almost tea time
ft. Lou & Andreja

Bien qu'Andreja ait depuis un certain temps perdu l'habitude d'en avoir, des habitudes, il devait bien avouer qu'il était assez facile de céder à la tentation de se créer ses petits rituels en étant ainsi enfermé dans un espace clos. Les deux, trois premiers jours lui avait servi à explorer les lieux du sol au plafond, mais maintenant que c'était fait et qu'il estimait pouvoir se repérer sans trop de mal, il remarquait adopter malgré lui quelques petites habitudes. Il se levait presque tout le temps à la même heure sans avoir besoin de réveil, filait au stade courir ses cinq kilomètres matinaux, squattait la douche des vestiaires plutôt que la salle de bain parce qu'on n'y était moins souvent dérangé, revenait à la cuisine pour engloutir une ou deux tasses de thé noir et remontait jusqu'à sa chambre pour y récupérer son dictionnaire de poche. Emil le lui avait filé juste avant que la production fasse rentrer Andreja, et si le blond ne savait pas trop si c'était un cadeau sérieux ou simplement une boutade, il n'empêche que cela se révélait être bien pratique, depuis le début de la semaine. Tant pis si cela devait lui donner l'air d'un débile, de s'arrêter au milieu d'une phrase pour feuilleter le dictionnaire, c'était toujours mieux que de ne pas pouvoir exprimer le fond de sa pensée parce qu'il était à cours de vocabulaire. Bref, si sa matinée était bien rodée désormais, l'après-midi elle restait un vide à combler, chose à laquelle il s'attelait tant bien que mal ... Il y avait trop à faire ici pour qu'il ne commence déjà à s'ennuyer. Et même en ce début de soirée par exemple, il ne s'ennuyait pas vraiment. Quand on buvait on ne s'ennuyait pas, et justement c'était ainsi que le jeune homme occupait son temps depuis vingt bonnes minutes. Confortablement installé dans un des fauteuils du salon, il faisait tourner d'un air pensif la tasse de thé qu'il tenait entre ses doigts, et n'avait relevé la tête qu'en remarquant l'arrivée de quelqu'un dans sa vision périphérique. C'était le marin des castings, le Aladdin, celui dont Andreja n'avait certes pas encore retenu le prénom, mais pas oublié pour autant sa courte entrevue. « Tu boire le thé avec moi ? » avait-il alors proposé au candidat d'un air calme, levant légèrement sa propre tasse comme pour appuyer son propos. Il était pourtant un petit peu tard pour le tea time, on en conviendra, mais à horaire incongru thé incongru également, et après une ou deux secondes Andreja avait ajouté tout en esquissant un sourire amusé « Et si je dire thé ... C'est que je décider de boire whisky, dans tasse à thé. » Parce qu'il était disons un peu trop tard pour le thé, mais un peu trop tôt pour le Whisky. Du moins dans l'opinion commune, parce qu'aux yeux d'Andreja il n'était jamais trop tôt pour un whisky. Ou une vodka, mais en l'occurrence il s'agissait de whisky, là.

Je me plaisais ici. J’aimais le fait d’être dans un endroit que je ne connaissais pas, entouré de personnes que je ne connaissais pas. Beaucoup me prendrait pour un psychopathe si je leur disais ça, j’en doutais pas. Mais je m’en fichais pas mal, à vrai dire. J’aimais la nouveauté. En fait, je vivais pour la nouveauté. Et c’était bien pour ça que je n’arrivais pas à rester dans un même endroit trop longtemps, ou avec les mêmes personnes. J’avais tout simplement la bougotte. Mais je préférais appeler ça la soif de vivre, le désir d’apprendre. C’était moins péjoratif, non ? En ce début de soirée, après avoir pris ma douche, je finis par me rendre dans le salon sans encore savoir ce que j’allais y faire. Et voilà que je tombe sur l’enfant perdu. Ah, il m’avait manqué celui là. Notre entrevue avait été brève et pourtant il avait réussi à attiser ma curiosité. Je le trouvais intéressant sans même le connaître, c’était assez bizarre mais je n’y pouvais rien. Je pouvais tout simplement dire que j’avais le sentiment que j’allais bien m’entendre avec ce candidat. Après, peut-être que mon instinct me faisait faux bond, mais j’en doutais fortement. Je ne peux pas m’empêcher de rire aux paroles du candidat. Du whisky dans une tasse de thé, c’était malin. « Alors l’enfant perdu n’a rien d’un enfant à ce que je vois. » Je dis en souriant, amusé. « Mais avec plaisir, je ne dis jamais non à du whisky. » Oui, bon, c’était relatif… Je n’allais pas non plus en boire pour mon petit déjeuner. Je me sers alors un verre et emportant la bouteille à mes côtés, et je m’assois près de lui. Je lève alors mon verre pour trinquer. « A l’aventure ! » Oh oui, l’aventure, jamais ça. Je bois alors cul sec, c’était toujours un mauvais réflexe que j’avais : je buvais toujours l’alcool d’une seule traite. Ce qui faisait que ça montait vite à la tête, hm. Je pose alors mon regard sur le blondinet. « Je m’appelle Lou, en fait. » Je précise en souriant, ne me rappelant même plus si nous nous étions réellement présentés. J’avais une vague idée de son prénom, mais ayant trop peur de me tromper, je préférais qu’il me le répète tout de même.

Il ne s'était pas vraiment installé ici dans le but de s'isoler, mais il avait eu durant la dernière demi-heure eu l'occasion de se rendre compte que le salon n'était assurément pas la pièce la plus prisée du nid. D'un autre côté, lui-même n'y avait pas vraiment passé plus de quelques instants à chaque fois qu'il avait mis les pieds ici depuis le début de la semaine ; Il y avait tellement à explorer ailleurs, et il faisait tellement beau dehors, cela ne donnait pas envie de venir se morfondre ici. Et pourtant il était là en cette fin d'après-midi, et la bouteille de Whisky qu'il avait dégoté dans le mini-bar n'y était probablement pas pour rien. Et si boire seul ne lui posait pas non plus vraiment de souci, il n'avait pas eu à réfléchir longtemps avant de proposer au barbu de se joindre à lui lorsqu'il avait passé la porte de la pièce. Histoire de le convaincre totalement il avait même révélé sa supercherie et avoué verser du whisky dans sa tasse à thé pour ne pas attirer l'attention ... C'est qu'il n'avait pas forcément envie de le partager avec tout le monde, ce whisky. « Alors l’enfant perdu n’a rien d’un enfant à ce que je vois. Mais avec plaisir, je ne dis jamais non à du whisky. » Andreja avait esquissé un sourire amusé, tout en suivant son interlocuteur des yeux tandis qu'il se saisissait de la bouteille pour s'en verser un verre, et venir s'asseoir dans le fauteuil à côté du sien. « Lui avoir été un jour. Mais il y a longtemps. » Parce que le temps passait, et qu'il y avait bien longtemps qu'il n'avait plus eu l'occasion de se comporter autrement qu'en adulte. Peut-être que cela venait du fait de sortir d'une famille nombreuse, peut-être que c'était autre chose. En revanche s'il n'était plus un enfant, l'adjectif "perdu" s'appliquait sans doute encore un peu à lui, mais cela n'était pas bien dur à voir, il continuait à rester perplexe devant certains mots ou certaines habitudes américaines. Son verre plein, le brun l'avait levé dans la direction d'Andreja, qui du coup en avait fait de même avec sa tasse « A l’aventure ! » Faisant teinter sa tasse contre le verre du jeune homme le blond avait répondu « Nazdravlje ! » du même ton, avant de porter sa boisson à ses lèvres et de boire ce qu'il lui en restait. C'est à dire pas grand-chose. Quant à son acolyte de toute évidence il avait une grosse soif, puisqu'il avait vidé son verre sans même prendre le temps de respirer entre deux gorgées. Son verre vide cependant il avait repris d'un ton calme « Je m’appelle Lou, en fait. » Lou. C'était mignon ; Ce n'était pas forcément le qualificatif qui venait en premier à l'esprit en posant les yeux sur le jeune homme pourtant, alors disons que le prénom contrastait un peu. Mais ce n'était pas inintéressant, et surtout au même titre qu'Andreja se satisfaisait d'avoir dégoté une partenaire au nom simple à retenir, il savait qu'il n'aurait pas de mal à retenir et à prononcer celui de Lou. « Andreja. » avait-il en tout cas répondu, parce que lorsque la personne en face se présentait la moindre des choses était encore d'en faire autant. Attrapant de nouveau la bouteille de whisky il avait rempli le verre de Lou avant de remplir également sa tasse. Au pire qu'est-ce que c'était qu'un verre de trop ? Ils n'avaient rien d'autre à faire, et le seul moyen de prendre le volant c'était de faire un tour en karting. « Et tu venir d'où ... Lou ? » Il buttait toujours un peu sur les prénoms, le temps d'adaptation sans doute. « Je savoir que je toi reverrai. » Ne serait-ce que parce que si Andreja n'avait pas été sélectionné il n'aurait pas pu s'empêcher de zapper sur l'émission au moins une fois ou deux pour voir lesquelles des personnes qu'il avait croisé vaguement durant les castings avaient réussi à se hisser jusque dans l'émission.

« Il y a bien un moment où il faut grandir. » Assurément, et sur de nombreux points il était bien plus à son aise maintenant que plus jeune, même s'il préfèrerait pouvoir se sentir mieux dans son pays plutôt que dans un pays inconnu. Mais il avait choisi au fond, alors il ne pouvait pas se plaindre. Il avait en tout cas fini par se présenter, puisque Lou venait de le faire, et le répétant « Andreja. » comme pour l'assimiler le concerné pu se rendre compte qu'il le prononçait mieux que la plupart des autres candidats à qui il avait eu l'occasion de se présenter. C'était d'autant plus amusant de le voir ensuite essayer de répéter « Nazdramachinchouette » avec un peu moins de succès cette fois-ci il faut bien le dire. Cela restait tout de même amusant de le voir galérer comme Andreja pouvait le faire quotidiennement lorsque quelqu'un avait la bonne idée - volontairement ou non - de lui balancer un mot trop long ou trop compliqué pour ses capacités actuelles. « Presque. » avait-il simplement commenté d'un ton amusé tout en portant sa tasse à ses lèvres. Il n'avait pas prévu d'en boire plus d'une à la base, deux éventuellement, mais maintenant qu'il avait quelqu'un avec qui boire il était difficile de dire où il s'arrêterait si Lou avait l'idée de le suivre dans sa consommation ... Certains diraient qu'il était un peu tôt pour s'enfiler ainsi plusieurs verres, mais quelle importance ? Faisant preuve de curiosité il avait demandé au brun d'où il venait « L’Espagne. Je suis né en Espagne. Mais je suis parti dès que j’ai pu. » Dès qu'il avait pu ? Cela sonnait un peu comme quelqu'un qui voulait se débarrasser de quelque chose. « Fuir ? » C'était sorti tout seul, comme souvent chez Andreja puisqu'il était fréquent qu'il parle sans réfléchir. Se mordant la lèvre il avait rajouté précipitamment « Pardon, tu pas devoir répondre. » Après tout quand bien même il s'agissait effectivement d'un désir de fuite quelque chose cela ne regardait que Lou, et personne d'autre. Se sentant soudainement stupide de sa réflexion le blond avait sauté sur l'occasion lorsque Lou lui avait demandé « Et toi ? » et dodelinant machinalement sa tête il avait répondu d'un air vague « Bosna, Sarajevo. Mais je être serbe. » Il se sentait toujours obligé de le préciser, question de principe, vieille habitude inhérente au fait de faire partie d'une minorité dans un pays. « Mais je habiter Chicago maintenant, pour travail. » Et c'était peu que de dire qu'il avait un peu le mal du pays, même si là encore il ne pouvait s'en prendre qu'à lui-même. Buvant une nouvelle gorgée de Whisky il avait alors fait un commentaire quant au fait qu'il n'avait jamais vraiment douté du fait que Lou se retrouverait dans ce nid ; Ils ne s'étaient que vaguement croisés lors des castings, mais il avait déjà tout l'air d'un type qui attirait la curiosité, et la production se serait très certainement privé d'un élément intéressant. « Ah oui ? De toute manière ils étaient obligés de nous prendre, ils auraient tout raté sinon. » Andreja avait laissé échapper un éclat de rire, avant de tendre la main vers la bouteille pour que Lou la lui tende après s'être resservi « Nous louper des choses aussi. Enfin, je jamais venu en Australie avant, alors ... » Alors cela lui ferait au moins ça, même s'il devait être éliminé rapidement il aurait eu l'occasion de visiter une partie du globe dans laquelle il ne remettrai peut-être plus jamais les pieds ensuite, c'était déjà beaucoup. « Tu déjà venir ici ? » Et par ici il faisait toujours référence à l'Australie, donc. Puisqu'il avait vaguement cru comprendre que Lou était du genre à avoir la bougeotte et à avoir un peu voyagé. Tâchant de boire sa tasse à nouveau pleine de manière un peu moins rapide, il avait reposé les yeux sur le brun tandis que ce dernier lui demandait finalement « Alors, dis-moi Andreja, pourquoi t’es là ? » Il avait gardé le silence quelques instants. Pas parce qu'il n'avait pas compris la question, mais parce qu'il réfléchissait à une réponse ; C'était un peu confus à vrai dire, il ne savait pas vraiment comment expliquer ses motivations. « Une personne me parler de l'émission, je jamais vu avant. Mais, hm ... Elle parler de passer le casting et je, hm, je être curieux, je pense. Et puis je apprendre anglais plus vite, comme ça ... peut-être. » Ce n'était pas la seule de ses motivations bien sûr, mais le fait était qu'il progresserait sans doute plus vite ici entouré de personnes qui ne parlaient qu'anglais, qu'entouré de ses collègues avec lesquels il ne parlait que serbe, et ce malgré le fait qu'ils se trouvent en territoire américain. Ce qui était certain en tout cas c'était que sans Jessica il n'aurait jamais entendu parler de cette émission, ce n'était pas vraiment le genre de programme dont il se délectait en tant que spectateur. « Et toi ? Tu ici pour raison en particulière ? » A moins qu'il ne soit ici par simple curiosité, lui aussi. Il avait chaud, d'un coup, comme si ce whisky commençait à lui monter à la tête. Il avait un verre d'avance sur Lou en plus de ça, et l'estomac pas beaucoup plus rempli sans doute.

La question lui avait échappé sans qu'il ne réfléchisse, parce qu'il avait cette fâcheuse tendance à parler avant de penser, au lieu de tourner sept fois sa langue dans sa bouche comme on le lui répétait pourtant régulièrement. Heureusement pour lui Lou ne sembla pas s'en vexer et même lui donna une réponse quand pourtant Andreja avait rajouté précipitamment qu'il n'était absolument pas forcé de le faire. « Non, pas vraiment. Je suis parti parce que je voulais absolument faire mes études en France, à Paris … Et puis je me suis lassé de Paris, et j’ai décidé de tout laisser tomber et de partir en mer. » Oui donc en réalité, c'était surtout que la bougeotte semblait être un syndrome que Lou avait choppé un il y a un bon moment, peut-être même que cela avait toujours fait partie de lui. C'était un peu difficile à envisager pour Andreja, sans mais doute parce que lui avait toujours été très attaché à son pays et à sa vie là-bas. « Mais la deuxième fois que je suis parti de l’Espagne, par contre, j’ai effectivement fui. » avait pourtant ajouté le bras alors que serbe ne s'y attendait pas. Posant son regard sur lui sans rien dire il attendait de voir s'il développerait ce qu'il venait de dire ou non ; Lui se mordait presque la langue pour s'empêcher d'être trop curieux. « Je savais que je n’allais pas être un bon père pour ma petite fille, alors je suis parti. » C'était inattendu, c'est le moins que l'on puisse dire. Et peut-être parce qu'il restait toujours silencieux Lou s'était alors exclamé « Ohw, tu dois trouver que je suis horrible. » Horrible ? Non, pas vraiment. Il n'allait pas lui faire croire qu'il approuvait mais au fond ce n'était pas à lui de porter un jugement, et surtout Lou n'avait pas l'air d'être du genre bouffon au cœur de pierre, alors il avait peut-être ses raisons. « Mais t’inquiète pas, elle est mieux sans moi, et je lui rends visite dès que je peux. C’est la petite fille la plus mignonne de la terre, tu la verrais ! » Mieux sans lui ça cela restait à prouver, jusqu'à preuve du contraire il n'y avait que la gamine qui puisse dire cela de manière définitive « Elle avoir quel âge ? » avait-il simplement demandé d'une voix douce « Ça pas te manquer ... ? De la voir pas devenir grande ? » C'était tout ce qu'il se demandait, lui. Il avait déjà avoué à Lou posséder un certain sens de la famille, durant les castings, alors il avait un peu de mal à assimiler qu'on puisse vouloir, par choix, s'éloigner de sa famille. « Peut-être elle te en vouloir, un jour. » Oops. Il était vraiment nécessaire qu'il apprenne à se taire, mais c'était d'autant plus difficile maintenant que le Whisky commençait à faire son petit effet. Conscient qu'il dépassait les bornes Andreja avait retrouvé le silence et trempé ses lèvres dans sa tasse, terminant ce qui restait d'alcool au fond. Il était maintenant question de ses origines à lui « Je ne suis jamais allé en Bosnie, ni en Serbie… J’ai pas fait beaucoup de pays de l’Est en fait, c’est triste ! Tu te plais aux États-Unis ? Ça doit faire un grand changement pour toi. Ça te manque pas chez toi ? » Il était resté silencieux un moment. Est-ce qu'il se plaisait aux États-Unis ? S'il était totalement honnête non, il ne s'y plaisait pas, il s'y sentait en décalage ... Il aimait se rappeler que c'était temporaire. « Oui. Mon ancien travail, et famille aussi, ça me manque. » Il avait soupiré légèrement, son sentiment de nostalgie très certainement exacerbé par l'alcool. « Mais je jamais partir de Sarajevo avant, alors peut-être c'est bien aussi ... C'est, hm, richissant. » Oui bon, c'était presque ça, il avait entendu quelqu'un dire ça et il lui semblait que cela collait au contexte. Il n'avait jamais voyagé en tout cas, pas avant de travailler pour un diplomate en tout cas, Lou l'aurait certainement compris maintenant. Mais puisque le marin avait un certain bagage de ce côté-là il lui avait demandé s'il était déjà venu ici, en Australie, parce que pour lui c'était littéralement l'autre bout du monde « J’ai vécu ici quelques mois. Il y a des paysages vraiment sympas. Mais quand tu sortiras, dans longtemps j’espère, il faut AB-SO-LU-MENT que tu passes par la Nouvelle Zélande, tes yeux ne s’en remettront jamais, je te le promets ! » Il avait esquissé un sourire amusé, il ne savait pas trop pourquoi, mais il trouvait la façon dont le garçon se laissait emporter assez amusante, et même presque fascinante ... Il n'était pas certain de pouvoir suivre son conseil en revanche, il était un peu pieds et poings liés, il ne pourrait pas rester ici si son employeur ne lui en laissait pas la possibilité. « Je pense que tu vas vite progresser en anglais ici. Je peux essayer de te donner des cours un peu, si tu veux. » Sa tête avait basculé sur le côté, il avait un peu chaud, il aurait vraiment du manger autre chose qu'une pomme et deux bonbons ce midi. « Tu pouvoir me dire si je fais fautes, des fois. » Pas tout le temps sinon il n'avait pas fini, mais une fois de temps en temps s'il avait envie de le reprendre pour le corriger Andreja ne se vexerai pas. Il avait du apprendre à ne plus le faire ces derniers mois, il avait conscience d'avoir vraiment besoin de s'améliorer « C'est juste quand je travailler je pas besoin faire beaucoup efforts, parce que je travailler avec serbes, et ... » Et donc il ne faisait pas d'efforts, comme il venait de le dire. C'était de sa faute dans un sens, il en avait conscience c'était déjà cela. Abandonnant finalement son verre Lou avait attrapé la bouteille pour y boire directement, et la lui avait tendu ensuite. Hésitant un court instant il avait tendu la main et attrapé la bouteille pour en faire de même ... Que risquaient-ils au pire des cas, si ce n'est ne pas réussir à se lever de leur fauteuil et ricaner comme deux hyènes jusqu'à ce qu'ils s'endorment pour cuver. « Moi, c’est pour vivre une nouvelle aventure. » avait-il par ailleurs confié lorsqu'Andreja lui avait demandé pourquoi il était là. La réponse n'était pas surprenante, elle était même totalement à l'image de l'idée qu'il se faisait de Lou depuis le début « Dis-moi des mots en serbe ! » Sans pouvoir se contrôler Andreja s'était justement mis à ricaner, tout en tendant à nouveau la bouteille à Lou. Pas que la question en elle-même prête à rire, mais il ne pu s'empêcher de lui faire remarquer « Souvent c'est pas dans ce situation, que je avoir cette demande. » Non mais c'est vrai, c'était déjà arrivé qu'une nana ne lui fasse cette requête sans doute un peu grisée par le fait de mélanger ses fluides avec un étranger ... Mais c'était à peu près la seule occasion. Avant Lou, du coup. Mais donc, des lots en serbe ... c'était vague, qu'est-ce qu'il pouvait bien lui raconter,  hm « D'accord, hm .. Nije na vašem stolu, ali u zatvoru da li znaš ko je tvoj prijatelj. » Ça avait l'air barbare comme ça, alors que ça ne l'était même pas vraiment. « Ça être, hm, pas une expression mais ... je sais plus comment on dit.  » Il avait l'air agacé tout à coup, de ne pas trouver le mot qu'il cherchait. C'était un proverbe, c'était ce qu'il cherchait à dire. « Mais ça vouloir dire que ami tu savoir si il être bon pas à table, mais dans prison. Parce que si il venir voir toi dans prison, il venir te voir tout le temps si tu besoin de lui. » Il n'était là encore pas certain que ce qu'il disait avait le moindre sens pour Lou, c'était véritablement agaçant pour lui de se faire aussi mal comprendre.

Et je parle, et je parle, sans m’arrêter, ce qui montre bien que l’alcool a commencé à faire effet. Tant pis pour les oreilles d’Andreja, il n’avait qu’à pas me proposer ce verre. Quelque chose me disait que c’était la première et dernière fois qu’il me demanderait de boire avec lui. Je savais - sans deviner si c’était le cas pour lui aussi - que certaines personnes pouvaient me trouver agaçante lorsque j’avais trop bu. Bon, je n’avais pas non plus vider une bouteille, alors pour l’instant ça allait. Presque. J’en venais tout de même à parler de ma fille, ce qui prouvait tout de même que j’étais loin d’être sobre. « Elle a trois ans. » je réponds en souriant rien qu’en y pensant. Une toute petite fille de trois ans. C’était sûrement la meilleure chose que j’avais jamais accomplie. Et là, il me pose une colle. Est-ce que ça me manquait ? Je ne savais même pas. « J’ai régulièrement des photos, ou des appels… » Je savais que ça ne répondait pas à sa question, mais c’était la meilleure réponse que je pouvais donner en cet instant. Et finalement il me fait une remarque qui me fait taire un instant. Ma petite fille, m’en vouloir. À moi. C’était peut-être idiot, mais je n’avais jamais, mais alors vraiment jamais pensé à cette éventualité. J’étais tellement certain d’avoir fait le bon choix, pour moi comme pour elle, que je ne pensais pas qu’elle puisse m’en vouloir un jour. « Peut-être… mais le jour où elle sera assez grande pour comprendre que j’aurai été un père affreux, elle me remerciera de ne pas lui avoir fait subir ma présence. » J’en étais, certain. Et malheureusement, j’étais têtu, et presque rien ne pourrait me faire croire le contraire. Je savais qu’elle aurait des pères de remplacement, sa mère était toujours à l’affût de quelqu’un pour l’élever avec elle, alors que j’étais tout simplement retourné en mer pour continuer mes découvertes. Et c’est à mon tour de l’écouter, totalement obnubilé par sa réponse. J’avais toujours ce besoin d’assouvir ma curiosité, aussi mal placée soit-elle. Je fronce alors les sourcils à ses paroles, tout simplement parce que son histoire ne me plaît pas. Ce n’était pas une histoire heureuse où il était aller rejoindre un homme et une femme aux USA pour vivre l’american dream et heureux jusqu’à la fin de ses jours. « Alors pourquoi t’es parti ? » Je demande directement, sans prendre des pincettes, sans penser une seule seconde qu’il ne veuille pas me répondre. « Enrichissant. » je répète en souriant avec gentillesse pour le corriger. « C’est peut-être enrichissant, mais si ça ne te plaît pas ça ne sert à rien. » C’était mon point de vu, et je savais que tout le monde ne pouvait pas être d’accord avec moi, bien que je sois persuadé d’avoir raison. J’avais conscience que tout le monde ne pouvait pas faire ce qu’il voulait. Moi, je fuyais mes responsabilités, et je partais à l’autre bout du monde aux grès de mes envies, mais c’était parce que j’avais fait un choix. Le choix de l’indépendance, le choix de rester seul, loin de ma famille, et de mes amis. C’était comme ça. Lui dire s’il faisait des fautes, « des fois ». Ce n’était pas que des fois, qu’il faisait des fautes le pauvre. Je n’allais pas non plus le reprendre à chaque phrase. Je me mordais la joue afin de ne pas faire de remarque, sachant qu’avec tout l’alcool que j’avais dans le sang je serai capable de dire quelque chose de blessant sans même le vouloir. « Je pense qu’il faut seulement que tu apprennes les règles de grammaire, et ça s’arrangera tout seul. » Je commente en hochant la tête. Ouais, la grammaire, la conjugaison, tout ça… Parce qu’il n’avait pas un trop mauvais vocabulaire, au final, lorsqu’on y réfléchissait bien. Et puis j’hoche la tête à son explication. Je comprenais. Moi-même je n’irai pas parler anglais si je restais tout le temps avec des espagnols. Ça paraissait tellement logique. « Tu n’as pas d’amis américains ? » Je demande alors, toujours aussi curieux. « Enfin de toute façon, je suis certain que tu sortiras d’ici bilingue. » Je dis avec un sourire grand comme tout, montrant à quel point je croyais en lui. Oui, j’étais certain qu’il allait progresser. Il avait vraiment pas l’air d’être un homme bête, après tout. Et finalement je me lève du fauteuil pour rester debout en face de lui, la bouteille à la main que je lui tends après avoir bu quelques gorgées. J’ai vraiment la tête qui commence à tourner, et mon corps qui se réchauffe, c’est aussi agréable que déconcertant de ne plus être vraiment maitre de soi-même. Et je ris lorsqu’il me dit que c’est la première fois qu’on lui demande de parler serbe dans une situation comme celle-ci. Oh ouais, j’imaginais bien. « Il faut bien une première fois à tout ! » je ris, alors qu’il finit par dire quelque chose dans sa langue natale. Et là, ma tête change d’expression. On dirait du chinois, mais en plus chinois que du chinois. Oui oui, ça existait, c’était le serbe. « A tes souhaits. » je dis spontanément lorsqu’il a fini sa phrase. Ok, je n’avais rien compris, et ça me paraissait plutôt impossible à prononcé, tout ces sons et mots que je ne connaissais ni d’Eve ni d’Adam. Juste d’Andreja. Trop drôle. Et puis je reste également perplexe à son explication, n’était pas sûr d’en comprendre plus en anglais qu’en serbe… Mes yeux sont plissés, fixant Andreja comme s’il était un extra terrestre. Mais finalement mon cerveau décide de faire les connexions nécessaires au bout de quelques secondes, et je comprends alors le sens de sa phrase. « Ahhh, d’accord ! » je dis comme si tout s’éclairait alors que je bois une gorgée au goulot. « C’est un proverbe. » je lui explique, puisqu’il cherchait le mot quelques secondes auparavant. « dxfumo sdmfusm seposdfumq msodiq » je dis alors super rapidement. « Je prononce ça correctement ? » je dis alors que je rigole d’une manière assez ridicule. La faute à l’alcool. Oui, j’avais effectivement la prétention d’avoir répété ce qu’il venait de me dire en serbe. « No deberías haberme dejado bebo! » je dis alors dans ma langue natale sans même m’en rendre compte. Il y a aussi ce petit problème que j’ai lorsque je bois un peu trop, je n’arrive plus à faire la différence entre l’anglais, l’espagnol et le français. « Si je vomis mes tripes, ça sera de ta faute. » Je dis cette fois-ci en français alors que je prends tout de même deux autres gorgées du whisky, rigolant. « Je t’aime bien, tu sais ! » (retour à l’anglais cette fois) je dis en pinçant ses joues comme s’il était un enfant de cinq ans.