Je n'aurais pas dû choisir cette tenue. Définitivement ce n'est pas moi. Je ne dis pas que je ne suis pas une fille qui porte des robes. Car j'en porte. Je suis d'ailleurs bien obligé de le faire. Car tant bien même nous sommes au XXIè siècle, une fille qui ose se vêtir que de pantalon est catalogué garçon manqué... ou tout du moins recevra au moins une fois dans sa vie cette remarque sensible et pertinente : « Tu ne veux pas être un peu plus féminine ? » Et c'est dans ce genre de moment qu'on se dit que l'homme descend véritablement du singe et que nous n'avons rien à lui envier. Et encore c'est méchant envers l'hominoïde car il n'a rien demandé dans l'histoire. Je retire donc mes propos et revient à mon problème interne. Je ne vais pas en faire une montagne, car je ne suis clairement pas là pour ça... Mais je sais que le fait de sentir cette sensation ne va que s'accentuer jusqu'à me rendre folle. Il faut que je m'occupe en attendant mon tour. Quelle activité puis-je bien trouver... Observer mon entourage ? Pourquoi pas. De toute façon, si je suis prise, je vais bien devoir en côtoyer quelques-uns. Ils vont même devenir mes colocataires. N'allons tout de même pas trop vite en besogne. Jouons d'abord les observateurs et voir comment ils s'occupent. Leur comportement m'amuse. Bien que ma matière soit les sciences naturelles et non le comportement humain, j'aime penser que les êtres humains ne sont rien d'autre que des animaux. Certes plus civilisés et encore cela dépend de qui on parle. Un exemple ? Tout de suite ! Celui qui sans déposer une petite pièce dans la fente, pense naïvement faire tomber quelque chose en tapant dessus. Si ça ce n'est pas un comportement animal. Je détourne mon regard pour croiser rapidement celui du jeune femme. Qui baisse le sien aussi vite que l'éclair. Plonge sa tête dans son magazine. Je me tords le cou pour y découvrir l'intitulé. Quelle surprise lorsque je vois Sciences. Je n'y aurais jamais pensé. Je m'allonge presque sur les chaises pour y lire l'un des slogans qui se trouve être une question qui m'interpelle de suite :De combien peut-on prolonger la vie humaine ? . Ma curiosité piquée à vif je me relève, droite comme un piquet. Ne pas penser à ça. Bonnes manières. J'ai beau essayer de me convaincre que j'y arrive, mais que nenni. Mes mains ont déjà commencé le travail. Elles fouillent dans mon gros sac de voyage pour récupérer un grand carnet de croquis qui me sert à calculer, réfléchir, élucider des problèmes. Avant de refermer la fermeture éclair elles attrapent un marqueur noir, présent dans une poche intérieure. Elles referment le tout. Mon pied commence à tapoter sur le sol. Signe de stress, signe d'impatience. Mais qu'est-ce qu'elle est lente. Moi qui commençais à l'apprécier, voilà que je commençais à la mépriser. Un homard. Deux homard. Trois homard... Quatre Homard... Oh merde. Je me lève de mon siège, me dirige dans sa direction. Arrivée devant elle je lui arrache des mains le magazine, découvrant au même moment la supercherie. Ce magazine en cache un autre. Un Vanity Fair. « Vous n'allez pas en avoir besoin donc. » Pas de merci, pas d'excuse. Pas le temps. Il me faut régler cette équation. Je le dépose alors sur ma chaise, l'ouvre à la page désirée. Je m'assois par terre, prépare mes écouteurs, installe mon casque sur les oreilles. Appuie sur play, le stylo dans la bouche. All StarsSmash Mouth débute. Mon cerveau est en ébullition. Voilà que je commence à annoter des formules, des idées, des schémas. C'est comme si je suis dans un autre-espace temps. Dans ces moments-là je n'ai pas conscience de l'entourage extérieur, de ce qui s'y passe. Prise par la musique, prise par la frénésie des maths, me voilà dans mon monde. Ce n'est que lorsque j'aperçois une main rentrant dans mon champ de vision que mon regard change. Je déteste quand on fait ça. Je laisse passer quelques secondes avant de retirer mon casque, de relever la tête et de regarder le spécimen dérangeant. "Oui?"