Mon partenaire est peut-être le stéréotype même du candidat qui va faire des ravages physiquement parlant dans la maison, mais il en fait aussi dès le matin. On ne peut pas dire qu’il soit très discret lorsqu’il me balance la couverture dessus et encore moins lorsqu’il pousse un petit grognement en s’étirant. J’me réveille au moindre bruit, c’est peut-être mon instinct maternel qui ressort, et du coup je ne tarde pas à ouvrir un œil, puis l’autre. Je reste immobile un instant. J’me force à garder les yeux fermés pour essayer de replonger dans les bras de Morphée. Rien n’y fait. Je laisse Hadrien finir son petit train et une fois que monsieur daigne enfin sortir de la chambre je ne tarde pas à m’asseoir dans le lit et à regarder tout autour de moi. D’un geste délicat je viens étouffer un bâillement avant de passer une main dans ma crinière de feu et de m’étirer. Les bras vers le plafond je laisse mes muscles se réveiller petit à petit. J’aurais tout donné pour dormir encore quelques minutes de plus. Tant pis. Peut-être demain matin. Moi qui n’aime pas rester à rien faire, je quitte la chambre à mon tour. Il n’y a personne dans les couloirs. C’est bizarre ça. Il fait pourtant jour dehors. On dirait bien que les candidats de cette saison sont des flemmards. Des flemmards qui ne ressentent pas le besoin d’un bon petit déjeuner parce que c’est quand même super important de commencer la journée avec des tartines en tout genre, du café, du jus de fruit et tout le tralala. Qu’on s’le dise à midi ce n’est plus l’heure du petit déjeuner. Du coup ce n’est plus l’heure des viennoiseries et ce n’est pas bon d’en manger à un autre moment de la journée alors il faut se forcer à se lever. Oui j’ai une vision assez étrange des choses. Ce sont sur ses pensées, et d’un pas assez rapide, que j’arrive dans la cuisine et que je tombe nez à nez avec … mon partenaire. Un sourire vient naître sur mes lèvres en même temps que je jette un regard noir au garçon. N’oublions pas qu’il m’a réveillé tout de même. « Reconnais-le, Patrick » Patrick. Quel surnom vraiment nul quand même. « Tu voulais juste me faire peur. » Lui faire peur ? Ce n’est pas dans mes habitudes, mais s’il veut voir la chose ainsi alors que grand bien lui fasse. Je ne saisis pas tout en fait et ça doit se voir quand je fronce très légèrement les sourcils en le dévisageant. « T'as à peine bougé, cette nuit. » Ah, c’est donc de ça qu’il parle. Aussitôt un rictus amusé remplace mon sourire amical sur mon visage. « C’est parce que j’ai peur de te toucher en fait. » Tout en attrapant une pomme qui traîne dans la corbeille à fruit, je m’installe sur l’un des nombreux tabourets. « J’me dis que tu risques de tomber fou amoureux de moi si jamais je viens seulement à te frôler alors j’préfère ne pas trop m’approcher. » Sans même lui adresser un regard je croque dans mon fruit. Bien évidemment je suis en train de le taquiner plus qu’autre chose. D’ailleurs j’me demande bien comment il prend mes propos. « Café ? » En voilà une bonne idée. J’acquiesce d’un petit signe de la tête avant de lui tendre une tasse propre qui se trouve devant moi. « S’il te plait. » La politesse, un point très important à mes yeux. « Et si tu m’en disais un petit peu plus sur toi. » Au final je partage mon lit avec lui mais je ne le connais pas plus que ça. C’est flippant quand on y pense.

« C'est marrant, ça a plutôt eu l'effet inverse sur ton chien, si mes souvenirs sont bons » Oh je vois très bien de ce dont il veut parler. Le tout premier soir, juste après avoir fait nos premiers pas ensemble dans le nid d’amour, Milou s’est enfuit pour se réfugier sous une table. Rien à voir avec moi pourtant, mais j’imagine bien qu’Hadrien est en train de me taquiner. Je l’espère bien en tout cas. D’un air enfantin je lui adresse une grimace des plus stupides. « C’est justement parce que je n’attire pas les chiens mais les hommes, les vrais. » Compliment à prendre ou à laisser. Tiens je vais pouvoir en apprendre un petit peu plus sur sa personnalité comme ça. Mon partenaire est-il un gros macho avec un égo surdimensionné ? Encore une fois je ne l’espère pas. Je n’aime pas les gens comme ça. Moi je ne fais que m’amuser lorsque je me mets en avant. Je ne pense que très rarement ce que je dis lorsque je fais cela. En tout cas il me propose un café et je saute sur l’occasion pour accepter et ne pas avoir à lever mes petites fesses du tabouret sur lequel je suis assise. Je lui mâche même le travail en lui donnant une tasse propre qui se trouve juste devant moi. J’en profite même pour lui en demander un petit peu plus sur lui. Après tout j’ai bien le droit d’en savoir davantage sur le garçon qui partage mon lit. « J'espère que tu te rends compte que cet arrangement est totalement injuste pour moi » Injuste est un mot un petit peu fort tout de même. Je ne fais que profiter de la situation. En tout cas je ne le contredis pas et je lui adresse un petit sourire confiant et taquin à la fois. Il laisse un instant le silence s’installer entre nous. Silence durant lequel il pose une tasse fumante de café bien noir devant moi. « Merci. » Je murmure presque. Un peu de calme ça fait tellement de bien que je n’ai pas envie de briser ce moment. Mes mains viennent trouver refuge autour du récipient chaud. « Hm, j'ai vingt-sept ans, je suis parisien mais je vis à Vienne depuis un an, je travaille au musée d'Histoire de l'Art de Vienne, forcément. J'ai pas de frères et sœurs, pas de copine, encore moins de gosses. Bref, mon quotidien est plutôt chiant, en ce moment. »[i] En entendant tout ça je ne peux pas m’empêcher de sourire de plus belle. [i] « Tu serais encore chez tes parents j’aurais presque pu t’appeler Tanguy. » J’insiste bien sur le presque. Heureusement que ce n’est pas le cas. Ce n’est franchement pas très attirant les Tanguy. C’est mieux les hommes indépendants qui savent, par conséquent, faire la vaisselle, le ménage et faire tourner une machine. Bien évidemment il ne tarde pas à me demander de faire la même chose, me présenter. « Ton tour » Moi aussi je reste mystérieuse quelques temps. J’avale une gorgée du liquide corsé, pose ma tasse devant moi et joue avec la anse quelques secondes. « J’ai toujours vécu en Australie, à Adélaïde plus précisément, je suis prof de sport dans un lycée depuis l’an dernier. Pas de frère ni de sœur, mais une petite fille de trois ans et une … copine. » Je baisse la tête sur ses derniers mots. Je n’ai absolument pas honte de dire que je suis en couple, ni même de dire qu’il s’agit d’une femme qui partage mon quotidien, mais disons que j’ai toujours peur de la réaction des gens. Surtout ceux que je ne connais pas. Déjà que ceux que je connais me jugent alors je n’ose pas imaginer les autres.