Par un curieux hasard, cette semaine, je me retrouve à devoir partager ma couche avec non pas Orson, comme j’ai l’habitude, mais bien Eibhlín. Et non la moindre, d’ailleurs, puisque au diable les chambres à coucher, et à nous le camping improvisé en plein cœur du jardin. Je ne suis pas tant une fanatique de nuits en plein air, mais, enfant, nous y allions presque tous les week-ends, l’été, mes parents, mon frère et moi. Avec les années, cette envie nous avait passés. Je conservais tout de même de bons souvenirs de cette période, et certains réflexes, aussi. La nuit, il faisait froid, et mieux valait se vêtir convenablement. Pour une fois que je me pliais à l’un des souhaits de mon partenaire, il allait jubiler de me voir enfin l’écouter – car ça n’arrivait jamais, évidemment. J’étais trop indépendante pour ça. Me contentant de porter un pantalon de sport et sweatshirt moulé à mon corps, je m’étais faufilée dehors pour retrouver cette tente qui me servait de refuge nocturne. La nuit était assez avancée, mais la tente, elle, vide. Curieux, d’ailleurs, puisque ma camarade se faisait toujours un devoir d’être présente longtemps avant moi, pour ne rater aucun de nos moments d’intimité. Ça lui plaisait, je crois. Je refermais la fermeture de l’entrée, puis me faufilait sous les draps froids. Malgré les vêtements qui me recouvraient, je frissonnais. Je m’emmitouflais dans les couvertures, cherchant ainsi à me réchauffer, mais, immobile, c’était assez limité. Je soupirais, me tournait sur le côté, cherchant une position qui saurait me combler, puis recommençait le même manège, sans y trouver ce que j’étais venue chercher. Un bruit dehors vint jusqu’à mes oreilles, et une bouffée d’air frais se fraya un chemin à l’intérieur de l’abri de tissu, quand ma partenaire de coucher y pénétra. Elle me demanda tout bas si je dormais. Je ne répondis pas vraiment, mais je me doutais bien qu’elle se doutait de ma supercherie : j’avais bougé, depuis son arrivée. Prenant place à mes côtés, voilà qu’elle nous prévoyait une nuit endiablée. « Je ne dirais pas non à une nuit en enfer si ça pouvait m’apporter un peu de chaleur. » Sans métaphore, bien sûr, il fera surement plus chaud en compagnie de Satan. Je frissonnais à nouveau, resserrant contre moi les draps pour sentir leur chaleur. Elle parle de mon partenaire, me demandant si je regrette de ne pas être en sa compagnie. « Peut-être un peu, avec une température comme celle-là, je ne dirais pas non à sa présence contre moi – bien qu’elle me révulse. Mais j’imagine que pour ce soir, tu pourras faire l’affaire. » À croire que je lui offre ce prétexte sur un plateau d’argent. Une bonne raison de se rapprocher sans craindre que je la repousse. J’ai un peu besoin d’elle, là, du moins, de la chaleur de son corps et rien d’autre.

Elle ne fait pas d'exception pour elle. Elle est logée à la même enseigne que Danaé, parce que mine de rien, elle ne leur parle pas de la même manière qu'aux autres filles. C'est vrai ça d'ailleurs... Elle devrait y remédier. En tout cas, elle ne semble pas contre une nuit endiablée selon ses dires. Oh, si elle veut une nuit en enfer, elle est au bon endroit : après tout, Eibhlin est une fille très mal élevée et très mauvaise. Méchante. Sans scrupules. Un vrai démon quoi. Elle comprend cependant l'allusion qu'elle veut faire et non le sous entendu que l'irlandaise aurait volontiers adopté. Si pour le coup, elle se comportait plus comme elle est dans la vraie vie et non comme à l'instant. Oui, quand même, elle fait attention à ses manières, tandis qu'avec une autre elle ne le ferait pas. Bien qu'elle n'ait jamais agressé Zoey une seule fois depuis le début de leur « partenariat ». Elle parle d'Orson, de son lit douillé, du chaud qu'il peut y régner. Bien qu'il ne fasse pas non plus affreusement froid comparé aux régions polaires. Si, elle regrette. Elle ira même jusqu'à en vouloir contre elle. Elle avait bien compris qu'ils ne s'aimaient pas, ou plus, ou un truc du genre. C'est pas qu'Eibhlin a un train de retard, c'est toute la compagnie ferroviaire qu'elle de retard, mais pour la simple raison qu'elle s'en moque de la vie des autres que de l'an 140 et qu'elle ne s'intéresse pas à leur vie comme elle, elle ne raconte jamais la sienne. Elle n'est pas importante d'ailleurs, ça tombe bien. Elle « imagine » que pour ce soir elle pourra faire l'affaire... « Pour ce soir, jusqu'à dimanche ! » qu'Eibhlin souffle. N'empêche qu'il ne lui en faut pas plus pour ramener ses fesses contre Donia. « Allez, viens par ici ! J'suis chaude de nature ! » Elle ne le dit même pas de façon salace, alors qu'elle aurait pu le faire. Les mots se suffisent à eux-même. Évidemment elle pense à la température de son corps, mais le faite de rapprocher Donia d'elle arrange les choses quand même. Parce que oui, elle en profite bien : elle tourne son corps du côté de la brune et doucement, elle basse un bras autour de sa taille et elle la rapproche. Pour que leur deux corps soient collés. Bah ouai, elle attaque, elle ne passe pas par quatre chemins et elle a l'accord de la demoiselle concernée. Du coup, le visage d'Eibhlin est tout près du sien. « En fait j'sais pas draguer... Je le ferais bien, mais j'en suis incapable... Tu... Tu m'le dirais si je deviens trop lourde ? » Qu'elle lui demande en chuchotant, se doutant bien que la production a mis des caméras dans la tente également. Elle ne chipote pas et elle dit ce qu'elle pense. Elle n'a absolument pas peur du râteau qu'elle pourrait avoir. Ni de la honte que ça pourrait engendrer. « Et si je n'avais aucune chance avec toi... » Qu'elle continue de sa petite voix, sa main pressant le creux des reins un peu plus fort sans lui faire de mal, juste pour en profiter.

Bien entendu que je m’attends à ce que mes propos soient mal interprétés. L’ambiguïté de certains de nos propos et les sous-entendus qui ponctuent nos discussions sont loin d’être là par hasard. Je crois même qu’ils sont devenus, à force, nos plus précieux compagnons. Néanmoins, Eibhlìn n’est pas dupe, et je suis consciente qu’elle aurait bien aimé que ma remarque puisse être détournée de son véritable sens pour son propre agrément. Question d’avoir un prétexte pour se rapprocher plus encore qu’elle ne l’est déjà. Car la jeune femme en profite, sans toutefois exagérer. Elle garde une distance raisonnable entre elles, bien que durant la nuit, leur corps se frôle sans pour autant causer d’incident. Ce n’est pourtant qu’une question de temps avant que cette barrière soit franchie. Je suis même persuadé que la candidate à mes côtés n’attend que le bon moment pour procéder. Et ce soir, bien malgré moi, je risque de le lui offrir. Cette température et mon corps frigorifié ont besoin d’être réchauffés, et comme j’ai tout essayé, il ne me reste plus qu’une seule option. Évidemment, Eibhlìn saute sur l’occasion, m’avouant à bas mot qu’elle est chaude de nature. Je veux bien le croire, puisque je sens déjà son aura de chaleur sous les draps. C’est d’autant pire lorsque la jeune femme se rapproche, et d’un mouvement de bras, passe le sien autour de ma taille pour m’amener plus près d’elle. Nos corps sont plus à proximité que jamais, et l’espace entre nos visages n’est que minime. Tout ceci devient d’un coup bien plus intime. Mais je n’ai pas encore rechigné. Au contraire, je profite de la chaleur que dégage le corps de la candidate, savourant ce chaud ainsi retrouvé. J’en viens presque à me détendre un peu plus, soulagé de la froideur qui m’habitait jusqu’à présent. Elle se met à murmurer, me demandant de la prévenir si tout ça devenait insupportable. Si tout jamais, elle allait trop loin. « Je ne suis pas de celles qui vont se gêner, alors oui, je te le dirais. » lui fis-je, en toute honnêteté. Si je la laisse encore agir à sa guise, c’est que je ne suis en rien offusquée par ces gestes. Je suis quand même un peu celle qui l’y ait poussé. Du moins, pour ce qui est de notre cas présent. Elle veut aussi que je l’avise, le cas échéant où ses démarches seraient futiles, inutiles. Un fin sourire étire mes lèvres, bien malgré moi. « C’est difficile de juger. » Je ne connais pas bien la demoiselle, outre nos échanges parfois salés – à la piscine, notamment – et ces quelques remarques pimentées. « Il faut toujours laisser sa chance au coureur, après tout. » Si elle prend la peine d’y travailler, il se pourrait bien que la belle ait autant de chance que n’importe qui. « Savoir bien embrasser, il s'agit d'un sujet que tu maîtrises, de toute évidence. C'est tout à ton honneur. » Je m’embarque dans un jeu dangereux avec cette remarque, mais j’en suis pleinement consciente.

Elle sourit. C'est plutôt bon à savoir. Elle ne le précise pas, mais elle est pareille l'irlandaise. Pas besoin de le préciser d'ailleurs, elle doit le savoir. Elle espère qu'elle le sait, en fait. Non pas qu'elle estime être connue de tous dans le château – ce qui est bien dommage – mais l'éloquence d'Eibhlin n'est pas non plus un mystère. Ce serait comme dire qu'on ne l'a jamais vu sur des patins. Ca serait abusé. En tout cas c'est cool de se dire qu'elle pourrait l'envoyer chier si elle devenait chiante, parce qu'autant elle aime l'être, autant elle n'a pas envie de griller ses chances. Normal. Et puis, elle ne veut pas se poser en « agresseuse » et la forcer à quoique ce soit. Dire que c'est dans son caractère de ne pas se soucier des autres est exagéré ici, puisqu'il ne s'agit pas non plus d'emmerder Donia. Pour le coup, ça ne la dérangerait pas, mais elle songe à toute autre chose. Que la concernée comprend évidemment. Elle ne souhaite pas être lourde dans ses tentative de rapproche, comme elle ne souhaite pas être éconduite. Ou autant l'être tout de suite, qu'après mainte et mainte tentative. Quoiqu'elle serait prête à essayer encore et toujours pour réussir. D'ailleurs à ce sujet, elle parle d'un jugement difficile. Qu'il faut toujours « laisser sa chance au coureur » comme elle dit. Eibhlin sourit, alors qu'elle fait glisser doucement sa main le long du visage de la brune. C'est super de penser ça. De ne pas s'arrêter au premier jugement. Bon, on sait bien qu'elle a tout de suite trouver Eibhlin cool, classe et hyper sexy – ahem – mais quand même, ne s'arrêter que sur ça serait dommage. Elle continue encore sur autre chose, qui cette fois, intéresse fortement Eibhlin et qui la fait réagir immédiatement. « Ca tombe bien, j'avais les lèvres qui me démangeaient... » Elle en va de son petit commentaire, un sourire en coin tandis qu'elle franchit la maigre distance séparant encore leur deux visages. Elle prend ça pour un feu vert de sa part ; une invitation insinuée et donc, désirée. Si elle ne se trompe pas... Plus besoin de Cupidon pour venir embrasser une fille. Doucement, elle capture les lèvres de Donia, avec toute la délicatesse qu'on ne lui connaît pas, mais se transformant rapidement en une sorte de tourbillon. Ouai, carrément. Ses doigts posés sur le menton de la belle, elle va « crescendo », passant rapidement au « french kiss » tentant de lier sa langue à la sienne. Elle vient de le dire, elle maîtrise l'art du baiser quand même assez parfaitement et la dernière fois – dans la piscine – elle ne semblait pas réticente. En même temps, sa main se perd le long de sa nuque pour la laisser couler contre son épaule et son bras couvert de son sweat-shirt. Foutue sweat ! Sa main tombe sur le vêtement, avant d'aller trouver l'entrer. C'est à dire le bas de ce pull, qu'elle soulève un peu pour aller se faufiler dessous. Toucher la peau de son dos et celle de son ventre. Pour le coup, Eibhlin se dit que c'est trop beau pour arriver et elle a envie de crier follement après son ex pour bien la mater et voir qu'elle peut être en meilleure compagnie. Non, tout ce qu'elle fait, c'est détacher les lèvres des siennes et essayer de regarder Donia dans le noir ambiant.

Je me questionne souvent, quant à savoir si Cupidon a parfois des plans dans son esprit pour chacun de ces petits protégés.  J’ai cette impression, par moment, de n’être qu’un pantin entre ces mains, et je dois tout de même avouer tout ça commence doucement à me déplaire. Comme si quelqu’un, ou quelque chose essayant de forcer le destin. À choisir pour chacun d’entre nous une voie qu’il doit prendre et suivre à la lettre, sous peine d’être sanctionné. Est-ce que réellement le hasard qui a fait en sorte qu’Eibhlín et moi nous retrouvions dans cette tente. J’en doute. Une part de la décision, certes, lui revient. Mais un autre aurait répondu au téléphone, et je me questionne : est-ce qu’une offre similaire à celle-ci lui aurait été offerte? Nul ne le saura jamais. Je m’égare dans mes pensées, et la caresse d’une main contre mon visage me ramène rapidement les deux pieds sur terre. Je ne dois pas perdre le fil de cette conversation, quitte à y perdre bien plus au final. On ne sait jamais. Ma remarque n’avait rien d’anodin, inconsciemment faite pour provoquer la jeune femme. Sa réaction ne se fait pas prier. Mes yeux s’attardent sur le sourire qui naquit sur ses lèvres avant qu’elle les pose sur les miennes.  Au ralenti, je vois l’écart se réduire entre nos deux corps, et nos bouches fusionnent en un baiser léger en apparence, mais qui se prolonge de seconde en seconde, et qui connait une croissance plus qu’accélérée. Fini le butinement de ses lèvres contre les miennes. Elle s’y donne à cœur joie, et je me sentirais bien mal de lui refuser ça. Après tout, j’ai un peu provoqué les choses, n’est-ce pas. Nos langues se mettent aussi de la partie, je crois qu’elles s’amusent bien, elles aussi. Ses mains se font aventureuses et l’une d’elles amorce même une sacrée descente jusqu’à l’une des extrémités de son chandail, sous lequel elle se faufile sans peine pour profiter de ce qui y est caché. Je croyais avoir du mal à l’arrêter dans son élan, mais c’est plutôt elle qui y met un terme, sans toutefois laisser ses caresses de côté. Je sens son regard qui s’attarde sur mon visage, comme si elle y cherchait quelconque assentiment. Ceci dit, c’est plutôt difficile à affirmer, on n’y voit pas grand-chose dans cette noirceur. « C’était assez fidèle aux souvenirs que j’en avais… » ne fis-je que comme seul commentaire. Il est évident que tout avait été fait dans un contexte bien différent, et qu’ici, sous le couvert de cette tente, cet instant me semblait plus intime. « C’est de l’entêtement ou de l’inconscience, tenter de séduire la plus belle du château? » la questionnais-je en un soupir, m’appuyant sur ce fait curieux énoncé lors d’un prime passé. Zoran et Pavel avaient en quelque sorte échouée en essayant de m’attirer entre leurs bras. Quelques baisers, c’est tout ce que j’avais bien voulu leur offrir, alors qu’ils rêvaient de bien plus. Leurs esprits pervers avaient parlés. Mais je gardais la clé de mon jardin secret bien gardé.

(c'est affreux )