J'avais donc décidé, sans grande surprise, de confirmer mon buzz. Pas que je sois sûr de moi, à vrai dire je ne l'étais pas du tout, mais parce que je me connaissais, je savais que si je ne confirmais pas j'allais regretter ensuite, et me demander pendant cent sept ans si j'aurais du ou non. Et comme on ne savait jamais si une autre occasion se représenterait avant, remettre ça à plus tard était ridicule ... Imaginez que je tâte de la roulette la semaine prochaine et que je perde l'intégralité de ma cagnotte ? J'aurais l'air malin, hm. Une heure avant le prime, Cupidon nous avait donc à nouveau convoqués dans la salle de réception, histoire que je vois enfin si j'étais à côté de la plaque ou non. J'attendais Amy et Benjamin, j'avais pas envie que tout cela s'éternise ... Pour eux surtout, je veux dire. Enfin Cupidon m'indiqua que c'était à moi de parler, alors sans réfléchir j'avais ressorti mot pour mot la même théorie que pendant la confrontation « Je pense que Amy et Benjamin sont responsables, ou au moins se sentent responsables, de la mort de leur sœur, et que c'est ce qui a fait éclater leur famille. » Ça passe ou ça casse comme on dit, et vu la teneur de mon intitulé j'espérais presque pour eux que j'avais tort.

Maxence a confirmé son buzz. Cela ne m’étonne guère, vu le déroulement de la confrontation, l’issue ne pouvait être que celle là. On ne peut pas laisser mon secret tranquille ? Merde à la fin. Bon au moins c’est Maxence, si quelqu’un doit le trouver, ça me dérangerait moins que ça soit lui. Vaut mieux lui qu’Apolline. Le timing par contre est pourri. Je suis en pleine préparation pour le prime, fuck. Je ne vais pas me pointer en sous-vêtements, alors j’enfile rapidement un jogging. Je suis un peu stressée je dois l’avouer, alors je sors me griller une clope d’abord. Puis je me rends dans la salle de réception. Je m’installe, et attends que Maxence annonce la couleur. Pas de surprise, je sais ce qu’il va dire. Ma jambe droite n’arrête pas de sautiller. Je regarde Benjamin. Je décide de prendre la parole la première. « Ce n’est pas mon secret. » Et c’est tout ce que j’ai à dire. Je peux partir maintenant ? S’il vous plait…Pourtant je reste, attendant la réponse de mon cher frère.

Maxence à confirmer son buzz. Ça ne m’étonne pas vraiment, vu qu’il ne nous a posé aucune question lors de la confrontation, son choix étant déjà fait de toute façon. Je me rend, sans grand enthousiasme en direction de la salle de réception, regardant Amy qui est déjà présente sur place, ainsi que Maxence et les autres candidats. Les battements de mon cœur accélèrent, alors que j’ai soudainement chaud. Je ne me sens pas très bien. Et ce n’est pas un retour en force de la fièvre. C’est plutôt que je sais exactement ce qui se passera ici, en ce moment. Et voilà. Le candidat émet sa théorie, mais je ne le regarde même pas. Mes yeux sont fixés sur Amy. La mâchoire serrée, je me concentre à rester calme, alors que l’entendre dire à nouveau que je suis responsable de la mort de ma sœur résonne à mes oreilles. Encore et encore. Amy prend la parole, annonçant que ce n’est pas son secret. Je baisse les yeux, fixant le sol, alors que je sens maintenant tous les regards sur moi. Mais je reste muet. Incapable de prononcer un son. Les secondes passes, puis… « Je… oui. C’est… » Ma voix rauque s’entend à peine, alors que je me sens trembler de tout mon corps. « Je suis responsable, en partie et bien malgré moi, de l’assassinat de ma sœur. » Les yeux vitreux, je pose finalement à nouveau mon regard sur Amy. L’avouer à haute voix, comme ça, devant tout le monde… C’est encore plus difficile que je ne l’aurais cru. « Rosalie… Ma petite Rosie… » C’est aussi la première fois que je prononce son prénom en dix ans. Je laisse le silence envahir à nouveau la pièce, ne sachant pas ce que je dois faire, ce que je dois dire de plus. J’ai vraiment besoin d’air en ce moment. « C’est tout ce que je peux vous dire. » Puisque le secret d’Amy n’est pas dévoilé, je ne peux en dire plus. Et ce n’est pas comme si j’avais envie d’en dire plus. Je me lève donc, oubliant que c’est l’heure du prime, et me dirige vers l’extérieur, en passant devant Maxence. « Bravo. » Je ne suis pas sincère en le félicitant, mes larmes se bousculant dans mes yeux pour venir s’écraser contre mes joues. Et je sors, sans me retourner, alors que je me doute qu’Amy aurait peut-être besoin de moi. Mais je m’en sens incapable.