NEILA

J'ai trouvé le temps pendant le prime de demander à Neila si elle voulais bien me voir une fois que le plateau serait retombé dans le silence jusqu'à la semaine prochaine. Elle m'a répondu que oui, bien sur elle viendrais, mais c'est triste à dire je n'ai pas la certitude qu'elle le fasse.

On s'est à peine adressé la parole la semaine dernière. Je crois qu'on s'est tout les deux rendus compte que ce serait difficile entre nous, de communiqué, et qu'on a préféré se donner un peu de temps plutôt que ça se passe vraiment mal comme c'est le cas pour d'autres candidats.

J'ai fait le maximum de ce que j'ai pu pour ne pas lui être désagréable en somme. Je me suis toujours réveillé à coté d'elle le matin par exemple, alors que j'aurais pu passer mes nuits ici qui était mon endroit préféré du chalet depuis le premier jour de jeu. A croire que tout les dimanches soir, j'allais me retrouvé isolé ici. Je lui ai aussi dit, que je ferais en sorte qu'elle aille le plus loin possible dans le jeu, que je pourrais agir envers elle comme un bon partenaire puisqu'elle ne semblait rien vouloir d'autre venant de moi.

Et voila que pendant le prime, le sort avait décidé de creuser un peu plus le fossé qui nous séparait. On était pas dans la même équipe, et c'est une nouvelle qui m'avait contrarié d'ou ma réaction froide quand elle m'avait adressé la parole. Il ne faut pas prendre pour argent comptant tout ce que je dit mais plutôt se fier à mes actes. Quand pendant le jeu des chaises musicales elle m'avait surpris en venant derrière moi et en m'attrapant, j'avais été surpris mais au lieu de faire un mouvement pour qu'elle se détache, je lui avait plutôt pris le bras. Pour n'importe qui ça ne veux pas dire grand chose, mais pour moi c'est significatif.

Je me suis assis sur des coussins que j'ai déplacé dans un coin reculé de la pièce afin qu'on ne soit pas dérangé s'il prenait l'envie à d'autres candidats de venir se mater un film après le prime. Et je l'attend en espérant qu'elle vienne. Même si je n'ai pas la moindre idée de ce que je vais pouvoir lui dire ou lui demander. Commencer par "est-ce que je te colle autant de froid que ça ?", c'est peu être pas le bon moyen de commencer une discussion. Soit on s'apprécie, soit on ne s'apprécie pas. Il faudrait en avoir le coeur net pour savoir à quoi s'en tenir dans le futur. En l'attendant, je repense au premier prime, et à ce que je m'étais dit la première fois que je l'ai vu. Elle était...exactement comme j'avais envie qu'elle soit.

Cela faisait une semaine qu'elle était présente et déjà elle avait l'esprit embrumé par le jeu, comme si elle devait lentement se glisser dans le brouillard de fake lover, s'y perdre, avant de finalement en être brutalement retirée par l'élimination. Elle avait perdu ses repères et n'avait même pas l'impression d'avoir un partenaire pour lui servir de point d'ancrage. Il lui fallait quelqu'un, n'importe qui, pour souffler un peu et elle voulait que ce soit Ithaque parce qu'il était le seul en qui elle pouvait avoir pleinement confiance. Dans une compétition elle savait que tout pouvait arriver ainsi elle n'allait pas accorder facilement sa confiance à ceux qui n'étaient pas lié à elle de la manière dont elle était liée à son partenaire. Après le prime, donc, elle se rendit dans la salle de projection afin d'y retrouver le candidat. Ses yeux mirent un certain temps à s'habituer à la pénombre, elle s'avança, cherchant son partenaire du regard et ce ne fut qu'au bout d'une longue minute qu'elle posa enfin les yeux sur lui. Elle sourit faiblement avant de s'avancer. Elle hésité un instant avant de s'asseoir à ses cotés. Elle ne sait pas quoi dire, quoi faire, alors à la place elle attend patiemment que son interlocuteur se mette à parler, qu'il fasse un geste, n'importe quoi.

J'entend un candidat faire son entrée dans la salle et ce n'est qu'une fois que je suis sur qu'il s'agit bien de Neila que je me sent rassuré. Elle est venue. On se regarde sans rien dire, elle prend place à coté de moi et le silence s'installe. Dangereusement. On pourrait rester là trois plombes à ne rien se dire jusqu'à ce qu'elle décide de s'en aller, et j'aurais l'air con.

J'ai toujours l'air con avec les femmes. Je les respecte, mais je ne sais pas m'y prendre avec elles. L'impression que le temps nous est compté dans ce jeu ne fait que rajouter à mon angoisse de faire quelque chose de travers. J'arrête de regarder dans le vide devant moi pour la regarder elle, et je passe mon bras autour de son épaule pour la ramener contre moi. J'ai des choses importantes à lui dire il faut qu'elle m'écoute.

"Neila, je suis un homme triste, mais je suis un homme... fort."

L'un ne vas pas sans l'autre. Une sorte de malédiction qui frappe sans exception toute personne qui à un minimum de talent. Même quand on a rien demandé, il faut payer pour ça. Et ça se paye en isolement, et en solitude dans laquelle personne n'arrive jamais à entrer de son plein gré. La différence avec elle, c'est qu'on ne s'est pas choisi. Ca nous à été imposé et ça change tout. Un peu comme un mariage arrangé, j'ai pour elle quelque chose que je n'ai pour personne d'autre: un sentiment. Un sentiment de respect infini et de devoir inaltérable. C'est ma partenaire, on s'apprécie à peine par politesse, mais c'est ma partenaire. Elle à la priorité sur n'importe qui d'autre dans ce bateau. Si un jour il coule, elle sera la première que j'irais chercher pour la mettre dans un canot de sauvetage, il faut qu'elle le sache. On est pas dans la même équipe mais je ne me retournerais pas contre elle.

"Je doute que tu ai besoin de moi, mais si un jour c'est le cas je veux que tu me promettes que tu t'en souviendras. Tu m'appelle et j'arrive sur le champ."

Neila était sensible, beaucoup trop même et donc quand elle avait eu l’impression d’avoir heurté Ithaque pendant le prime elle l’avait prit un peu trop à cœur au point de ne plus participer aux autres jeux. C’était un trait de caractère qu’elle répugnait, c’était absolument insupportable pour elle de toujours tout prendre trop à cœur mais c’était ce qu’elle était et peut importait qu’elle essayait de refoulé ce coté de sa personnalité car la manœuvre était inutile et le serait toujours. Son partenaire passa un bras autour des épaules de la danseuse qui se laissa faire. Elle avait un peu de mal avec ce genre de touché, comme lorsqu’il avait posé son doigt sur ses lèvres, elle ne disait rien mais ça la crispait toujours un peu avant de finalement la détendre. Elle ne réagit pas pendant quelques secondes avant de se laisser aller à se détendre un peu contre lui. Il commença par quelques paroles qui troublèrent la candidate. Avant de lui laisser entendre qu’il était plus ou moins une sorte de chevalier prêt à lui venir en aide. C’est comme ça qu’elle se représentait la chose, ce qui était plutôt plaisant d’ailleurs car elle avait besoin de quelqu’un de confiance sur qui se reposer de temps en temps. « Je ne veux pas que tu sois là pour moi et que ça s’arrête à ça. » Oh non, ce n’était pas du tout ce qu’elle voulait. Elle se redressa un peu, restant quand même contre lui mais à présent elle avait son regard ancré dans celui de son partenaire. « Je suis là pour toi aussi. Et ne dis rien, ne fait pas celui qui n’a besoin de personne. On a toujours besoin de quelqu’un. » Qu’il ne proteste même pas, ils étaient un binôme et si ça ne voulait pas forcément dire grand-chose pour elle au début maintenant ça signifiait quelque chose, elle ne pouvait plus faire l’égoïste avec lui.