C'était à la limite du somnambulisme, ce que je venais de faire. Je me souvenais vaguement être sortit de mon lit alors ce n'était pas totalement cela, mais tout de même le fait que je ne me souvienne même pas d'avoir effectué le trajet entre la chambre et la bibliothèque restait un poil inquiétant. Le pire c'est que je ne savais même pas pourquoi j'étais venu ici, c'était pas comme s'il m'avait soudainement pris l'envie de lire un bouquin au beau milieu de mon sommeil, quoi. Pourtant j'étais là, les bras ballants, au milieu de la pièce, pieds nus et sans même avoir remarqué que j'avais enfilé mon tee-shirt à l'envers ; Et là je ne risquais pas de m'en rendre compte puisque j'étais dans le noir, j'avais même pas allumé la lumière. Comme quoi un cerveau fatigué pouvait vraiment vous faire faire n'importe quoi. Enfin bon, maintenant que j'étais là et que je recommençais plus ou moins à refaire la connexion entre mes neurones, j'avais une flemme pas croyable de retourner me coucher ; De toute façon j'étais pas spécialement fatigué, hier soir faisait partie de ces soirs où j'étais allé me mettre au lit histoire d'être raisonnable, mais sans aucune véritable envie de dormir. Le truc c'est que j'avais pas spécialement envie de lire non plus, et puis j'étais à peu près réveillé maintenant mais j'avais pas non plus totalement les yeux en face des trous, pas assez pour me plonger dans un bouquin en tout cas. Du coup, en désespoir de cause et parce que je savais pas trop quoi faire d'autre, je m'étais laissé tomber dans un des fauteuils près de la fenêtre et j'avais fixé l'extérieur, bien que ne distinguant pas grand chose en pleine nuit. Et contre toute attente j'avais fini par m'endormir, dans une position qui me vaudrait à n'en pas douter un merveilleux torticolis à mon réveil tandis que Camille me demanderait sans doute pour quelle raison obscure j'avais préféré aller terminer ma nuit sur un fauteuil de la bibliothèque plutôt que dans un lit. Si je savais. Quoi qu'il en soit il était certain que plusieurs heures avaient passé depuis la dernière fois que j'avais eu les yeux ouverts, puisque le jour passait désormais à travers la vitre et éclairait la pièce ; Quant à moi, j'avais cette drôle d'impression. Celle d'être observé. Ouais, y'avait quelqu'un d'autre dans la pièce, quelqu'un que je n'avais pas entendu arriver, quelqu'un ... « AAAAAAH ! » et ni une ni deux j'avais basculé du fauteuil pour terminer à plat ventre sur le tapis. Classe, et gracieux. En même temps, je ne m'attendais pas à voir la tronche de Lewis juste en face de ma tête en ouvrant les yeux, c'était de sa faute à lui « Putain mec tu m'as fait peur ! » que je m'étais alors lamenté tout en me redressant, me massant la nuque tout en restant assis sur le tapis au pied su fauteuil. Ouais, le torticolis donc, je n'y avais pas échappé ; Mais j'avais échappé à la crise cardiaque, on ne pouvait pas tout avoir sans doute. « Qu'est-ce que tu fous là, quelle heure il est ? » Il pouvait pas être si tard que ça, non ? Enfin je veux dire, je pouvais pas avoir dormi si longtemps que ça ici, hm.

J’ouvre les yeux lentement. Je me tourne et passe le bras sur le côté. Personne. Le lit est vide. Bon ce n’est pas très surprenant, Aliénor se lève toujours bien plus tôt que moi. Mais quand même, je préférerais me réveiller à ses côtés. Ceci dit je préfère encore plus mon sommeil, donc je n’en suis pas au point où je vais me lever plus tôt exprès rien que pour ça. Non faut pas exagérer. Par contre, ce matin, je suis debout assez tôt quand même, 10h30. Pour certain, c’est surement déjà super tard, mais pour une marmotte comme moi non. Aujourd’hui, c’est un jour particulier. Thanksgiving. Une tradition que les français ne connaissent pas. Mais aux Etats-Unis, hors de question de la louper. C’est le moment de tous se réunir en famille autour d’un bon repas. De la dinde généralement. Mais là va falloir que je fasse sans mes proches. Du coup je suis un peu en mode nostalgique. Ma mère, mes sœurs, mon neveu, mes cousins me manquent. Mes potes aussi. Cela fait quand même pas mal de temps qu’on est coupé du monde extérieur. Qu’on a pas la moindre nouvelle. Deux mois et demi a peu près non ? Cela commence à faire. Et c’est plus particulièrement pesant en ce jour. Mais hors de question de me la jouer en mode tristounet toute la journée ou quoi, non non. Ce n’est pas mon genre. On prend sur soit et puis c’est tout. Bref, je prends mon petit dej’, je fais un peu de sport, et je décide de me rendre à la bibliothèque. Pour une raison très particulière. Ne vous inquiétez pas, le ciel ne m’est pas tombé sur la tête, je ne compte pas lire un bouquin. Non non. J’ai un petit problème à régler. A vrai dire de la plus haute importance. Un candidat m’a parlé de procrastination, et ne voulant pas passer pour le teubé de service, j’ai fais genre celui qui comprenait. Mais en réalité j’ai aucune idée de ce que ça veut dire. Donc je compte sur le dico pour arranger ça. Mais quand je pénètre dans les lieux, j’aperçois ce cher Akela, couché sur l’un des canapés. Il pionçait ? Peut importe, mais ma présence semble le surprendre, au point qu’il en tombe littéralement à la renverse. Je ne peux m’empêcher de rire un peu. « Mec, je crois que t’es bon pour le bétisier là ! » Je dis ça je dis rien. « Je suis venu enrichir ma culture, je n’ai pas le droit ? » Ouais bon. « Il doit être bientôt midi. T’as dormi là ou quoi ? Camille t’as jeté du lit ? Ou il avait de la compagnie peut être ? »

Je crois que ça devenait une habitude. Une mauvaise habitude, même. Quoi donc ? Le fait de me réveiller autre part que dans mon lit et de manquer la crise cardiaque en réalisant que j'étais pas tout seul dans la pièce. Et aussi le fait qu'il m'arrivait tout un tas de bricoles quand j'étais dans cette bibliothèque, déjà avec Aliénor la dernière fois j'avais bien cru y rester enfermé un moment ... Et là je venais ni plus ni moins de faire un vol plané sur le tapis, avec la grâce d'un cachalot qui s'échouerait sur une plage. « Mec, je crois que t’es bon pour le bêtisier là ! » qu'avait alors gentiment commenté Lewis en rigolant ; Bon, j'allais pas non plus trop lui en vouloir, en situation inverse sans doute que je serais mort de rire à sa place, alors bon. Me frottant un instant les yeux en marmonnant, je m'étais rattrapé au bord du fauteuil pour me remettre debout tout en répondant en soupirant « Ça fera qu'une fois de plus, je cumule ces temps-ci. » Et mon but ultime n'était pas de me faire une place dans le bêtisier à la base, parce que comme un peu tout le monde je préférais me foutre la gueule des autres plutôt que d'être celui dont on se foutait. Logique. Quoi qu'il en soit, le temps de me réveiller totalement et de me remettre le cerveau à l'endroit j'avais demandé à Lewis ce qu'il faisait ici et l'heure qu'il était ; Non mais j'étais pas de la police, il faisait bien ce qu'il voulait, c'était juste une question comme ça en passant. « Je suis venu enrichir ma culture, je n’ai pas le droit ? Il doit être bientôt midi. T’as dormi là ou quoi ? Camille t’as jeté du lit ? Ou il avait de la compagnie peut être ? » Hein, quoi ? Non pourquoi, j'avais la tronche de celui qui s'était fait jeter du lit ? Enfin quoi que je sais pas si j'avais une tête particulière dans ces moments-là, c'était peut-être arrivé une ou deux fois chez moi que je goûte aux joies du canapé mais comme j'étais de toute façon celui qui se levait en premier on m'avait jamais fait de réflexion sur la tronche que je pouvais avoir ... Enfin bref, c'était pas le sujet, hu. Et puis surtout, il était bientôt midi putain. Je crois que je m'étais pas réveillé si tard depuis ... Je savais même plus, depuis très, très longtemps. « Non, non personne m'a jeté du lit, du moins pas que je me souvienne ... Je sais pas, je crois que j'ai du m'assoupir. » Non, sans blague. Et puis y'avait s'assoupir et s'assoupir hein, y'avait faire une petite sieste et y'avait s'endormir pour sept ou huit heures de sommeil sans que même le fait de ne pas être allongé dans son lit ne soit suffisant pour être réveillé. « Je dormais bien, avant d'atterrir dans ce jeu. » avais-je alors bougonné tout en faisant marcher un peu ma nuque endolorie par la position inconfortable j'avais dormi pendant la moitié de la nuit. Avant d'être ici j'étais du genre à me coucher tôt, à me lever avant l'aurore, et à pouvoir m'endormir en dix secondes si j'en avais envie, dès que je posais la tête sur mon oreiller. Il allait me falloir des semaines une fois dehors, pour retrouver ces habitudes. « Mais t'as l'air de celui qui parle en connaissance de cause, Aliénor t'as déjà gentiment prié d'aller dormir ailleurs ? » que je lui avais finalement demandé sur le ton de la taquinerie.

Ma présence surprend le jeune homme, au point qu’il se ramasse par terre. Evidemment je ne peux m’empêcher de rire face à la comitude – comiqueté ? comiquerie ? Enfin au comique de la situation quoi. Ça va, c’est drôle non ? Pas de quoi le prendre mal. Une bonne chute ça fait toujours rire, et je suis toujours le premier à me marrer quand ça m’arrive. Bon, par contre ça n’a pas trop l’air de faire rire le bonhomme. « Ça fera qu'une fois de plus, je cumule ces temps-ci. » Ah oui ? « Bah t’inquiètes, tu ne pourras jamais arriver à mon niveau de toute façon. Je pense que c’est moi qui dois truster le bétisier. » On ne m’a pas élu candidat le plus boulet pour rien. Entre mes nombreuses chutes et autres boulettes, je suis pas mal. Comme quand j’ai voulu faire une surprise à ma partenaire en lui apportant le petit dej au lit, et en renversant tout sur la couverture. Ou que j’ai fracassé un grand cru de vin, que je me suis coupé dans l’affaire, etcetera etcetera. Bref je lui demande s’il a pioncé là. Il en a l’air en tout cas. A moitié réveillé le bonhomme. « Non, non personne m'a jeté du lit, du moins pas que je me souvienne ... Je sais pas, je crois que j'ai du m'assoupir. » Ici ? Pourquoi il était là à la base aussi et pas dans son lit ? « En même temps je te comprends, il n’y a pas grand-chose à faire d’autre dans une bibliothèque. » Lire ? Non connait pas. Il se plaint alors qu’il dormait bien avant d’atterrir ici. « Moi j’ai pas ce problème là, je dors comme un petit bébé. » En même temps on est bien dans les bras d’Aliénor. « Plus que deux ou trois semaines, et tu retrouveras ton lit. » Et peut être son sommeil du coup. C’est alors que justement il me parle de ma partenaire. « Non non du tout. C’est plutôt moi qui parfois aurait envie de la virer tant elle peut se mettre à bouger un peu trop. » Et sinon la situation pioncer sur le canapé parce que ta copine t’as éjecté du lit, je connais pas. Faut dire que pour ça il aurait fallu que j’ai déjà vécu avec une fille, ce qui n’est pas le cas.