Après s'être emparée d'une bonne demi-douzaine de bouteilles et de quelques verres, Deirdre s'était éclipsée, fugace, en direction de l'extérieur. Contrairement aux promesses de promiscuité, trouver des instants de solitude était aisé pour la jeune irlandaise que, de toute évidence, ses comparses fuyaient. En tous les cas, ils ne forçaient jamais, ou presque, la rencontre, et c'était ainsi qu'elle déambulait tranquillement dans toute la maison sans être trop inquiétée d'un quelque dérangement. Bien entendu, c'était plus que mauvais signe puisque sans intégration, l'élimination n'en était que plus certaine mais... comment aurait-elle pu considérer quelque chose qui, ici ou ailleurs, n'avait aucune prise sur sa maigre existence de poupée désarticulée ? Elle ne le pouvait pas. Alors elle était sortie et, poussant son vice, elle était montée sur l'une des tables afin de s'y asseoir, en tailleur. La notion de chaise devait lui échapper, aujourd'hui. Ou l'ennuyer. En tous les cas, elle s'installa naturellement, éparpillant son fatras tout autour d'elle. De toute évidence, elle comptait composer des sortes de cocktail, avec tout ce qu'elle avait bien pu trouver. Et, en vérité, l'entreprise allait un rien plus loin. Puisque dès lorsqu'elle entama son ouvrage, elle affirma un soin tout particulier pour superposer les couleurs, les textures, sans prendre tout à fait ombrage du goût que, éventuellement, le tout allait bien pouvoir révéler. Au final, mieux vaudrait que nul n'ait à goûter. Au cas où. Pourtant, elle semblait singulièrement s'appliquer... à empoisonner quelqu'un, peut-être bien. Gare à la personne qui approcherait en premier.

Il n'y avait franchement rien à faire dans cette maison. Que dalle. Un vrai troue, pronfondément profond. Lasse et ennuyeux. Répétitif. La nomination de la blonde passait donc paisiblement bien. N'est-ce pas ? Non, non. Elle voudrait, sincèrement, pourtant elle n'arrivait pas à encaisser. Être nominée dès la première semaine ? Sérieux ? La honte ! Okay, son investigation n'a pas était des meilleure... okay. Non mais non. Et depuis mercredi, un putain de sentiment de rancune l'envahissait. Elle semblait les haïr; tous autant qu'il soit : pour leur hypocrisie et leur manque d'humanité. Elle leur en voulait. C'est vrai, pourquoi elle ? Et depuis, elle les évitait, ne parlait plus, ne riait plus comme une idiote à n'importe qu'elle blague idiote... elle devenait elle même, enfin et simplement. C'est donc manquant de solitude dans son propre lit qu'elle s'en leva, quittant la chambre, un simple gilet de laine sur les épaules en direction du jardin hanté par la solitude qu'émet la fraicheur de l'automne. A sa plus grande surprise, elle ne se retrouva pas aussi seule qu'elle ne l'aurait cru : en effet, elle eut put desceller une longue chevelure brune flottant dans l'air, un peu plus loin, près des tables. Le doute ne s'installa pas un grand nombre de secondes : ce ne pouvait qu'être Deirdre, l'intrigante. Oui, elle l'intriguait. Et c'était bien la seule. Elle avait une innocence telle qu'il était impossible de ne pas se questionner à son sujet, surtout pour une dame comme Barbara, il était impossible de la décrypter, elle semblait unique. Elle s'avança alors vers elle, croisant les bras espérant trouver un peu plus de chaleur grâce à ce futile geste. « hey... » lança-t-elle d'un souffle bien léger. Puis son regard se tourna sur les différents mélanges qu'elle était entrain d'effectuer. « soit tu viens de lire un tome de harry potter -ha, passionnant que sont-ils-, soit Dieu vient de te souffler une nouvelle passion... dans tous les cas, il parait que Sydney cherche le liquide vaisselle. Par tout hasard, tu ne l'aurais pas vue ? » Elle arqua un sourcil, examinant finement le moindre détails de tous ces différents mélanges

Il n'y eut aucun sentiment de surprise dans le regard qu'accorda Deirdre à la nouvelle arrivante. Elle semblait même l'avoir aperçue, prévue. Pourtant, elle ne s'était certainement pas attendue à ce semblant de visite, c'était certain. Mais rien n'étonnait plus la jeune irlandaise, ou alors si peu de choses que c'en devenait aussi rare que devait l'être un miracle... Derrière l'innocence de façade que tant aimaient considérer, il y avait beaucoup de désillusion. En vérité, la plupart des individus confondaient les deux lorsque ce triste tableau prenait les traits de Deirdre. Elle n'avait aucune illusion sur le monde, sauf qu'elle avait cessé, et depuis longtemps, de s'attarder sur chaque détail horrible, traumatisant ou juste troublant du monde. Et en parlant de trouble, la petite poupée de chiffons n'écouta pas grand-chose de ce que la demoiselle vint à lui dire. Au lieu de cela, elle se mit en quête de son prénom. Il ne lui revenait pas. Pourtant, elles étaient toutes deux nominées, elle l'avait entendu, mais elle ne s'en souvenait guère. Ce n'était pas important, bien sûr, mais ce fût tout ce qui occupa son esprit. « Barbara. » Certes, elle avait retrouvé, mais elle n'avait ainsi rien écouté. En tous les cas, la dite Barbara semblait s'attarder sur ses mélanges colorés, qui s'entassaient tranquillement tout autour d'elle. Aussi fût-elle bien incapable de rétorquer quoi que ce fût, et le pire fût bien qu'elle n'en éprouva aucune gêne. « Tu devrais boire ça. » Du bout des doigts, Deirdre poussa un verre à peine plus grand qu'un shooter, dans lequel elle avait savamment mélanger deux liqueurs qui, quoi que fortes, se mariaient formidablement avec la légère touche de cassis qu'elle avait été trouvée on ne sait où. De toutes les mixtures qu'elle avait bien pu réalisées, c'était certainement la seule à être plus délicieuse qu'esthétique... encore qu'il fallut aimer. « D'un trait. » Deirdre scruta Barbara avec beaucoup d'intérêt, comme s'il avait pu se passer quelque chose de formidable... et peut-être, si la jeune femme ne tolérait pas les alcools forts.