w/paloma

Il aime se faire peur, Alistair. Ou du moins, c’est ce que les apparences laissent penser, puisqu’il se trouve là, au milieu de la cave, en pleine nuit. Peu de candidats auraient osé pareil escapade à une heure tardive. D’autant plus en ayant connaissance des mystères qui entourent ce lieu. Il parait qu’il est hanté par l’esprit maléfique du jumeau de Cupidon, ou une connerie ainsi. Lui n’y prête pas la moindre attention. Ça se saurait si Cupidon avait un frère maléfique. Il n’y connait pas grand-chose en mythologie, mais il lui semble qu’Antéros n’est pas un méchant gars. Enfin bon, si ça se trouve en parcourant ses couloirs il se dirige vers une mort atroce provoquée par ce fameux alter-égo diabolique. Il devrait peut-être faire demi-tour en courant et hurlant comme pas possible, mais ce n’est pas vraiment son genre. Et puis, il s’ennuie ferme ce soir, il cherche une façon de s’occuper qui sorte un peu de l’ordinaire, et même s’il n’accorde aucune importance à ces légendes, il ne dirait pas non à l’idée d’être agréablement surpris, probablement par un coup de la production puisqu’il est catégorique : le surnaturel n’existe pas. Enfin, vu l’heure, il est peu probable que des techniciens de l’émission soient encore devant leurs écrans à surveiller les candidats. Il faut dire qu’il n’est pas loin de trois heures du matin et que la plupart des candidats sont déjà confortablement endormis dans leur lit. Pas lui, tout d’abord parce qu’il n’a pas de lit à proprement parlé, et parce que ses insomnies ne sont pas décidées à le quitter. Il était pourtant près à dormir cette nuit, c’est assez rare pour être souligné, mais il a beau avoir essayé de fermer l’œil, les images sont revenues à lui comme chaque nuit et il a préféré écourter celle-ci. À défaut d’avoir une soudaine envie de filer à l’extérieur, il a donc opté, histoire de s’occuper un minimum plutôt que de tourner en rond, pour un lieu qu’il n’a jusqu’ici jamais pris la peine de visiter, la cave. C’est bel et bien cette histoire de légende ou non pas les potentielles bouteilles de vin que cet endroit peut stocker qui l’a motivé à se rendre ici. Il y reste plusieurs dizaines de minutes, tournant un peu rond, essayant de trouver un intérêt à cet endroit puisque celui-ci ne lui offre aucune apparition – provoquée ou non par la production. Calé contre un mur, il observe l’ampoule faire des caprices quand des bruits de pas se font entendre. Et il n’a pas le temps de deviner l’identité du candidat qui s’approche que la lumière se coupe brusquement. Quand elle se rallume, quelques instants plus tard, le candidat mystère, ou plutôt la candidate, lui fait dos. « Bonsoir. » Il prononce simplement, sans bouger de sa place tandis qu’il reconnait enfin le visage de la candidate quand celle-ci se retourne. C’est Paloma. Une présence qui ne le dérange pas, la candidate ayant probablement été la personne la plus sympathique ici avec lui. Mais il commence sérieusement à croire qu’ils sont destinés à se rencontrer à des heures pas possibles.

Il n’est pas du genre à croire au surnaturel et encore moins à avoir peur pour un rien. Autant dire que, de prime abord, cet endroit n’est définitivement pas fait pour lui. Ce n’est pas comme s’il s’amusait à se faire peur, qu’il avait un côté masochiste et qu’il profitait des légendes qui entourent ce lieu pour faire une petite crise cardiaque, comme ça, pour le fun. Il ne croit pas à ces bruits de couloirs et s’il était réellement du genre peureux – même s’il n’est pas à l’abri d’être surpris – la seule chose susceptible de lui causer des sueurs froides serait des membres de la production et non pas le frère démoniaque de Cupidon. Il est certain que les techniciens doivent s’en donner à cœur joie pour entretenir la légende de ces lieux. De jour, peut-être. De nuit, il doute fortement qu’ils attendent devant leur écran qu’un courageux décide de descendre jusqu’ici. Il a beau tourner en rond dans la pièce, hormis l’ampoule qui clignote – sûrement dû à une ampoule défectueuse et non pas à une présence fantomatique – il n’y a rien à signaler. Pourtant, au lieu de rebrousser chemin, il s’appuie contre un mur. Il ne sait pas vraiment ce qu’il attend. Une surprise de la production, peut-être, ou simplement une illumination soudaine pour se trouver une autre activité en attendant que la nuit passe. Et finalement, son vœu est presque exaucé quand il entend des pas, signe qu’il n’est pas seul. Il sait pertinemment qu’il s’agit d’un candidat, reste à savoir lequel et surtout qu’est-ce qu’il fiche ici à pareille heure, même si la question peut également lui être adressée. Sauf que la lumière décide de s’éteindre avant que l’inconnu arrive à son niveau. Quand la lumière revient, il constate que la candidate est désormais dans son champ de vision. Il en profite pour la saluer, bien qu’elle lui fasse dos. Il ne pense pas à l’éventualité de lui faire peur, simplement au geste qui s’apparente à quelque chose de poli. Et pourtant, à en croire sa réaction, il aurait dû éviter de la prendre par surprise ou du moins, pas avant qu’elle ait pris l’initiative de se retourner. Quoi que, il n’est pas sûr que le fait de découvrir en présence soit plus rassurant qu’entendre une voix. Dans les deux cas, la réaction de Paloma – puisqu’il a pu finalement l’identifier quand elle s’est retournée – aurait été la même. « Désolé. » Il déclare simplement qu’elle lui annonce qu’il lui a fichu la frousse – au cas où sa réaction ne suffisait pas comme confirmation. Il n’avait pas l’intention de lui faire peur, ce n’est pas son genre. Et même si ce n’est pas intentionnel, ça ne lui a pas traversé l’esprit que la situation pouvait paraître flippante. Que ce soit à cause de l’endroit et des mystères qui l’entourent ou de l’heure tardive qui n’est pas bien rassurante quand on repense justement à ses fameuses légendes. « J’attends que le temps passe. » Il répond ensuite. C’est la vérité, même si sa curiosité l’a incité à venir ici, c’est avant tout parce qu’il n’arrivait pas à trouver le sommeil et qu’il avait besoin de s’occuper qu’il s’est décidé à errer dans le château. Alors oui, cet endroit l’occupe en attendant que le temps passe et qu’il trouve autre chose à faire. « Et toi ? Tu cherches à te faire peur ? » Car si c’était son but, elle n’est certainement pas déçue du voyage, même si la surprise qu’il lui a causé et sûrement ridicule à côté de ce que la production peut faire. Il émet cette hypothèse, même s’il n’en est pas convaincu par celle-ci. Quoi qu’il en soit, il y a du progrès, puisqu’il ne s’est pas contenté de simplement leur retourner la question sans faire le moindre commentaire.

Il s’excuse de lui avoir flanqué la frousse, question de bonnes manières. Et parce que ce n’était pas son but, aussi. Il n’est pas du genre à se cacher dans les pièces pour surgir une fois qu’une autre personne se présente, pour le simple plaisir de lui causer une mini crise cardiaque. En jetant un bref coup d’œil à sa camarade, il constate qu’elle s’en est remise, tant mieux, il n’aura pas ça sur sa conscience. Il prend appui sur l’un des murs tandis qu’il lui avoue la raison de sa présence ici. Passer le temps, tout simplement, comme il essaie toujours de le faire lors d’une de ses (trop) nombreuses insomnies. La question de sa camarade n’est pas des plus stupides. « Non. Mais ici ou ailleurs, c’est la même chose. » On ne peut pas dire qu’il soit passé maître en la matière quand il s’agit de s’occuper de façon à ce que le temps lui semble moins long. « Et je ne suis jamais venu ici. » Donc le calcul est vite fait. Quitte à s’ennuyer, autant qu’il en profite pour découvrir des lieux qu’il n’a jamais pu explorer auparavant, comme cette cave. Et il préfère la découvrir de nuit, l’ambiance est plus pesante que de jour, même si ces histoires de jumeau de Cupidon ne lui font ni chaud, ni froid. Il lui retourne la question, parce que si sa présence ici peut paraître surprenante – d’autant plus pour faire passer le temps – on ne peut pas dire que la sienne soit beaucoup plus logique. Compte tenu de l’heure, peut-être qu’elle est du genre à se faire peur. Après tout, à part son prénom, il ne connait pas grand-chose d’elle. Peut-être que c’est son truc, ces légendes et qu’elle aime faire monter l’adrénaline. Mais non, il a tort, elle souhaite juste poursuivre une exploration inachevée. « Une exploration, ici ? Vraiment ? » Il demande, avec un très léger rictus. Disons que si ce n’est pas l’endroit pour passer le temps, ce n’est pas non plus l’endroit pour fouiller et avoir l’espoir de trouver quoi que ce soit d’intéressant. À part les murs, l’humidité et l’ampoule qui se fait capricieuse, il n’y a pas grand-chose à découvrir, par ici. Du moins, selon lui, il n’a pas non plus détaillé la pièce pour y découvrir une porte secrète ou des symboles dessinés aux murs. La prochaine question de Paloma le laisse silencieux un court instant, avant qu’il ne se décide à y répondre. « Oui. » C’est un fait, le contact humain est bien là, présent où qu’il aille. Même quand il ne veut pas de celui-ci, il s’impose à lui, sympathique ou non. Ça dépend des candidats. La vraie question est plutôt de savoir s’il s’adapte à celui-ci. Et là, c’est une toute autre histoire. « Ce n’est pas une grande réussite, pour l’instant. » Il déclare ensuite, par rapport à ses efforts pour mieux s’adapter en société. Il ne sait pas pourquoi il dit ça, elle ne lui a pas demandé s’il s’adaptait, mais s’il avait trouvé ce qu’il cherchait. Et il a dévié naturellement sur ce sujet. Paloma lui inspire une certaine confiance même s’il ne lui accorde pas la sienne, et il ne ressent pas le besoin d’être constamment sur la retenue en sa compagnie.