w/elin

Paquet de cigarettes dans une main, cigarette allumée dans l’autre, il se dirige à l’extérieur, sans savoir où se rendre. Il s’en fiche, il n’a pas de but précis du moment qu’il sort de l’habitation. Même si celle-ci est particulièrement grande et qu’ils n’ont pas l’impression d’être enfermés, ça ne suffit pas à Alistair pour oublier que, justement, il est enfermé. Et cette sensation se fait de plus en plus persistante en ce début de soirée, si bien qu’il ne tarde pas à filer à l’extérieur. Forcément, il n’oublie pas sa réserve de cigarettes, sa seule drogue et celle qui lui permet de se détendre quand il se sent angoissé. Il les enchaîne alors qu’il traverse le domaine, découvrant des coins sur lesquels il n’était pas encore tombé jusqu’ici, mais qui n’attise pas suffisamment sa curiosité pour qu’il s’arrête et les explore. Sans rien d’intéressant à se mettre sous la dent, il décide de rebrousser chemin. Au bout d’une marche qui lui semble interminable et d’une demi-douzaine de cigarettes fumées en l’espace de quelques minutes, il arrive finalement sur la terrasse. Ça fera l’affaire. Il se pose sur l’un des sièges, joue avec son paquet de cigarettes en attendant que le temps passe. Et son attention est ensuite captée par une silhouette qui se dessine au loin. Pour une fois, il n’a pas envie de fuir, il est bien ici, il a l’impression d’être tranquille, et ce n’est pas souvent qu’il ressent cette sensation. Alors il ne bouge pas, et ne quitte pas la silhouette des yeux jusqu’à ce que celle-ci soit suffisamment proche de lui. « Bonjour. » C’est tout ce qui sort de sa bouche pour l’instant. Il aimerait réussir à débuter des conversations autrement que par des mots ou des questions basiques, vues et revues, mais il n’en est pas encore là. Cela va lui prendre du temps – si on lui en donne – mais il ne perd pas espoir d’y arriver. Il a déjà réussi à lui adresser la parole en premier, c’est un petit exploit pour lui. Puis il dépose rapidement ses prunelles sur elle pour l’identifier. Il reconnait la rousse qu’il a rencontrée lors de son arrivée avec Taylor. Il a oublié son prénom, mais pas son signe distinctif, à savoir qu’elle est affublée d’un chien aussi moche que chiant. « Il est où … ton chien ? » Qu’il finit par lui demander. Question dont la réponse l’intéresse peu puisqu’il n’est pas particulièrement fan de ce chien – dont il a oublié le prénom au milieu de sa question – mais on ne pourra pas dire qu’il n’essaie pas de se montrer agréable.

Ma liberté me manque quand même un petit peu. Le domaine est grand mais on a tout de même fait le tour assez vite. Tant pis. Je suis là pour au minimum encore deux semaines alors je ferme me grande bouche et je me contente de ce que j’ai. Quand j’y pense j’suis quand même chanceuse. Certains seraient prêts à tout pour intégrer une telle émission. Moi, non. Je suis resté moi-même du début à la fin et voilà que je me retrouve à vivre avec une bande d’inconnus. C’est excitant et flippant à la fois. Il peut y avoir des fous parmi nous et que personne ne soit au courant. Un tueur en série ou bien un zoophile sur le point de faire du mal à Milou. Pauvre toutou. Ça ne doit pas être facile tous les jours pour lui. Personne avec qui converser. Pas de chiennes à draguer. Ou du moins pas le même genre de chienne. Pas de bain de boue lorsqu’il pleut. Pas d’os en plastique pour s’amuser avec. Sa vie ne doit pas vraiment être fun. « Bonjour. » Alors que je traverse la terrasse une voix masculine me sort de mes pensées. Je tourne la tête et aperçois un jeune homme avec lequel j’ai eu l’occasion d’échanger quelques mots le soir du tout premier prime. Comment s’appelle-t-il déjà ? Je ne sais plus, mais ça va m’revenir. Je lui réponds par un sourire et ralentit mon pas. « Il est où … ton chien ? »[/color] Ceci est une très bonne question. Je hausse les épaules et grimace. « Certainement avec quelqu’un qui s’occupe de lui. » Il aime bien Milou qu’on s’occupe de lui. « Ou alors avec un malade mental qui le coupe en morceau pour en faire un ragout. » Ce serait embêtant quand même. Disons que j’ai décidé de lui laisser un petit peu d’air à cette bête. Je le colle moins qu’avant. Lui aussi me colle bien moins d’ailleurs. Tant mieux, j’peux enfin vivre mon aventure comme je le souhaite. « Ali ? C’est ça, non ? » Je le pointe de mon index accusateur tout en l’observant en fronçant les sourcils. Elin investigation. Je ne pars pas d’ici sans me souvenir du prénom de mon interlocuteur et je le lui fais comprendre en venant m’asseoir à côté de lui.

C’est une privilégiée cette fille-là, puisqu’il n’a pas ressenti le besoin de fuir d’ici dès qu’elle est entrée dans son champ de vision, ni même de se montrer réfractaire en se déplaçant pour marquer une distance entre eux. Il commence à faire des efforts, aussi peu visibles soient-ils aux yeux des autres, pour lui c’est déjà énorme. Quoi que, efforts est un bien grand mot, puisque s’il n’avait pas été aussi tranquille avant son arrivée peut-être qu’il aurait déguerpi. Mais l’hypothèse n’a pas lieu d’être puisqu’il n’a pas bougé. Il observe brièvement le visage de sa camarade quand elle arrive à sa hauteur, il croit reconnaître la rousse à laquelle il a parlé lors de son arrivée avec Taylor. Ou plutôt, la rousse à laquelle Taylor a parlé pour deux, vu que dans le partenariat, c’est plutôt elle la bavarde. Il prend les devants et la salue, avant de remarquer qu’elle n’est pas accompagnée du chien qu’elle est supposée se coller. Enfin, c’est un chien, personne ne peut l’obliger à rester auprès d’elle, mais il croit les avoir souvent aperçu les deux, ensemble. Il y a deux hypothèses quant au fait que le chien ne soit pas avec elle : premièrement, quelqu’un s’occupe de lui. Deuxièmement, quelqu’un en fait un ragoût en ce moment-même.   « Tu n’as pas l’air très concernée. » Par le sort de ce pauvre chien, mais ça parait évident qu’il insinue cela. Pauvre bestiole, si ça se trouve il est en train d’agoniser au fond d’un placard, meurtri par les coups d’un candidat qui ne partage pas le même amour des bêtes que la rousse. Lui, il n’aime pas forcément les chiens, mais ce n’est pas pour autant qu’il va martyriser la pauvre bête, sauf si c’est vraiment nécessaire. « C’est quoi son nom, déjà ? » Information capitale. C’est que la bestiole, la chose moche, le truc ignoble, ça va cinq minutes, mais il faudrait peut-être qu’il soit en mesure de lui donner une vraie identité à cette chose. Les paroles qu’elle a par la suite le font légèrement tiquer, et il fronce les sourcils.  « C’est Alistair. » Il rectifie. Ou Ali, oui, mais seulement dans sa tête. Ils ne sont pas assez familiers pour qu’elle lui donne un surnom, enfin si elle y tient il ne pourra rien y faire, il n’y a qu’à voir la façon dont Taylor se fiche royalement de son avis.  « Et tu es Elin. » Si ses souvenirs sont corrects. C’est plus une affirmation qu’une réelle question, mais il est presque certain d’avoir raison.

« Tu n’as pas l’air très concernée. » Par le sort de Milou ? Il se trompe totalement. Je serais prête à donner ma place dans le jeu pour cette petite boule de poil. Enfin, peut-être pas ma place parce que c’est une chance de dingue d’être ici, mais une grande partie de ma cagnotte. Je viens sans rien et je repars avec un chien. C’est déjà beaucoup pour moi. D’autant plus que je ne sais pas ce que je vais faire de lui après l’aventure. Victoria serait très contente que je lui ramène un petit chien, mais Nina un petit peu moins. Même si Nina n’a pas véritable son avis à donner là-dedans. Encore faut-il que Cupidon et la production me donne l’autorisation de prendre Milou avec moi un fois que Fake Lover sera terminé pour la rouquine que je suis. Peut-être bien qu’ils vont le garder et le donner à une famille qui le veut vraiment. Mais je n’ai pas envie qu’il se retrouve chez des gens qui vont le considérer comme un ballon et qui vont oublier de lui donner à manger trois fois sur quatre. Non je veux qu’il soit chez des gens bien. C’est une star maintenant il doit être chouchouté comme un enfant. Enfin, tout ça pour dire que je me sens totalement concernée par le sort de Milou. « Tu te trompes. C’est mon chien, je l’apprécie énormément. C’est juste que j’ai décidé de le laisser faire sa vie et qu’il me laisse faire la mienne de temps en temps. Il est peureux alors peut-être bien qu’il va s’ouvrir un peu plus aux autres candidats comme ça. » Je hausse les épaules et adresse un mince sourire à mon camarade. On dirait que je parle d’une personne. C’est bizarre. En même temps c’est un petit peu comme le trente-quatrième candidat de cette saison ce chien. « C’est quoi son nom, déjà ? » En voilà une question bien plus intéressante pour quelqu’un qui ne semble pas véritablement apprécier le chien. Du moins d’après ce que j’ai pu voir lors du tout premier prime. « Milou, il s’appelle Milou. » Ouai, il s’appelle Milou. « J’aurais bien aimé pouvoir lui donner un autre nom mais Cupidon l’avait déjà baptisé ainsi alors tant pis. » Caramel. C’est un nom qui tue ça pour un chien. Ou encore Tornade, mais bon ça lui colle un peu moins à la peau ça. Lentement mais surement je m’approche de mon interlocuteur. Je suis presque sûre de me souvenir de son prénom. Attendez. … Oui, c’est bon. Ali. « C’est Alistair. » Oh, excusez-moi jeune homme. Il ne semble pas apprécier les surnoms. C’est nul ça, tous les garçons n’aiment pas les surnoms ici on dirait bien. Mallaury ne veut pas que je le surnomme Malo et Alistair ne veut pas de Ali pour le reste de sa vie. « Remarque Ali c’est un peu trop féminin, ça va bien mieux Alistair. » Je ne lui parle pas forcément, je ne fais que penser à voix haute. Ça m’arrive assez souvent. « Et tu es Elin. » Bingo l’agneau. J’acquiesce d’un petit signe de la tête en lui adressant un énième sourire plus amical cette fois. « Pour vous servir. » Ou pas. Je rentre dans son jeu et fait une petite révérence avant que mes pupilles ne se posent sur lui et que je l’observe avec insistance durant quelques instants. « Que fais-tu tout seul alors qu’à cette heure-ci tout le monde bavarde dans le salon ou la cuisine ? » Bon d’accord moi aussi je suis toute seule mais ce n’est pas là la question. Je lui demande ce que LUI il fait tout seul. Que voulez-vous je suis un petit peu trop curieuse certainement.

Si l’hypothèse du malade mental s’avère correct, on peut effectivement décréter que la jeune femme n’est pas très concernée par le sort de ce pauvre chien. Elle n’a pas l’air plus inquiétée que ça à l’idée de le savoir – peut-être – en train d’être massacré dans un coin du nid. Pour preuve, elle a l’air complètement détachée quand elle lui annonce cette possibilité. De plus, il est plus probable que le chien se fasse persécuter à l’heure actuelle que bichonner. Elle ne fait pas l’unanimité cette bestiole, il a déjà pu le constater lors de leur arrivée ici. Même si lui ne l’apprécie guère, il espère tout de même que la production veille sur ce chien quand la candidate ne le fait pas, ce serait quand même dommage que l’émission subisse un mauvais coup de pub à cause de certains candidats pas suffisamment éduqués pour ignorer la présence de la bête plutôt que de lui en faire voir de toutes les couleurs. Mais visiblement, il se trompe, elle est totalement concernée par le sort de son petit chien. Elle le laisse faire sa vie… Mouais, pas sûr que la vie du clébard dure encore très longtemps ceci dit. Mais ce qui fait le plus tiquer Alistair est le fait qu’elle en parle comme d’un être humain. Alors oui, un animal, ça vit, ça respire, tout ça, mais de là à être érigé au rang de personne à part entière comme les êtres humains, comme elle et lui… Il est sceptique. Enfin, tant mieux pour elle, il ne va pas la juger pour son amour déjà inconditionnel pour cette bestiole. « Je vois. » Il rétorque simplement dans un premier temps. Ça lui semble bizarre comme façon de penser, mais chacun sa relation avec les bêtes. « J’espère que tu le retrouveras vivant. » Il finit par ajouter en haussant les épaules, parce qu’il n’est tout de même pas convaincu que cette séparation soit bénéfique pour le chien, qui est devenu en quelques jours la cible d’une bonne moitié de candidats. Il lui demande ensuite le nom de la bestiole, il ne s’en souvient pas alors autant qu’elle l’éclaire. C’est donc Milou. Elle n’est pas convaincue par ce nom. « C’est joli Milou. » Pour un chien, hein. « Tu aurais préféré quel nom ? » Qu’il fasse la comparaison. Et par la même occasion, la conversation. Par la suite, elle souhaite s’assurer de son prénom, mais manque de chance pour elle, elle l’affuble du surnom que Taylor prend un malin plaisir à lui donner et qu’il déteste cordialement. Alors il ne se prive pas de rectifier cela, peut-être de manière un peu sèche, mais puisque ses parents lui ont donné un vrai prénom, autant l’utiliser et pas sa version raccourcie. Elle n’arrange pas vraiment son cas avec sa réflexion. Il parait qu’Alistair ça va bien mieux. Il fronce légèrement les sourcils. « Ça tombe bien. » Vu que c’est son prénom et qu’il ne peut pas le changer maintenant, il manque d’ajouter mais se retient pour ne pas passer pour le rabat-joie du coin. Quant à elle, c’est Elin si ses souvenirs sont bons. Et ils le sont. Il continue de fumer sa cigarette tout en déviant le regard quand sa camarade l’observe avec une certaine insistance durant quelques instants. « Je fuis. » Il répond ensuite à sa question. Il n’a pas peur de l’admettre. Il fuit, tout le temps, ce n’est pas propre à cette émission. « Et toi ? Tu es seule aussi. » Enfin, techniquement plus vraiment vu qu’ils se tiennent compagnie, mais elle n’est pas dans le nid à bavarder avec les autres. Il n’y a pas de raison qu’il ne lui retourne pas la question.