BRANCA

La cantine, certainement un des endroits qui me faisait le plus horreur lorsque j'étais gosse. C'est très certainement pour cette raison que je m'amusais à la sécher, rentrant directement chez moi entre les cours. J'étais de ces gosses qui avaient la chance d'habiter à deux rues de leurs écoles, de ces gosses que leurs parents nourrissent bien malgré eux. Je ne parle jamais de mes parents, parce que personne n'a besoin de s'avoir. Parce que personne n'a besoin de connaitre ma vie privée. Je ne suis pas là pour raconter ma vie, non, je ne suis pas en rehab, je n'ai d'ailleurs aucune addiction à noter, du moins jusqu'à ce jour. La cigarette n'en étant pas une à mes yeux. Je pourrais arrêter si l'envie me prenait, je n'y étais pas attaché, seulement voilà, je ne voulais pas, préférant voir crever mes poumons miette par miette, trouvant cette idée bien plus plaisante. Chacun doit mourir de quelque chose, et parfois, je me dis que mourir de vieillesse est quelque chose de bien trop banal, et je suis quelqu'un de bien trop banal pour oser mettre fin à mes jours. Je n'en serais pas capable, ce n'est simplement pas en moi. Alors, je me contente de fumer, comme à cet instant précis, à l'intérieur d'un lieu public. Que ce soit autorisé ou non, ça, je n'en ai pas grand chose à faire. Chaque jour, plus d'un millier de personnes aspire les gaz toxiques produits en trop grande quantité par des usines, chaque jour, la planète en souffre. Alors ma clope contre toutes les autres, peu importe. Je parcoure le lieu qui nous sert de cuisine, Branca se tient non loin de moi. Et puis... « J'm'emmerde... » oui, absolue vérité « Jette de la bouffe par terre et roule toi dedans. » lâchais-je alors, totalement innocent « Si t'es sage, je le ferai également. »

Bien entendu, il était certain que la jeune femme n'allait pas executer l'action, ou alors, c'est qu'elle était bien plus manipulable que je ne l'aurais pensé. Et puis rien que de l'imaginer se rouler dans ce genre de... mélange, ne me donnait que l'envie imminente de déglutir. Non pas qu'elle n'était pas attirante, non, bien au contraire, juste que la bouffe n'avait jamais été mon trip, et que la gaspiller ne m'enchantait pas particulièrement, qu'on se le dise. « Vraiment ? T'as rien trouvé de mieux ? C'est ça ton fantasme ultime ? Une meuf qui se roule dans de la bouffe ? Jsuis déçue. » un léger sourire s'esquissa alors sur mes lèvres. Mon fantasme ? Mes yeux se posèrent alors sur la jeune femme, une expression amusée trônant sur mon visage. « Mais qui te dit que tu es comprise dans un de mes quelconques fantasmes ? » bien entendu, c'était une nouvelle fois plus de la provocation qu'autre chose. Non, la vérité était que je ne comptais pas donner d'ordre à la jeune femme, tout simplement parce que la considérer comme une esclave ne me plaisait pas, et que malgré tout, malgré moi, j'avais bien mieux à faire. « Cependant, tu ne peux pas me contre dire sur le fait que, toi, te roulant dans un garde manger, ne te rendrais que plus appétissante. » là, un rire franc s'échappa de mes lèvres. Quelle horreur. « Non, à vrai dire je me suis dit que te donner des ordres serait bien trop simple. Après tout, on sait tout les deux que mission de Cupidon ou pas, tout ce que je dis, tu l'exécuterais à la seconde même. » Bah voyons. Sourire narquois. « Cependant, je ne serais pas contre un sandwich. Comme le tien, la semaine passée. Si soudainement, l'envie d'en faire un te prend. » ouais enfin, je ne proposais pas, vous vous doutez bien.

« J'ai pas dit que j'étais comprise dedans, j'ai parlé en général. » bien sûr que non, sinon elle aurait perdu tout cette image de femme rebelle qu'elle entretenait avec soin. Moi, je trouvais ça simplement drôle. Oui, une image qui lui collait à la peau, alors la voir s'activer la tâche et me faire un sandwich... oui, je trouvais cela amusant. De quoi la chambrer un peu plus. « C'est vrai, je suis tellement soumise comme fille, j'obéis toujours aux moindres désirs du sexe masculin, c'est bien connu. » « Si tu l'avoues, alors... » faute avouée, à moitié pardonnée, c'était ça le speech non ? Ouais. Et donc, de toute façon, et ce même si j'avais bel et bien cerné la touche d'humour, d'ironie dans sa phrase, choisissait de lui répondre tout de même. Oui, peut-être juste pour l'agacer un peu plus, allez savoir. Elle me tend une assiette, j'en suppose donc qu'il s'agit du fameux sandwich. Elle se retourne d'ailleurs aussitôt pour certainement s'en faire un second. Attendez... je venais réellement de lui piquer son premier ? Comptait-elle en manger deux ? La prise de poids dans des jeux télé réalités tels que celle ci serait donc réelle... A méditer. « J'espère que t'aimes la mayonnaise. » « Moyen. » dis-je en haussant les épaules, tournant et retournant le sandwich. « Mais puisqu'il a été fait avec amour, et d'autant plus par ta personne, je pense pouvoir faire un effort. »