Je fais mes valises, non pas que je ne crois pas en mes chances d'atteindre la finale, je n'en ai jamais douté. Il n'y a pas plus confiante que moi. Cependant, je suis lucide sur une chose, il me faudra énormément de temps pour boucler mes valises, il n'est jamais trop tard pour se mettre au travail. J'ai sortie toutes mes valises, je les ai étalés sur le sol. J'ai l'impression d'en avoir plus que lors de mon arrivée. D'abord, je range mes chaussures dans la plus grande valise, j'en ai pris énormément, toutes des chaussures de grande marque, je ne possède que ça de toute façon. Je me garde une paire de botte en cuirs et des escarpins noirs, ceux que je porterais pour le prime de dimanche et ça devrait me suffire. En attendant, j'enferme le reste en lieu sûr. Je m'apprête à la porter pour la déplacer sauf que merde, elle est très lourde. Je soupire. Ça ne va pas être une mince affaire. Je me lève prête à aller implorer l'aide d'un homme fort et musclé pour venir en aide à une jeune femme en détresse. Et puis finalement, je tombe nez à nez avec Dagga. « Toi tu m'as tout l'air d'être une femme particulièrement forte. » Un sourire malicieux se dessine sur mes lèvres avant que je me mette à penser à la tête qu'elle faisait toute la semaine, il laisse place à de l'interrogation. « Je pourrais te dire que je suis désolée pour le buzz annulé mais ce serait un véritable mensonge. Je préfère te dire la vérité, tu ne m'en veux pas ? » Je croise les bras contre ma poitrine, je ne suis pas entrain de dire que ce buzz m'effrayait, au contraire, c'est simplement un concours de circonstance. « Tu aurais dû buzzer plus tôt cela dit. » Candace ou l'art et la manière d'enfoncer le couteau dans la plaie. « Bref, est-ce que tu veux bien m'aider à bouger ma valise ? » Autant entrer dans le vif du sujet n'est-ce pas ? Sinon je serais dans l'obligation d'aller chercher de l'aide auprès d'un homme fort.

Je compte les minutes qui me séparent du prime de dimanche. J'espère sortir. Ce n'est pas la première semaine que cette envie se fait ressentir, mais il faut croire qu'elle a gagné en intensité avec le temps. J'en ai marre de tout ce jeu. Et si une infime partie de moi souhaitait parvenir en finale, pour empocher le pactole avant de me barrer, elle était néanmoins très minoritaire et au final son avis ne pesait pas grand-chose dans la balance. Je voulais me casser d'ici, et le plus tôt possible serait le mieux. Le fric, au final, je trouverai d'autre moyen de le récupérer. J'étais futée, suffisamment pour m'en sortir – et puis surtout, je savais me contenter de peu de choses. À l'heure actuelle, ma seule véritable ambition était de partir loin d'ici, le plus loin possible. Je n'avais pas menti quand j'avais parlé à William de mon plan B, j'avais seulement omis de préciser que plus le temps passait, plus ce plan était en phase de devenir mon plan A. J'avais la sensation de faire une réaction allergique à l'humanité. Mais peut-être que j'exagérais – peut-être que je faisais tout simplement une réaction allergique aux émissions de télé-réalité, c'était aussi possible. Seulement pour le moment j'étais aveuglée par mon agacement, et tant que je ne serai pas libérée de cet endroit, je continuerai d'agir comme une bête en cage. Et, en attendant, je rôdais dans le village à la recherche de petits objets de valeur que j'aurais pu chaparder discrètement. L'expression neutre, j'entre dans la chambre et y découvre Candace qui, elle aussi, a commencé à faire ses valises. En même temps, vu la quantité de valises qu'elle a, c'est assez futé de sa part d'anticiper. « Toi tu m'as tout l'air d'être une femme particulièrement forte. » Je plisse les yeux, sceptique. Euh, oui ? Je veux dire, j'avais bien fait quelques séances muscu avec Branca, mais je restais malgré tout une brindille. « Je pourrais te dire que je suis désolée pour le buzz annulé mais ce serait un véritable mensonge. Je préfère te dire la vérité, tu ne m'en veux pas ? » Donc j'avais bien eu raison de buzzer ce que j'avais buzzé, c'était bon à savoir. J'aurai pu avoir un petit sourire victorieux à cette idée, mais concrètement je m'en avais plus rien à faire. « Pourquoi je t'en voudrais ? Ça serait idiot, et irrationnel. » Je croise les bras, mon ton est un peu sec mais je n'y peux pas grand-chose – depuis samedi dernier, je suis bien plus à cran et tant que je serai ici ça s'améliorera probablement pas. Je fais des efforts, il m'arrive de décrocher un sourire, momentanément, mais avec Candace plus qu'avec quiconque, j'estime ne pas avoir besoin de recourir à cette mascarade sociale. « Tu aurais dû buzzer plus tôt cela dit. » Elle en a d'autres des évidences du style à balancer ? « Je sais. Mais à ce moment-là je ne le savais pas. Malik et moi sommes sortis en même temps de la salle aux indices, nous avons buzzé à quelques minutes d'intervalles. J'avais engagé mes 5000€ avant la révélation avec Malik. J'ai hésité un instant, au moment où Malik et moi sommes partis buzzer, parce que j'estimais plus prudent de buzzer avant lui : mais quand j'ai voulu lui en parler il était déjà trop tard. Maintenant c'est fait, je n'en ai plus rien à faire. Honnêtement, je me moque de ton secret, qu'il soit révélé ou non, que j'empoche ta cagnotte ou non. J'en ai rien à cirer. Je voulais juste jouer. » Je hausse les épaules, parler de tout ça m'énervait encore un peu, et je voyais pas trop pourquoi y'avait besoin de le faire. « Bref, est-ce que tu veux bien m'aider à bouger ma valise ? » Mon regard fait l'aller-retour entre elle et sa valise. Est-ce que j'ai envie de l'aider à faire sa valise ? Et bien honnêtement… « Non. J'ai franchement la flemme. T'as pas un mari pour ces trucs là ? Je croyais que c'était un peu le grand intérêt du mariage… » Je l'observe, un demi-sourire amusé aux lèvres. Bon, je faisais un petit effort quand même – quoi, ça se voyait pas ? Parce que je voulais pas qu'elle s'imagine que j'en avais après elle. J'en avais après l'humanité entière, nuance.

Spoiler:

Lorsque Dagga est septique face à mes paroles, je me souviens de ce qu'elle a fait savoir à William : elle est réfractaire aux compliments. Mais franchement personne ne déteste les compliments de nos jours. Je lève les yeux au ciel ! Génial... Et au lieu d'embrayer sur la suite à savoir quémander son idée pour bouger cette putain de valise qui prend toute la place au beau milieu du dressing je lui parle de son buzz. C'est un peu con parce que ça ne changera rien, mais il faut croire que je suis simplement sadique. Elle est sèche, je n'ai pas vraiment l'habitude de ce comportement de la part de Dagga et à vrai dire ça à tendance à se répercuter sur mon humeur. « Aussi stupide et irrationnel que de faire la gueule parce que Cupidon a été méchant avec toi... » Je suis cynique, ça faisait longtemps, mais après tout, elle l'a cherché, parce que ouais, elle agit un peu comme une fille gâtée. Et je parle d'expériences là dessus. Non vraiment c'est con. Mais soit. J'enfonce le couteau dans la plaie, elle doit sûrement croire que je suis entrain de lui dire qu'elle a eu raison mais non, pas forcément, j'enfonce juste le couteau. Nouvelle expérience sur le tas, on s'amuse comme on peut. Je n'écoute pas vraiment son discours, parce que ça m'ennuie. Elle parle trop et mon esprit est focalisé sur ma valise. « Tu t'en fous donc t'en veux à la terre entière, logique comme raisonnement. » Je m'adapte tellement aux autres que je suis sur les nerfs, que je ne fais aucun effort particulier. En réalité, je me moque qu'elle fasse la gueule ou non, pour l'instant, seule ma valise m'intéresse. Elle a la flemme, ça a au moins le mérite d'être claire, je suis surprise par sa réponse. « Le mariage n'est pas un synonyme d'esclavagisme moderne à mes yeux, donc non, ce n'est pas LE grand intérêt du mariage. Cela dit, je pense qu'il m'aiderait volontiers à la différence de toi. » Mais c'est sans doute parce qu'il m'aime. Quoi d'autre. Bref, je tourne les talons et traîne cette putain de valise tant bien que mal, parce que je ne vais pas me mettre à genou non plus. Avec un peu de persévérence, j'ai réussi à la mettre sur le côté, je viens de me défoncer le dos, mais c'est pour la bonne cause, au pire, je demanderais un massage à William en contre-partie. Je me redresse et observe Dagga un instant. « Est-ce que tu te rends compte à quel point ton comportement est mal venu ? Si t'as à ce point envie de partir, pars mais bon sang arrête de faire la gueule comme une petite fille pourrie gâtée alors que d'autres aimeraient être à ta place... » Je n'ai peut être pas de tacts, peut être que ça va la mettre en rogne, mais je m'en fiche, je dis ce que je pense, comme je le pense.