J’ai faim. Mon ventre grondait, c’était le signal il en avait marre d’attendre. Ainsi, je me levais, allais en direction de la cuisine d’un pas plutôt rapide. J’avais toujours eu l’habitude de me faire servir, que l’on me fasse la bouffe, ou alors j’allais simplement au restaurant ou un dérivé. Là c’était différent, chacun faisait son truc ou alors un se désignait pour aller la faire. Enfin. Il était 11h et c’était maintenant que j’avais envie de manger pas après. J’allumais le feu et mettais de l’eau dans une casserole avant de la poser dessus. Mes gestes étaient loin d’être fluide démontrant une certaine maladresse contrairement à l’adresse et la fluidité d’autres. Tant pis, je laissais ainsi l’eau chauffer avant d’y verser un peu de riz et, en attendant, j’allais me poster devant la fenêtre distraite. De longues minutes passèrent, longues minutes dont je ne me rendais pas compte, avant d’entendre un espèce de bouillonnement, un truc pas normal, je me retournais soudainement en voyant l’eau arrivant à ébullition, j’écarquillais les yeux. Merde ! lâchais-je en me ruant vers la casserole, tendant mes mains vers celle ci, m’apprêtant à la prendre à main nue..

Évidement j’aurais pu juste penser à éteindre le feu mais non il en avait été décidé autrement. Et alors que je m’apprêtais à prendre la casserole, je sentis des doigts se refermer sur mes poignets et me repousser en arrière. « Wow ! » lâchais-je, la rapidité avec laquelle je me déplaçais et celle avec laquelle je fus repoussée manqua de me faire tomber en prime. Puis je regardais le jeune homme, en l’occurrence Leone, verser le contenu de la casserole dans l’évier et se tourna vers moi. « Recommence. » dit-il, ordonna-t-il même, enfin il prit un ton qui ne me plut guère et je fronçais les sourcils. Ok il savait prendre une casserole par son manche. So what. Fallait pas non plus en faire une fierté nationale. Ca lui arrivait d’être moins ‘agressif, hautain –ne sachant comment le définir au mieux- où était-ce un traitement de faveur. Par pur esprit de contradiction je voulais reprendre la casserole par le "milieu" mais loin de moi l'idée de me bruler, ainsi j’attrapais la casserole par son manche puis le dévisageais quelques longues minutes histoire qu’il se mouve de devant moi et les plaques. « Je reconnais être captivante même dans ce genre de moment mais pousses-toi » fis-je ensuite arquant un sourcil en voyant qu’il ne bougeait pas.

Il ouvrit la bouche et je restais plantée là, face à lui, le dévisageant sans aucune expression apparente voire même stoïque et intouchée par ses paroles, quoique peut être même amusée. Il me faisais l’effet du stéréotype même du gars qui brasse l’air pour brasser l’air. Il voulait quoi ?! Me vexer ?! Han oui c’est sur là il avait réussi. Un inconnu qui ne vous connaissait ni d’Adam, ni d’Eve et se permettait de vous juger, c’est sur ça allait faire grand effet. D’autant plus que dans ma grande insensibilité c'était certain, j’allais aller pleurer dans mon coin sans jamais m’en remettre. N’importe quoi. Et c’était là qu’on peut se demander si sa propre capacité intellectuelle ne dépassait pas « celle d’un pigeon » comme il le disait si bien, quoique même un pigeon passait pour Einstein à côté des stupidités qu’il pouvait sortir pour tenter vainement de « passer pour mieux à côté ». Se présentait donc deux solutions : soit je me la jouais petite fille du Dalaï Lama et ne relevais pas ou alors je me transformais en ninja et lui pétais sa gueule tant mon impulsivité prendrait le dessus. « Humm.. tu sais quoi ? Va te faire foutre Leone. » répondis-je avec un ton dès plus calme haussant les épaules en allant remplir ma casserole d’eau le plus normalement du monde.

« Dis moi c’est quoi ton problème tu es tellement frustré dans ta vie, dans ta peau, que tu te décharges sur autrui constamment. Ou alors tu manques tellement de confiance en toi que tu veux te prouver quelque chose et notamment que t’es mieux que tout le monde ici. C’est ca. » fis-je sur le même ton sans lui adresser un autre regard, il n’en valait pas la peine toute façon, m’occupant plutôt de ce que j’allais manger avant de poser le tout sur le feu. Puis je reculais allant m’asseoir à la table surveillant de près ma casserole pour éviter une nouvelle boulette.

« Oh et laisse moi te dire que l’image du gros dur avec son pseudo franc parlé sans fond que tu te donnes est d’autant plus ridicule. » ajoutais-je après avoir commencé à détailler son apparence, ma tête calée sur ma main, mon coude posé sur la table, l'air nonchalante. « Et puis entre nous, fermes un peu ton clapet de temps à autres ça vaudra mieux. Enfin tu paraîtras un peu plus intelligent déjà. » soupirais-je ensuite en vrillant mon regard vers l’extérieur un instant distraite. Je ne le connaissais pas particulièrement mais j'avais eu vent et avais parfois pu voir de ce qu'il en retournait. Il m'avait prise pour une conne, une idiote même et j'lui balançais le revers de la médaille en pleine gueule et avec sang-froid. « Faire profil bas comme tu dis si bien » baillais-je portant une main devant ma bouche avant de m’étirer lassée.

Même moi dont la subtilité laissait parfois à désirer, là j’avais en un coup d’œil fait le tour de sa « personnalité » de ce qu’il était. Y’avait des gens comme ça qui nous captiveraient presque grâce à cet espèce de mystère qu’ils dégageaient. En revanche, lui à par sa connerie et sa stupidité il n’y avait rien, ça sonnait presque creux. Comme dit un célèbre écrivant : « […] bien des gens on l’air brillant jusqu’à ce qu’ils ouvrent la bouche ». C’était presque son cas, jamais je n’avais pensé qu’il puisse être si brillant mais au moins qu’il y’ait quelque chose. Douce utopie. Illusoire, décourageant presque. Je le pensais moins creux que cela, comme quoi les gens sont toujours aussi décevant. Que de l’artifice et encore c’était superflu.

« J’ai déduis tout ça parce que c’est surtout ce que tu dégages mon vieux » répondis-je d’un ton las en vrillant mes prunelles rapidement vers lui. Moi conne. J’aurais plutôt franche ou cassante. Mais je n’avais rien à lui prouver, il pensait ce qu’il voulait et je n’allais pas changer pour sa gueule. Dans mon esprit où le challenge et la compétition trônaient, lui ne faisait que figuration et encore. Les gens faciles à cerner ne m’intéressais pas.

Je ne savais peut être pas cuire du riz, ou du moins c'est l'impression que je lui ait faite, il tirait des conclusions bien hâtives car moment d’égarement avait conduit à une catastrophe ou du moins aurait pu. Et puis, cuire du riz était une référence intellectuelle peut être ? Chacun sa vision des choses, s’il trouvait de quoi en faire une fierté nationale, grand bien lui fasse. Je n’allais certainement pas batailler avec lui, m’égosiller pour lui. Puis, je viens d’un monde, d’un milieu, où se servir de ses propres mains est désuet. Là était sûrement la différence, peut être devait-il se péter les neurones et bien d’autres choses pour obtenir ce qu’il voulait, moi je claquais des doigts. Mais passons, comment pourrait-il comprendre. De plus, je n’avais pas de temps à perdre avec ce genre de spécimen.

Quelques secondes plus tard, je jetais un nouveau coup d’œil à la casserole posée sur le feu, tout semblait normal, puis mon regard croisa le sien quelques micro seconde, il but dans son verre et sortit de la pièce. La fameuse technique de la fuite, l’Homme primitif. L’instinct animal. Quel "beau" tableau.