Emilien s’était toujours demandé ce qu’il pouvait bien avoir derrière cette porte. Toujours. C’était bien un grand mot, cela ne faisait même pas deux semaines qu’il était ici. Après une bouffée de courage, et de bravoure, enfin il osa pousser cette porte. A l’intérieur ? Des jeux, plein de jeux. Des jeux vidéos et des… jeux pas vidéos. L’endroit parfait pour les grands enfants, ceux qui n’avaient jamais perdu leur âme d’enfant. Emilien ne faisait pas parti de ces gens-là. Il jouait pourtant souvent avec ses deux grands frères. Mais ce n’était pas pour autant qu’il aimait cela. Peut-être qu’il perdait à tous les coups. Jouer avec Emilien était gage de victoire pour n’importe qui. Il n’aimait pas cela perdre. Mauvais perdant. Malgré tout, le jeune garçon s’aventura dans la pièce. Il regarda tout autour de lui. Personne n’était là. Il se retrouvait seul au milieu de tous ces jeux. Qui sait peut-être qu’un de ces jouets se mettra à lui taper la conversation ? Un grincement fit sursauter Emilien. Il se tourna aussitôt vers la porte qui était entrain de s’ouvrir. Une personne allait entrer. Seul, il n’allait plus l’être. Un sourire se dessina sur ses lèvres lorsqu’il aperçut la silhouette d’Emmeline.
Ni une, ni deux. Il s’installa au baby-foot. Cela s’appelait bien comme ça, n’est-ce pas ? Vous savez cette table avec plein de petits bonhommes, des poignets sur le côté, deux buts. Oui, ça devait être cela. « Une partie ? » lui demanda-t-il, un large sourire se dessina sur ses lèvres, découvrant ainsi ses dents blanches. Il lui proposait une partie alors qu’il ne savait même pas y jouer. C’était bien la première fois qu’il y jouait. Ou non, peut-être une seconde fois. Il y avait peut-être joué une fois avec l’un de ses frères, mais encore une fois, il avait certainement dû perdre cette partie dont il n’avait aucun souvenir.

Un petit sourire se dessina sur les lèvres d’Emilien lorsque sa partenaire accepta. Bien quoi ? Elle aurait pu décliner son invitation, prétextant qu’elle voulait jouer à un jeu toute seule… Evidemment, Emmeline mentionna le fait qu’il fallait un enjeu. Autrement ce n’est pas drôle. Vraiment ? Enfin peu importe l’enjeu, cela signifiait qu’il n’avait pas le droit de perdre, et qu’il devait gagner. « Bien entendu ! » lâcha-t-il. Au fond de lui, il n’était pas très enthousiaste par cette idée. Après tout, il était certainement possible de jouer juste pour la seule et unique raison de vouloir se divertir ? N’est-ce pas ? Enfin, fermons cette parenthèse inexistante. Il ne leur restait plus qu’à trouver quoi. Un gage, certainement. En évitant les trucs humiliants et dégradants du genre devoir courir tout nu dans tout le chalet, ou bien devoir se tartiner le corps entier de confiture de fraise. « Le perdant devra faire à manger pendant une semaine ? ». Non. C’est faux, Emilien ne pensait pas qu’à la nourriture. Pas du tout. Jamais, vous ne le verrez se balader un gâteau à la main. Jamais, ô grand jamais. Puis au fond, cette idée, d’avoir quelqu’un qui vous concocte avec amour de bons petits plats, ne déplaisait pas moins à Emilien. Il ne lui restait plus qu’à espérer qu’Emmeline soit encore plus nulle que lui au baby-foot. Parce que dans le cas inverse, il douterait que les plats cuisinés seront comestibles, même fait avec amour. Après quoi, il leva les yeux vers Emmeline, la défiant du regard. Le jeu semblait avoir bel et bien commencé. « Je te laisse choisir ton équipe, honneur au demoiselle ! Bleu ou rouge ? » lui demanda-t-il alors.

Obligé, elle allait accepter. Seul détail dont elle devait ignorer : les talents maigres d’Emilien en tant que cuisinier. Mais ne le déclarons pas encore perdant, voulez-vous. Le jeu n’avait même pas encore commencé… Emmeline décida qu’elle allait être l’équipe des bleus. Donnant ainsi l’équipe des rouges, à Emilien. Ils s’étaient ainsi, pacifiquement, attitrés leur propre équipe. Ne restait plus qu’à présent de lancer le jeu. Mais comment. C’était bel et bien la question qu’Emmeline lui demandait. Lui lançant alors un regard des plus insistants. Instinctivement, Emilien haussa les épaules. Qu’est-ce qu’il en savait lui comment on jouait à ce fichu jeu de bonhommes ? Il fallait donc traduire son haussement par une négation. Malheureusement. Sûrement qu’Emmeline espérait trouver en Emilien l’âme d’un grand joueur de baby-foot. Après un instant d’hésitation, il passa la main sur son menton. Réfléchissant alors. « Il y a peut-être un papier quelque part avec les règles du jeu, non ? Comme dans les jeux de société. » lâcha-t-il alors. Une partie de Scrabble aurait été largement plus facile que cette partie de baby-foot, c’était certain. Il en était persuadé. Quelle idée sordide, avait-il eu pour le coup. Il se baissa alors, regardant sous la table, à la recherche de ces fameuses règles du jeu. Mais rien. « Sinon, écoute… on a qu’à faire un shifumi pour savoir qui commencera le jeu. Puis pour le reste… on improvisera tout le long du jeu…».

Ca lui convenait, chouette. Un sourire s’épris des lèvres d’Emilien. Il était certain qu’à ce petit jeu, il allait pouvoir la battre. Une victoire, qui allait en engendrer une seconde. Logique, n’est-ce pas ? Il trépignait presque à l’idée de commencer ce shifumi. Mais Emmeline mit un certain temps avant de se mettre en place. Elle avait fini décidé que c’était lui qui allait commencer. Sans même avoir fait ce fameux shifumi tant attendu, je suis certain que même vous derrière votre petit écran, vous l’attendiez. Une petite moue déçue se peignit alors sur le visage du jeune garçon. Tant pis. Il allait commencer la partie, c’était déjà pas mal. Il s’installa à sa place, posant l’une de ses mains sur l’une des nombreuses poignées. Avant cela, il prit la peine de remonter les manches de son pull. La petite balle en main, qui avait l’apparence d’un ballon de football, dans sa main, il lança un regard à Emmeline. « Prête ? ». Signe affirmatif de sa partenaire, et cette fois-ci adversaire. Il posa la balle dans la table et commença à tourner les poignets, afin de faire bouger en avant et en arrière de ses joueurs qui n’avaient l’air franchement pas très doués… En effet, ils n’arrivaient même pas à garder la balle dans leur camp. Mais quels nuls ces footballeurs ! Une équipe de bras cassés. Ah… à moins que ce soit Emilien, qui devait actionner les mauvaises poignets, et donc la mauvaise ligne de joueurs en bois. C’était peut-être cela.

Petit à petit, Emilien commençait à comprendre le fonctionnement de ce jeu. En fait, ce n’était pas si difficile que cela. Quoiqu’il fallait être un peu réactif quand même. Chose qui n’était pas souvent le cas d’Emilien. Lui qui aimait bien prendre son temps, mais là, la situation était différente. Il y avait quand même un enjeu derrière ce jeu ! Une semaine de repas concoctée par amour par sa partenaire, ça ne se perds pas ça. Il se devait de gagner. Pour lui, et pour la santé d’Emmeline surtout. Il ne quittait plus la balle des yeux, et agitant les poignées afin de faire bouger la bonne rangée de petits joueurs. « J'espère que tu sais bien cuisiner. Je peux être très exigeante, parfois ! » lâcha-t-elle soudainement. Elle se voyait déjà remporter victorieuse cette partie. Quelle optimiste. Evidemment, elle n’allait pas gagner. Emilien allait se battre. Il posa quelques instants le regard sur son ennemi d’un jeu. « Un vrai cordon… ». Un cordon brûlé, évidemment. Pas un cordon bleu. Mais cela, il préférait se taire. Il n’allait quand même pas lui avouer qu’il ne savait pas cuisiner et qu’il avait décidé de ce petit gage, c’était bien pour gagner et ne pas à avoir à devoir se casser la tête en cuisine. Aussitôt, il reposa son regard sur la balle qui avait changé de camp. Il souffla bruyamment, voyant la balle s’approcher de son but. Il actionna la manette la plus près de son but, en priant fortement que son gardien de but soit efficace. Allez, allez… défend ton but. Malheureusement, la petite balle entra dans les filets de l’équipe bleue. « Ce n’est que le début ! J’suis un vrai pro à ce jeu, le Maradona du baby-foot, on m’appelle ! J’ai fait exprès de te laisser marquer un point là… ». Evidemment…