Arès

MARDI 20 NOVEMBRE - 22H46
QUARTIER AUBANEL - SOUTERRAINS

Je crois que j'avais juste besoin d'un peu d'isolement. C'est pour cela que je m'étais rendu, ou plutôt réfugié dans les souterrains ce soir. Je savais que je ne risquais pas d'y croiser grand monde à une telle heure, et même si je ne refusais jamais la compagnie d'autrui je partais du principe que leur infliger la mienne serait une sorte de cadeau empoisonné. Pourtant, dans un sens aussi, j'avais peut-être besoin d'être entouré même si je n'en avais pas pleinement conscience. Suite aux départs survenus dimanche, et tout particulièrement celui de Dani, j'avais perdu le peu de motivation qu'il me restait à tel point que je me posais d’innombrables questions à l'heure actuelle. J'en venais notamment à me demander ce que je faisais encore ici, quand des candidats bien plus méritants que moi à mes yeux avaient trouvé la sortie. C'est vrai pourquoi le public m'avait-il sauvé lors de ma première, et seule nomination ? Et pourquoi aussi ne me retrouvais-je pas plus souvent sur la sellette, quand d'autres écopaient de deux, trois nominations et parfois même de suite ? Je ne comprenais pas pourquoi j'étais encore en jeu, alors que je n'avais cessé de bassiner tout le monde avec mes histoires de cœur pathétiques, ma passion incomprise pour les cornichons et ma trop grande sensibilité. De toute façon, je m'étais fait à l'idée dimanche que tôt ou tard mon heure à moi sonnerait, et que je serais à mon tour amené à quitter ce nid. Je pensais même que ce "dong" qui devrait prochainement retentir était en fait imminent. C'était une question de jours si vous voulez mon avis. Nous connaitrions les résultats des nominations de cette neuvième semaine jeudi soir et je me voyais déjà sur la sellette. Ce serait parfaitement mérité par ailleurs. Même si cela engendrerait la mise en danger de Nicole également, dont je me tiendrais bien entendu totalement responsable. Bref. Advienne que pourra, dans deux petits jours à peine nous serions fixés sur notre sort. Dans ces souterrains donc, ce soir, je n'étais pas venu les mains vides. Non non, j'avais apporté avec moi un carnet appartenant à Dani, qu'il m'avait confié peu avant son départ. Mon Dani... Il me manquait tant... Muni d'un crayon à papier, je vins griffonner sur l'une des pages jusque là vierges du dit carnet.

D & M. POTOS UN JOUR. POTOS TOUJOURS.

Bientôt, et tandis que je m'étais peu à peu perdu dans mes pensées et les souvenirs que je gardais de mon poto, des pas se firent entendre, à ma gauche. À peine eus-je le temps de tourner la tête qu'Arès était planté là, devant moi. Ou plutôt au-dessus de moi. Comme je m'étais assis par terre, je n'avais d'autre choix que relever mon museau pour le contempler - et c'est dans ces moments là qu'on se rend compte qu'Arès est un géant. Restant au sol, je lui adressai un signe de la tête suivi d'un sourire. « Je pensais vraiment être seul... » fis-je tout en posant mon crayon, ainsi que le carnet de Dani par terre, à mes côtés. J'ignorais ce qu'Arès venait faire ici, et surtout aussi tard, et j'avais c'est vrai bien envie de le lui demander. Néanmoins et tant qu'il resterait debout, au-dessus de moi et qu'il me dominerait de tout son long, je serais trop impressionné pour ajouter quoi que ce soit de plus. Vraiment, s'en était étourdissant.

Au final la venue d'Arès dans ces souterrains était une bonne chose. Je devais éviter de me murer peu à peu dans la solitude, Dani n'aurait pas voulu une telle chose. Certes j'avais perdu mon plus fidèle allié dans cette aventure mais la vie continuait, malgré tout. La mienne d'aventure se poursuivait, plus pour très longtemps mais je devais faire honneur à mon poto, jusqu'à ce qu'on ne me le permette plus. Inscrivant nos initiales et une sorte de slogan faisant écho au lien très fort qui nous avait uni dans le nid, je fis savoir à Arès qu'initialement, je ne pensais pas avoir la visite de qui que ce soit dans ces souterrains. « Et je pensais être seul aussi. » fit-il, avant de prendre place à mes côtés. Ah, enfin. C'est que je risquais de me froisser un muscle ou de me déglinguer la colonne vertébrale si je restais la tête relevée trop longtemps. Arès sembla poser les yeux sur le carnet. L'inscription sur celui-ci dû faire tilt dans sa tête, puisque bientôt il reprit. « Il me manque aussi. Pas autant que toi j'imagine. Mais il me manque. » Je m'en doutais, et pour cause tous deux avaient été partenaires quelques semaines durant. Ils avaient fait face à cette nomination ensemble, de laquelle Arès était ressorti avec la majorité des suffrages, et non Dani. Mais, limite, ça n'était pas le fait que le public ne l'ait pas soutenu qui me restait réellement en travers de la gorge. Reportant le regard à mes pieds puis fronçant les sourcils, je rétorquais alors. « Je comprends pas Arès. Je comprends pas ce qu'il vous... enfin... ce qu'il leur a fait pour arriver dernier de ce classement de notes. » Je n'étais pas en train de dire que selon moi certains candidats, à la place de Dani, auraient dû être mal notés. En fait à la base je n'acceptais pas qu'un tel système ait été instauré. Noter les candidats sur leur importance dans le jeu, ou encore leur charisme, je trouvais cela injuste. J'étais arrivé premier mais si vous saviez ô combien je m'en fichais. Ce que je protestais là, c'était la place de Dani. Certes son élimination avait été majoritairement causée par le peu de votes qu'il avait au final reçus de la part des téléspectateurs, mais le fait qu'il eut en plus écopé des pires notes de la part des candidats était pour moi inacceptable. Et j'en venais à me demander qui avait bien pu le sous-noter de la sorte. Il était drôle, terriblement attachant et totalement foufou. On ne pouvait qu'adorer Dani. « Il serait parti de toute façon mais par principe... non il ne méritait pas d'obtenir une moyenne aussi basse. » Personne ne méritait ça. Dani comme un autre. J'aurais pu aller plus loin et protester aussi la moyenne obtenue par Jared, qui lui avait à lui aussi coûté sa place dans le jeu, mais si j'empruntais cette voie on était pas sortis, et ça durerait des heures. Or je n'aimais pas passer pour le type qui se plaignait de tout et de tout le monde, constamment. D'ordinaire je n'étais pas comme ça. Seulement là j'étais vraiment froissé, et j'étais incapable de le garder pour moi.