DANICA.


Je prends mon café, les traits fatigués et je tente de me fermer à tous contacts que les autres essayent d'instaurer avec moi. Je ne leur fais pas confiance, ils ne m'inspirent pas. Je fais semblant d'écouter car en réalité je m'en fous de leur vie aussi ennuyante soit-elle, chacun son fardeau. Les plus valeureux essaient une interaction en me posant quelques questions mais je vais au plus court, je ne m'attarde pas et surtout règle d'or, je ne retourne pas la question. Absolument pas. Je ne suis pas folle non plus. Une fois qu'il ne me reste plus que le cadavre de mon café entre mes mains, je rince la tasse et pars à l'aventure. L'avantage avec les candidats, c'est qu'ils parlent trop. Si bien que j'ai eu vent de cette fameuse salle de surveillance. Ma curiosité piquée, je m'y rends sans faire de vague, frôlant les murs pour éviter de me faire aborder. J'ouvre avec douceur la porte et la referme immédiatement derrière moi. Je me retourne et découvre que je ne suis pas seule. Une brunette est déjà installée. « Bien matinale, Big Brother » je lance d'une voix faussement enjouée. J'ai la tête dans les nuages et je n'ai aucune envie d'être incisive ou même agressive. Je me pose sur le siège libre à côté de la demoiselle et commence d'un air encore ensommeillé à fixer les écrans. On m'a souvent dit que la meilleure façon d'en apprendre sur les autres et de les observer lorsqu'ils sont perdus. Moment propice, aujourd'hui, changement d'environnement, de colocataires.

Je suis encore complètement endormie, je dois avoir la gueule de travers et les cheveux en pleine rébellion,mais je le vis bien. Très bien même. Apparemment la demoiselle est complètement décalée. « Combien d'heures ? » je demande de ma voix rauque. Pourquoi je n'ai pas ce problème, moi ? J'ai l'impression d'être comme un iPhone en fait, je fais des mises à jours constantes et je suis donc toujours bien réglée. Je l'écoute avec attention, je crois qu'il n'y a que cela que je sais bien faire. « Ne t'inquiète pas, dans quelques heures, quand tout le monde sera levé, on aura de quoi se divertir, un beau spectacle » je lui lance simplement en croisant mes jambes pour m'asseoir en tailleur, car c'est bien connu, plus il y a de monde, et plus il y a de tension. C'est limite scientifique ! Elle enchaîne avec la starlette de la saison, difficile de la louper vu son ego, très difficile. « D'ailleurs, tu la connaissais de nom avant de venir ? » je m'informe, mine de rien, car elle ne cesse de crier sous tous les toits que le monde est à ses pieds, alors ça m'inquiète plus qu’autre chose parce que sinon le monde est vraiment dans la merde. Qu'on se le dise.  « Ou il n'y a vraiment que moi qui vient d'une autre planète » je complète alors en regardant la jolie brune. Je n'ai jamais entendu cette Jasmine auparavant, mais genre jamais, en même temps, j'écoute rarement de la daube industrielle aussi, comme musique.