Ghost From The Past, après le prime
Benjamin & Amy

La soirée a prit un tournant des plus inattendus pour moi. Je pensais que ma participation dans le jeu serait le clou de la nuit. Savoir que je suis prise. Que j’intègre officiellement l’emission, au même titre que 31 de mes camarades. C’est quand même énorme. Ce n’est pas tous les jours qu’une telle chose nous arrive. Et pourtant…Un événement est venu tout chambouler. L’émission, le jeu, tout ça, je m’en fou complet. Je ne pense plus qu’à une seule chose. Benjamin. Ben… La dernière personne sur Terre que je m’attendrais à voir dans ce jeu. N’importe où d’ailleurs. Je le considérais comme mort jusqu’à aujourd’hui. Et là il débarque, comme si de rien n’était, venu de nulle part. Je ne peux pas croire à une coïncidence. Tout ceci était calculé. Quelle conne je fais. Une chasseuse de tête ne m’a jamais repéré dans mon resto. On savait déjà qui j’étais, cela me parait évident maintenant. Il m’a fallu plusieurs minutes pour me remettre de mes émotions. Du premier choc de sa vision. Un fantôme. J’ai bien cru que j’allais tomber dans les pommes. Mais maintenant j’ai eu le temps de me reprendre. Notamment grâce à mon nouveau partenaire, Ulysse. Je suis prête pour la confrontation. Je ne pourrais pas attendre plus longtemps de toute façon. Je demande à tous les candidats que je croise s’ils n’ont pas vu un type répondant à la description de Ben. Finalement, on m’oriente vers la cuisine. Je me dirige vers lui, sans un mot. Je lui attrape violemment le bras, pour l’entraîner avec moi sur le toit. Sans lui demander son avis. Le tout dans le plus grand silence. Intérieurement, je boue. Une fois seuls, je le lache. Je referme la porte derrière moi, et le regarde. Plusieurs mètres nous séparent. « Je n’en reviens pas…C’est toi… » Avec 10 ans de plus, mais c’est bel et bien lui, pas de doutes. Les larmes me montent aux yeux. Mais soudainement, c’est un autre sentiment qui domine. Tout à coup, je retire mes talons, et les lui balance à la gueule. « Qu’est ce que tu fou la ? On te croyait mort ! T'ES UN ENFOIRÉ ! Tu n’as pas le droit de te pointer là ! » Dommage que je n’ai rien d’autre sous la main à lui jeter à la tronche.

Je ne sais pas vraiment comment je qualifierais le début de cette soirée. Nulle à chier ? Ouais, certainement. Dès les premières minutes, j’ai su que je m’emmerderais bien. Au moins, le point positif, c’est que j’ai une partenaire qui me semble bien canon. Bien que je doute de sa majorité, ça pourra le faire. Je dis ça, mais je ne lui ai pas adressé la parole. Et au premier moment où j’ai pu me faufiler et sortir de la pièce dans laquelle nous étions, j’en ai profité pour me rendre à la cuisine, mon ventre me criant de manger quelque chose. Quelque chose de consistant, un sandwich et pas des petites bouchées de pincé qu’on nus servait là-bas. Je suis sur le point de dévorer mon repas, lorsqu’une main vient m’agripper violemment. Elles sont féroces par ici, les demoiselles. Je suis sur le point de gueuler, alors que mon sandwich s’écrase par terre. Mais une fois que mes yeux se posent sur cette chevelure, puis que mes yeux s’accroche aux siens, je manque proche de perdre connaissance. C’est impossible. Absolument impossible. Ses yeux bleus... Elle... Elle... Ro... Non. Ben, merde. Je ne cherche pas à me déprendre de ses doigts qui vont bientôt transpercer la peau de mon bras. Mon coeur bat si vite que j’ai peur qu’il lâche. Je ne sais pas exactement où nous sommes, l’endroit n’a plus d’importance pour moi. D’un seul coup, plus rien n’a réellement d’importance. « Je n’en reviens pas…C’est toi… » Elle m’a lâché, je me suis éloigné d’elle, ne supportant pas sa présence à mes côtés. Évidemment que c’est moi. Elle a les larmes aux yeux, pour ma part, je réussis encore à me contenir. Je ne sais combien de temps que j’y arriverai par contre. Et puis bam. En pleine gueule. La folle qui me lance ses talons. J’aurais du m’y attendre, je la connais, quand même. « Qu’est ce que tu fou la ? On te croyait mort ! T'ES UN ENFOIRÉ ! Tu n’as pas le droit de te pointer là ! » Un enfoiré. Oui, c’est bon. Je le sais. Merci. Si je n’étais pas autant en état de choc, je lèverais probablement les yeux d’exaspération. Je me force à respirer un bon coup, étant loin d’être au meilleur de ma forme. « Amélie... Ta gueule. » Je parle doucement, mais fermement. « Ferme ta gueule... cinq secondes. » J’en demande pas beaucoup quand même. Je me tourne, incapable d’affronter son regard. Je préfère lui faire dos pour l’instant. Je suis lâche... oui, il y a des chances. « C’est plutôt à moi de te demander ce que tu fais ici... Laisse moi deviner, la production ? » Ça ne peut être autre chose. Je leur ai parlé d’elle, après tout. Les connards. Elle ne doit pas apprécier mon ton, elle ne doit pas aimer comment je m’adresse à elle. Elle doit bien avoir envie de me tuer, après tout, elle me croyait mort. « Oh et en passant, c’était voulu, que tu me crois mort. » C’est mieux de préciser. Un rire s’échappe de mes lèvres, un rire sarcastiques, alors que la situation est tout sauf drôle.

Benjamin semble sous le choc de me voir. Il est sérieux ? Il n’a pas fait attention à mon portrait ? Il ne m’a pas aperçu à l’entrée du nid ? Lorsqu’on était tous regroupé ? Faut dire qu’en l’aperçevant, je me suis rapidement isolée. Je suis passée à deux doigts de nous faire un malaise. Rien n’aurait pu me préparer psychologiquement au choc de le revoir. Je pensais que c’était fini. Qu’il ne faisait définitivement plus parti de ma vie. Au début, parce que c’est un connard, lâche et égoïste, et puis après, parce qu’il avait probablement clamsé. Pour ne pas avoir eu la moindre nouvelle, personne, pas la moindre trace, je m’imaginais qu’il avait passé l’arme à gauche. Cela me consolait presque de penser ça. Oui c’est peut être horrible, mais au moins, je me disais qu’il y avait une bonne raison à son silence. Or là, il est la preuve vivante qu’il a tiré un trait sur sa famille. Qu’il n’en a rien à foutre de nous. De moi. Alors si j’ai été heureuse une micro seconde de le revoir, vivant, cela n’a pas duré bien longtemps. La colère a prit le dessus. La rage. Je suis remontée. Je lui balance ce que j’ai sous la main, à savoir mes talons. On fait avec les moyens du bord. Ce connard m’intime de me la fermer. Amélie. Cela fait une éternité qu’on ne m’a pas appelé comme ça. « Oh tu te souviens de comment je m’appelle ? Étonnant. » Il se souviendrait me mon existence ? Voilà qu’il me tourne le dos. Il n’ose pas affronter mon regard. Je constate qu’il est toujours aussi lâche.   «C’est plutôt à moi de te demander ce que tu fais ici... Laisse moi deviner, la production ? » Bon, au moins je sais que tout ceci n’était pas une tentative de réunion. Non rien avoir. Je me sens conne d’avoir pensé à cette éventualité ne serait que deux secondes. Cela se saurait s’il avait voulu renouer le contact. Il aurait eu largement le temps ces dix dernières années. « J’aurais dû le savoir que c’était un coup monté ! P’tain je me suis fais baisé. » Ils se sont surement dit que ça serait sympa de réunir la fratrie. Ça veut quand même dire qu’il a parlé de moi. Surprenant lui qui semble avoir oublié mon existence. D’ailleurs, voilà qu’il me balance sur un ton presque désinvolte, que c’était le but que je le crois mort. S’ensuit même un petit rire. A l’heure actuelle, je vous avouerais que je ne sais pas ce qui me retient de commettre un meurtre. Je peux le balancer du toit ? « Et t’es fier de toi ? C’est vrai que c’est hilarant d’avoir foutu nos vies en l’air. » Non mais oui, haha. « J’aurais préféré que tu sois réellement mort. » Oh que oui.

Durant un instant, un court instant, je suis heureux de la voir. Je ressentirais même le besoin de la serrer dans mes bras, ne serait-ce qu’une demie seconde. Mais cet instant est extrêmement court. Puisque je ne peux pas faire ça. Puisque lorsque je suis partie, j’ai décidé de mettre un terme à notre relation. Plus que ça, j’ai décidé de ne plus jamais lui adresser la parole. J’ai disparue de sa vie. De la vie de ma famille. C’est la décision que j’ai pris. Mais de l’avoir devant moi vient retourner une tonne de sentiments que je m’acharne jours et nuits à écarter de ma pensé. Elle fait chier d’être là. Et de me violenter comme ça. Non mais garde tes talons pour toi, vieille folle. Je lui supplie de la fermer, puisque bien franchement, sa voix ne m’a pas manqué. Sa voix remplie de reproches. Elle me déteste, ça, y’a pas de doutes là dessus. « Oh tu te souviens de comment je m’appelle ? Étonnant. » Ce qu’elle peut être chiante, mon dieu. Quand je parlais de reproches. Gageons qu’elle ne s’arrêtera pas là. « Toujours aussi désagréable. Pas étonnant. » Je répond à ça phrase de façon enfantine, c’est plus fort que moi. Comme j’aurais pu le faire avant. Oui, avant. Mais nous ne sommes plus avant, nous sommes maintenant, avec toutes les conséquences qui viennent avec. Et cette réunion improvisée ne vient pas ne moi, cela me semble évident. Un coup monté de la part de la production. Et ça ne m’étonne tellement pas de leur part, j’aurais même du m’en douter. Sauf que je ne savais pas si ma soeur était encore en vie. Je ne me suis donc pas posé la question. « J’aurais dû le savoir que c’était un coup monté ! P’tain je me suis fais baisé. » Oh que oui, ma belle. Tu t’es bien fait avoir. Moi aussi par le fait même. Je soupire comme seule réflexion face à la situation. Je n’arrive toujours pas à le croire. Je n’arrive toujours pas à croire que ma Amélie est devant moi. Même si bon, je ne pense pas avoir le droit de l’appeler de la sorte. Elle n’est pas à moi, qui sait, à ce point, elle n’est même plus ma soeur, mais qu’un simple lien de sang. J’aurais envie de lui poser une tonne de questions, pourtant elle a le don pour couper court à ma curiosité. Et je lui fais bien comprendre que si elle me croyait mort, c’était bien le but de la chose. De disparaître. « Et t’es fier de toi ? C’est vrai que c’est hilarant d’avoir foutu nos vies en l’air. » Elle n’est pas sérieuse là. Si jusqu’ici je lui faisais dos, me montrant lâche, je l’avoue, cette dernière déclaration me fait pivoter sur place, décidant enfin de l’affronter. « Pardon ? » Non mais elle a du culot celle-là. « J’aurais préféré que tu sois réellement mort. » Je m’approche d’elle sans réfléchir, séparant la distance entre nous, me plantant devant elle, la colère montant en moi, encore et un peu plus. Si j’ai réussie à me montrer plutôt calme depuis le début, ce n’est plus le cas maintenant. « JE LE SAIS ÇA ! JE LE SAIS QUE TU VOUDRAIS QUE JE SOIS MORT. » Connasse. « Ça fait peut-être 10 ans qu’on ne s’est pas vu, mais t'as pas changé ! Bah non, désolé, je suis là, je suis devant toi, et tu vas devoir faire avec. On va devoir faire avec. » C’est comme ça. Les choses sont comme elles sont. « Et ne t’avises pas à me dire que j’ai fichue nos vies en l’air. Tu l’as bien fait toi même. T'es bonne aussi dans le domaine.» Mon doigt s’appuie contre son torse violemment. Je ne vais pas la frapper. Je ne frappe pas les femmes. Et encore moins ma soeur. Mais ce n’est pas l’envie qui me manque. Sans m'en rendre compte, les larmes me sont montés aux yeux, et je fais tout pour les retenir en ce moment. Je ne peux surtout pas me mettre à pleurer.

« Toujours aussi désagréable. Pas étonnant. » Oh oui je suis désagréable, et il n’en a pas encore vu la moitié. C’est grâce à lui tout ça, ma merveilleuse personnalité. Il en est en parti responsable. S’il ne s’était pas barré, peut être que les choses auraient été différentes. Mais on ne le saura jamais. Le fait est, qu’il s’est barré, et après tout ce temps, le voilà de nouveau dans ma vie. Sauf que ce n’était pas voulu. Il semblerait qu’on se soit fait avoir en beauté par la production. J’ai envie de tout péter. Je déteste m’être ainsi fait jouée de la sorte. En même temps, comment aurais je pu deviner une seule seconde leurs intentions ? Je le croyais mort. Et quand bien même, jamais je ne me serais imaginé qu’il participerait à une émission de télé. Si son but c’est de passer pour mort, pourquoi afficher sa tronche à la télé ? Pas franchement le meilleur moyen de rester caché. Je balance à Ben que j’aurais préféré qu’il soit mort. C’est la stricte vérité. Je le mets en rogne, il s’approche de moi et me hurle dessus. « JE LE SAIS ÇA ! JE LE SAIS QUE TU VOUDRAIS QUE JE SOIS MORT. » Qu’est ce qu’il peut en savoir ? Ce n’était pas le cas à l’époque. Contrairement à lui qui m’a bien fait signifier qu’il aurait préféré que je le sois. A peu près nos derniers mots échangés d’ailleurs hm, avant qu’il ne prenne la poudre d’escampette. « Ça fait peut-être 10 ans qu’on ne s’est pas vu, mais t'as pas changé ! Bah non, désolé, je suis là, je suis devant toi, et tu vas devoir faire avec. On va devoir faire avec. » Il ne sait pas à quel point il a tort. Je n’ai plus rien, ou presque, de la Amy qu’il connaissait. Elle est morte le jour ou tout ça est arrivé. « Pourquoi on aurait à faire avec ? Tu devrais te barrer, quitter le jeu. En plus, la fuite, c’est un peu ta spécialité ça, alors ça ne devrait pas te poser de problèmes. » Je n’arrive pas à imaginer faire l’aventure avec lui à l’intérieur. Avoir à supporter sa tronche tous les jours…Et puis le voir, fait remonter tout un tas de souvenirs douloureux.  « Et ne t’avises pas à me dire que j’ai fichue nos vies en l’air. Tu l’as bien fait toi même. T'es bonne aussi dans le domaine.» dit en pointant un doigt menaçant sur ma poitrine. Oh oui je suis bonne pour l’autodestruction mais qu’il aille se faire foutre. Sous le coup de l’impulsion, je lui balance une gifle magistrale. Son erreur de s’être approché si près. « Ta gueule ! C’est toi le lâche qui s’est barré au pire moment possible. Quand la famille avait le plus besoin de toi. » J’espère qu’il en a bien conscience à quel point c’est un lâche. Je crois que dans le domaine, c’est le maître. On peut pas faire mieux. « Oh tiens d'ailleurs, tu veux passer un petit coucou à maman et papa ? Oui, ils sont toujours en vie, pour peu que ça t’intéresse. » Je me tourne vers les caméras pour m’adresser à elles. « Regardez qui est là, le fils chéri ! Revenu d’outre tombes ! » J’ai limite l’air d’une folle, mais bon, je m’en fou. Je me tourne finalement vers Ben. « Façon sympa d’apprendre ton retour parmi les vivants, tu trouves pas ? » A travers un écran de télévision. Ça c’est un bon fils.

En ce moment, mon état d’esprit ne s’explique pas. Tout ce que je ressens, les différentes émotions qui s’emparent de moi face aux retrouvailles avec ma sœur. Ça ne me laisse pas indifférent. Je ne suis pas insensible. J’ai un cœur, comme tout le monde et je n’ai jamais prétendu le contraire. Et donc, il est difficile pour moi de rester calme face aux paroles que me lance Amy au visage. Elle veut me blesser, pour ce que j’ai fait. Pour avoir gâcher sa vie, comme elle le dit. Elle aimerait que je sois mort. Elle aurait préféré cette option celle de nos retrouvailles du moment. Bien. Je le sais. Je lui gueule après aussi. C’est plus fort que moi. « Pourquoi on aurait à faire avec ? Tu devrais te barrer, quitter le jeu. En plus, la fuite, c’est un peu ta spécialité ça, alors ça ne devrait pas te poser de problèmes. » Mais est-ce qu’elle s’écoute parler un peu. Seigneur, j’arrive pas à y croire. Non mais à l’entendre, j’ai tous les défauts de la terre. « Quitter le jeu ? Non mais c’est moi qui s’est inscrit, toi t’as qu’à partir ! » Je ne vois pas pourquoi d’un seul coup, je devrais tout abandonné parce que ma chère sœur ne supporte pas d’être enfermé ici avec moi. Quelle aille se faire foutre oui. Je suis peut-être douée pour la fuite, je ne vais pas affirmer le contraire, mais pas cette fois. J’aimerais qu’elle cesse les reproches à mon égard, sauf que la colère prend encore le dessus et je sais automatiquement que lui dire qu’elle a très bien elle-même gâchée sa vie ne lui plaira. Je ne sais pas ce qu’elle est devenue depuis tout ce temps, mais elle ne semble pas l’avoir eu facile. Je le comprend bien dans la façon dont elle parle. Et dans cette gifle incroyable à laquelle j’ai droit à l’instant même. Fucking bitch. Je me recule, la main sur ma joue qui doit être d’un rouge écarlate. « Criss de folle ! » Je m’exclame avec un accent québécois bien senti. « Ta gueule ! C’est toi le lâche qui s’est barré au pire moment possible. Quand la famille avait le plus besoin de toi. » Bon elle va le répéter combien de fois encore ? J’crois que j’ai compris à un moment. Je me mort la lèvre pour contenir la douleur que je ressens. « Oh tiens d'ailleurs, tu veux passer un petit coucou à maman et papa ? Oui, ils sont toujours en vie, pour peu que ça t’intéresse. » Les parents. Évidemment qu’ils doivent regarder l’émission, si Amélie y est présente. Merde. Pas que je n’y avais pas pensé, je me disais que comme Fake Lover ne passe pas à la télévision québécoise, ils n’auraient pas vent de ma participation. Je sais, c’est un peu naïf comme pensé. « Regardez qui est là, le fils chéri ! Revenu d’outre tombes ! Façon sympa d’apprendre ton retour parmi les vivants, tu trouves pas ? » Je lève les yeux automatiquement en direction d’une des caméras, me sentant encore un peu plus stupide. « Salut m’man, salut p’pa… » Je dis d’une voix faible, aucun sourire cette fois-ci sur mes lèvres. Je ne sais pas comment je dois agir. Ce que je dois dire. Elle a raison, pour ce point, elle a raison. « Comment ils vont… les parents ? » Je demande plus calmement, gardant mes distances cette fois-ci. J’ai appris ma leçon.

« Quitter le jeu ? Non mais c’est moi qui s’est inscrit, toi t’as qu’à partir ! » Evidemment qu’il ne veut pas se barrer, cela aurait été trop facile. Quand on a besoin de lui, il se barre, mais quand sa présence n’est pas souhaitée, il reste. « Peut être que je devrais, oui. » Parce que je ne suis pas sure de supporter l’aventure avec lui. Pour ma santé mentale, je crois qu’il serait préférable que je quitte le jeu. Je ne sais pas, je ne sais rien…Sur un coup de tête, je serais capable de me tirer. Mais j’ai envie de prendre le temps de la réflexion pour une fois. Je crois que je déciderais ce que je ferais cette nuit, quand je serais au calme, à tête reposée. Loin de ce connard. Connard qui me balance avoir gaché ma propre vie toute seule. Je suis sanguine, comme il a pu s’en apercevoir deux minutes plus tôt avec mon lancer de chaussures, alors la gifle part toute seule. Bien mérité. Il me traite de folle, peut être mais je m’en fou. De toute façon c’est bon, il ne va pas pleurer c’est qu’une gifle. Qu’il s’estime heureux que ça ne soit pas le poing que j’ai utilisé. Ou un coup de genou bien senti.  J’évoque ensuite nos parents. M’adressant directement à eux à travers la caméra. Je n’ose imaginer ce qu’ils doivent ressentir à l’heure actuelle. Enfin si je sais. Puisque je l’expérimente présentement. Enfin pas de la même manière… Parce que je sais que maman, malgré toute la peine qu’il nous a fait subir, doit être heureuse de savoir qu’il est en vie. Je la vois déjà en pleurs derrière son écran de télévision, avec des mon petit bébé en veux tu en voilà. Il serait devant elle, elle le prendrait surement dans ses bras. Toutes ces années, elle n’a attendu que ça, son retour. Toujours à espérer…En vain. En tout cas maintenant Benjamin fait moins le malin. « Salut m’man, salut p’pa… » Il est sérieux là ? Mais oui. Vl’a qu’il me demande comment ils vont. « Tu ne t’en es pas préoccupé en dix ans, tu vas me faire croire que ça t’intéresse maintenant ? » Il doit poser la question pour la forme, juste pour avoir meilleure conscience. « Mais si tu veux tout savoir, maman, elle, elle ne s’est jamais remise de…de tout ça. Et papa…Il a sa nouvelle famille maintenant. » Je comprends qu’il ait quitté celle là. Complètement dysfonctionnelle. Brisée. Il s’en est trouvée une meilleure. Tant mieux pour lui. « Tu sais qu’elle n’a jamais cessé d’espérer ton retour ? Même après toutes ces années ? J’avais beau essayer de lui faire comprendre que jamais tu ne reviendrais, elle ne voulait rien entendre. Elle continuait d’espérer, encore et encore. Chaque coup de téléphone, chaque lettre…Tu as la moindre idée de ce qu’on a enduré de ta faute ? En plus de… » Ma vois se brise. La colère a laissé place à la tristesse. J’ai les larmes aux yeux. Une roule même sur ma joue. « Pourquoi ? Pourquoi…Même pas un coup de téléphone, rien. C’était trop demandé un p’tain coup de téléphone ? Ou même une carte postale ? Benjamin…Pourquoi ? »

« Peut être que je devrais, oui. » Ouais bah rendu là, c’est son choix. Je ne crois pas être prêt à mes mettre à genou devant elle pour la supplier de rester. Je ne suis pas sans coeur, même si tout peut le laisser croire. Mais je n’avais pas prévu me retrouver face à Amy et je ne suis pas certain qu’être enfermé tous les deux, durant une longue période de temps, sera une bonne chose pour nous deux. Puisqu’elle m’en veut, c’est évident. Et une part de moi lui en veut aussi, pour différentes raisons. Et donc, elle veut partir ? Qu’elle le fasse. Je ne vais pas sauter de joie, mais je ne sais pas exactement je devrais réagir. Je suis perdu face à cette situation. Je reste donc silencieux. On verra bien ce qu’elle décidera. Puis la conversation tourne et elle me parle de nos parents. C’était un sujet évident à aborder. Et je veux savoir comment ils vont. Pour la première fois depuis tout ce temps, j’ai accès à une source d’information les concernant. D’accord, j’aurais pu moi-même m’informer, mais bon, je ne l’ai pas fait. « Tu ne t’en es pas préoccupé en dix ans, tu vas me faire croire que ça t’intéresse maintenant ? » Elle n’a pas tord. Enfin, dans un sens, puisque à ce que je sache, elle n’est pas dans ma tête, et ne sait aucunement comment se sont déroulés les dix dernières années pour moi, donc elle devrait peut-être arrêter de sauter aux conclusions pour rien. « Ça m’intéresse. » J’annonce fermement. Alors elle va me répondre, ou simplement continuer à me faire chier ? Parce que si ça continue comme ça, je vais simplement foutre le camps de la terrasse et la laisser seule dans son coin. « Mais si tu veux tout savoir, maman, elle, elle ne s’est jamais remise de…de tout ça. Et papa…Il a sa nouvelle famille maintenant. » Je suis déchiré par deux sortes d’émotions. La douleur d’apprendre que ma mère ne s’en est jamais remise. Oui, à ça, je me sens coupable, puisque jamais, jamais je n’ai voulu faire de mal à cette femme que j’aime plus que tout. Ma mère représente beaucoup pour moi, et entendre qu’elle ne va pas bien, même après tout ce temps, me déchire un peu plus. Puis il y a la colère de savoir que mon père l’a abandonné. Comme j’ai pu le faire, dans un sens. Je ne suis pas mieux que lui finalement. « Il l’a quitté ? Le con. » Je sais, je suis mal placé pour dire ça, mais je suis incapable de garder en moi les émotions qui me traverse. Amy reprend la parole, parlant encore de notre mère. Et ça me tue un peu plus. J’essaie de ne pas démontrer à quel point ça m’atteint, mais c’est de plus en plus dure. Cette carapace, que je me suis forgé avec les années s’est fissurée au moment où mon regard a croisé celui d’Amy. « Pourquoi ? Pourquoi…Même pas un coup de téléphone, rien. C’était trop demandé un p’tain coup de téléphone ? Ou même une carte postale ? Benjamin…Pourquoi ? » Je la regarde pleurer, puis tourne finalement la tête, ne pouvant pas faire face à tout ça. Même si je lui explique, elle ne comprendra pas. Elle ne voudra pas comprendre. « Je n’y arrivais pas. » C’est si simple et tellement compliqué à la fois. « C’était trop dure... Je ne pouvais pas... Je ne voulais pas. Votre jugement, je le ressentais jusqu’au fin fond de l’Amazonie. Alors pourquoi vous écrire lorsque je savais que malgré tout, je n’aurais le droit qu’à des reproches... » Et qu’elle ne vienne pas me dire le contraire. Et puis, ce n’est pas seulement une question de reproche. C’est plus profond que ça. « Et les années ont passé... Et... » Et ça m’est devenu impossible. C’était ma vie d’avant.

« Ça m’intéresse. » Cela saute aux yeux. « T’as une drôle façon de le montrer. » Ça l’intéresse tellement que jusqu’à maintenant il ne savait même pas s’ils étaient toujours en vie ou non. Clairement l’attitude de quelqu’un qui s’en préoccupe. Parce qu’à défaut de montrer sa gueule et donner un signe de vie, il aurait pu discrètement se renseigner sur nous sans qu’on le sache, mais au vu de ses réactions, il est clair que non. Quand il est parti, il a laissé toute sa vie derrière lui, sans se retourner. « Il l’a quitté ? Le con. » Comment ose t’il ? « La ferme. T’as perdu le droit de l’insulter au moment ou t’as décidé de le rayer de ta vie. » D’autant qu’il est très mal placé pour dire des choses pareilles. Mais alors très très mal. « D’autant que tu ne connais pas les circonstances. » Moi qui défends mon père, on aura tout vu. Dans le fond, même si j’ai envie de le détester pour avoir quitté maman, et refait sa vie, je ne peux pas. Peut-on lui en vouloir de chercher à tourner la page ? D’avancer ? Même si oui je lui en veux, je lui en veux d’avoir réussi et pas nous. Jalouse quelque part ? Possible. Je ne sais pas comment il fait. Il est clairement plus fort. Alors que regardez-moi… Voilà que je pleure, alors que je voulais me l’interdire. Pas face à lui, il ne le mérite pas. Mais c’est plus fort que moi. Je cherche à comprendre pourquoi. Pourquoi il a agit comme ça. Même si la réponse est plus qu’évidente : c’est un lâche. « Je n’y arrivais pas.  C’était trop dure... Je ne pouvais pas... Je ne voulais pas. Votre jugement, je le ressentais jusqu’au fin fond de l’Amazonie. Alors pourquoi vous écrire lorsque je savais que malgré tout, je n’aurais le droit qu’à des reproches... » Trop dur pour lui le pauvre chou. Et nous dans tout ça ? Il y a pensé à nous ? A l’impact que ça allait avoir sur nos vies ? Au lieu de tout mettre en œuvre pour tenter de se racheter, il se barre, laissant le chaos derrière. Et à nous de tenter de recoller les morceaux. « Et alors quoi ? C’était trop dur pour toi, alors ça te donnait le droit de te tirer comme un voleur ? » Non. « On aurait pu dépasser ça…avec le temps… » J’en suis persuadée. Mais il ne nous en a pas laissé l’occasion. «  Mais toi au lieu de ça, t’as préféré choisir la solution de facilité. La fuite. Puisque tout ce qui compte, c’est ton bien être. Tes sentiments. Alors en effet, pourquoi nous écrire hein…» On ne compte pas. C’est plus important qu’il n’ait pas à subir le moindre reproche. Oui c’est mieux. Et pendant ce temps, peut importe si on souffre durant le process. C’est très secondaire. D'ailleurs il doit se dire que je lui donne raison là, justement en lui faisant des reproches. « Alors la rancœur n’a fait que grandir, grandir…pour qu’aujourd’hui… » Je te hais de tout mon être.