemps et va jusqu’au bout de sa pensée. Alistair l’écoute, totalement muet, tandis qu’au fur et à mesure que les mots franchissent les lèvres du serbe, il se demande si ce dernier ne se moque pas de lui. Et son regard se porte sur le jeu de clefs qu’Andreja tient en mains, lui donnant un indice quant au fait que le serbe est tout à fait sérieux. Il ne rêve pas, Andreja lui propose sérieusement d’établir ses quartiers dans son appartement ? Réalisant que le temps s’est arrêté depuis qu’Andreja a fait sa proposition, Alistair tente tant bien que mal de prononcer quelques mots, mais sans succès. « C’est… » C’est gentil, c’est inattendu, c’est stupide, c’est incompréhensible. Ce ne sont pas les idées qui manquent pour terminer sa phrase, pourtant. C’est choquant, surtout. Parce qu’Alistair n’a pas l’habitude qu’on fasse un pas en sa direction. Depuis des années, il ne compte que sur lui et voilà qu’Andreja lui fait une proposition que personne n’a jamais faite pour lui. Il y a bien Peter qui l’a hébergé quelques jours afin d’éviter qu’il se retrouve à la rue, mais le vieux est en quelque sorte responsable d’Alistair, ce qu’Andreja n’est pas. « Merci. » Il prononce finalement, un peu paumé, ses prunelles naviguant entre le jeu de clefs et le visage d’Andreja, pour y déceler le moment où celui-ci va éclater de rire et lui annoncer que tout ceci n’est qu’une vaste blague. Pourtant, il ne le fait pas. Et ce genre comportement aurait presque arrangé Alistair, en réalité, puisqu’il ne sait pas comment réagir lorsqu’on se montre généreux ou sympathique avec lui. Et c’est bien pour cela qu’il ne peut accepter sa proposition. « Mais je connais ma réponse et je ne pense pas changer d’avis. » Certes, l’invitation d’Andreja est plus qu’appréciable, il serait tenté d’accepter, mais Alistair n’a jamais rien accepté qui vienne des autres, ce n’est pas aujourd’hui qu’il compte commencer. Et puis, il a toujours appris à compter sur lui-même, depuis son adolescence, il ne peut pas changer ce trait de caractère simplement parce qu’on lui offre un logement. Ça arrangerait sa situation, c’est certain, mais ce n’est pas suffisant. Il n’aime pas être redevable, encore moins à quelqu’un dont il ignorait l’existence il y a encore trois mois. « Et peut-être qu’après dimanche, tu voudras retirer ta proposition. » Il ajoute, haussant vaguement les épaules pour finalement se reconcentrer sur la guitare au détriment du jeu de clefs, car il a bien conscience d’avoir laissé passer la seule chance qui se présentait à lui. Même si Andreja lui semble être apte à passer au-dessus de son secret, il n’est assuré de rien. Car si Alistair n’est plus la même personne qu’il était auparavant, ça ne change rien à ce qu’il a pu faire. Et ça, il n’est pas sûr que tout le monde puisse passer outre. Alors autant jouer sur la sécurité plutôt que d’essuyer une lourde déception.