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Il a squatté la loveroom cette nuit, raison pour laquelle il s’est réveillé tard, contrairement à son habitude. Remporter l’accès à cette pièce dès le début de l’aventure relève du rêve pour Alistair, qui peut donc s’autoriser quelques fois une bonne nuit de sommeil à l’abri des regards indiscrets, où il est libre de s’agiter et de se tourner dans tous les sens dans ce lit sans risquer de frapper sa partenaire, notamment. Mais elle échappe à ce problème puisqu’il évite soigneusement de partager le même lit qu’elle, ce serait tout de même dommage d’abimer un si joli visage. En tout cas, il profite de cette pièce de temps en temps, quand elle n’est pas squattée par deux sex-friends ou quand les draps sont changés, bien évidemment et son sommeil ne s’en porte que mieux une à deux fois par semaine, quand les insomnies font place à une réelle fatigue qu’il est bien obligé de combler en s’effondrant dans un lit. En ce lundi, donc, il s’est réveillé aux alentours de dix heures, un véritable record pour lui qui n’est pas habitué à trainer plus tard que six ou sept heures du matin, quand il va se coucher aux alentours des trois ou quatre heures. Chose inévitable, son estomac crie famine à peine a-t-il pris conscience. Mais compte tenu de l’heure, il préfère opter pour une douche froide avant de se diriger vers la cuisine. À dix heures, ça ne l’étonnerait pas que la plupart des candidats soient en train de prendre leur petit-déjeuner, et il aimerait autant éviter de se rendre à la cuisine durant le rassemblement matinal. Il se permet donc de traîner sous la douche puisque la salle d’eau est littéralement déserte, en essayant de perdre un maximum de temps pour s’assurer d’une certaine tranquillité durant son petit-déjeuner. Manque de chance pour lui, quand il prend enfin l’initiative de descendre de l’étage pour se restaurer, la cuisine est encore pas mal squattée, ce qui le dissuade d’y rester. Il se contente donc d’attraper une assiette qu’il remplit avec un morceau de pain et de quoi se faire des tartines – oui, il aime bien les tartines – ainsi qu’une tasse de café avant de s’empresser de rejoindre l’extérieur, la terrasse plus précisément. Il pose son assiette sur l’une des tables avant de réaliser qu’il a oublié le plus important : un couteau. Heureusement que cet endroit est prévu pour accueillir du monde et qu’il y a donc quelques couverts à disposition. Il attrape un couteau quand son regard croise celui de Mallaury en même instant. « Non, je ne vais pas m’ouvrir les veines. » Il précise, puisque son camarade a la sale habitude de débarquer toujours au mauvais moment – quoi qu’il reste persuadé qu’il n’y avait rien de louche à ce qu’il s’appuie sur le rebord du balcon lors de leur première rencontre – et de se faire de fausses idées. Enfin, certes, c’est arrivé qu’une fois mais ils ne sont pas à l’abri que la méprise de répète une nouvelle fois, d’autant plus que la scène laisse place au doute. Alistair, un couteau dans les mains, son air de dépressif chronique plaqué sur le visage. Donc la précision est nécessaire. À moins qu’il se laisse tenter par la taquinerie à l’encontre de son camarade, vu qu’à défaut d’être drôle, il est doué pour emmerder les autres.

Compte tenu de l’heure et de l’endroit, il n’est pas réellement surpris de tomber sur un autre candidat, d’autant plus que s’il y a bien une chose qu’il a compris à force d’être ici, c’est que même lorsqu’il souhaite la tranquillité, il est interrompu. C’est un des effets de ce nid, de tomber à tout moment sur un colocataire. Il commence à s’y faire, il y a même des jours où ça ne le dérange pas plus que ça, même s’il aspire toujours à des moments de solitude. Heureusement – ou plutôt, malheureusement – pour Mallaury, aujourd’hui est un de ces jours où Alistair est plutôt de bonne humeur, même si ça ne se voit pas. Et c’est pour cette raison qu’il ne peut pas s’empêcher de lui faire une remarque quand son regard croise celui du candidat alors que la seule chose qu’il tient dans les mains est un couteau. Sa remarque est d’ailleurs pleine d’autodérision à vrai dire, même si Mallaury n’est pas censé le savoir. À en croire la réponse et l’air plaqué sur le visage de ce dernier, faire ainsi référence à leur précédente rencontre n’est pas l’idée du siècle. Ça tombe bien, Alistair n’a jamais proclamé être le roi des bonnes idées, c’est exactement l’inverse. Visiblement, ça a l’air de lasser son camarade que cette histoire le poursuive. « Mais elle reste entre nous. » Il déclare, en haussant vaguement les épaules. C’est au moins un point sur lequel Mallaury peut se rassurer, bien que cette histoire ne soit pas totalement oubliée – à vrai dire cette méprise va rester longtemps dans l’esprit d’Alistair – elle ne reste qu’entre eux deux, puisqu’Alistair n’a pas jugé nécessaire ni digne d’intérêt d’en avertir quiconque. Il est tenté d’ajouter que la raison d’une telle remarque est qu’il s’essaie à l’humour, mais il s’abstient, compte tenu du succès plutôt misérable de sa tentative. Et clairement, Mallaury n’a pas franchement l’air d’être dans son assiette, il doute qu’une telle précision puisse changer quoi que ce soit.  Il accueille sa dernière remarque avec un léger froncement de sourcils, puisque bien que prévenante, elle a le don de l’étonner. « Je sais manier un couteau. » Il rétorque. Il le sait, en effet, les cicatrices sur ses poignets sont là pour en témoigner. Mais surtout, qui ne sait pas se servir d’un tel instrument ? Il a l’impression d’être rabaissé au rang d’incapable avec une telle remarque. Heureusement pour Mallaury, Alistair a bien compris que c’était dans la personnalité du candidat de s’en faire pour un oui ou un non et qu’il n’y a donc pas une once de moquerie dans cette phrase, bien même si celle-ci l’agace légèrement. Il prend tout de même le temps d’observer quelques instants son colocataire. Il faudrait être aveugle ou le faire exprès pour ne pas remarquer que l’esprit du jeune homme divague visiblement vers d’autres pensées que son inquiétude légendaire pour les autres. Si en temps normal Alistair n’aurait pas bronché – il préfère rester simple spectateur quand il s’agit des problèmes des autres – il doit reconnaître que la curiosité l’emporte aujourd’hui. « C’est le départ de Christa qui te laisse dans cet état ? » Il demande, puisqu’il a un peu de peine à concevoir qu’on puisse s’attacher à son binôme au point de remuer son départ, mais il est vrai qu’il n’a pas particulièrement eu l’occasion d’apprendre à apprécier Taylor et qu’il n’en est pas encore là avec Clémentine.  

Quand Mallaury le remercie d’avoir gardé cette histoire pour lui, il ne répond que par un haussement d’épaules blasé. Ça ne relève pas vraiment de la gentillesse, c’est simplement qu’il ne voit pas l’intérêt d’aller répéter à quiconque une telle rencontre. Il n’a pas la langue d’une McKayla ou d’un Adnan, il arrive à garder des informations pour lui, d’autant plus quand elles ne sont pas capitales pour les autres candidats. Et même si elles l’étaient, il parviendrait sans problème à les garder pour lui. Il est ensuite quelque peu agacé par la remarque de Mallaury qui sous-entend (même s’il se doute bien que ce n’est pas son but) qu’il n’est pas capable de se servir d’un couteau sans se blesser. Alistair précise qu’il sait le manier, Mallaury n’a pas de souci à se faire pour lui, il ne risque ni de se couper un doigt, ni de se transpercer involontairement la cuisse en le faisant tomber, par exemple. Les couteaux, ça le connait, Peter est le premier à pouvoir en témoigner. S’il pensait que cette remarque passera relativement inaperçue, c’est sans compter sur l’esprit de Mallaury. À en croire sa réaction, il doit probablement déjà se faire des films. Alors qu’Alistair n’y voyait là qu’une précision sans importance. Merde, si maintenant en plus de ça il doit faire attention aux choix des mots en compagnie de Mallaury, en plus de faire attention à son comportement, il n’est pas sorti de l’auberge. « Tu m'as très bien compris. » Il lui assure au bout de quelques instants de silence. Son but n’était pas de faire flipper Mallaury, mais puisque ce dernier a l’air déjà de faire des films qui ne sont pas éloignés de la réalité, autant lui confirmer les choses. Enfin, si ça se trouve Mallaury pensait à toute autre chose, mais Alistair croit, peut-être à tort, être en mesure de cerner le candidat. Et sans être un tortionnaire, il doit reconnaître que ça ne l’embête pas de taquiner le candidat de cette façon. Il se permet ensuite une réflexion en lien avec la tête de dépressif que Mallaury affiche – même s’il est clairement mal placé pour juger ce point – en évoquant le départ de Christa. Lui, aucun des départs depuis le début de l’aventure ne l’a touché plus que ça, pas même celui de sa première partenaire, parce qu’il n’a pas eu le temps de tisser le moindre lien avec elle. Il ne sait pas quelle était la nature de ses rapports avec Christa, mais il ne voit que cette solution pour expliquer le semblant de mauvaise humeur de son camarade. Ou alors, peut-être qu’il est simplement dans un mauvais jour, ce qui est possible aussi. Mais la première option semble être la bonne. Il se contente d’un hochement de tête compréhensif. Ou du moins, il essaie. Il a de la peine à comprendre qu’on puisse s’attacher aussi rapidement, mais ce n’est pas pour autant qu’il ne pense pas cet attachement sincère chez les autres. La question qu’il lui pose par la suite le laisse muet quelques instants et il le reste encore quand Mallaury continue sur la même voie. « Honnêtement, non. » Il se décide à répondre finalement. « Je n’en suis pas encore à ce stade. » Il est vrai qu’il commence à ‘’apprécier’’ (même si ça reste un bien grand mot pour lui) certains candidats, mais de là à être affecté par le moindre départ, il y a encore de la marge. Il peine à s’attacher aux autres à l’extérieur, ce n’est pas pour commencer ici et il n’est d’ailleurs pas dans cette optique de se faire absolument des amis, fort heureusement pour lui, parce que ce n’est pas un grand succès pour l’instant. Il est presque désolé, mais il ne peut pas lui donner le moindre nom. Même les candidats dont il se sent proche si l’on peut dire cela ainsi, il n’a pas peur de les voir quitter cette aventure, tout simplement parce qu’il sait qu’il n’en reverra aucun à la fin de cette émission, alors un peu d’avance ou non sur une fatalité inévitable, ça ne le dérange pas. « Mais je suppose que toi, tu peux me donner des noms. » Le départ de Christa l’a attristé, mais Alistair est prêt à parier qu’il y a d’autres candidats que Mallaury ne souhaite pas voir quitter l’aventure. C’est qu’il a l’air du genre à s’attacher, ce qui n’est pas forcément un mal.

Il savait que sa réflexion ne laisserait pas Mallaury indifférent et c’était le but recherché. Cela peut peut-être perçu comme de la méchanceté ou du sadisme – comme lorsqu’il a demandé à Adnan de tester le terrain boueux pour lui – mais Alistair n’y prend pas plaisir. Cela relève plus de la distraction momentanée qu’une réelle envie de s’acharner sur quelqu’un, Mallaury en l’occurrence. Et puis, d’un autre côté, il s’essaie à l’autodérision avec sa réflexion, Peter lui répète régulièrement que ça ne peut pas lui faire de mal de faire preuve d’ironie sur certains sujets afin de tenter d’évacuer certains traumatismes du passé. Il s’exécute, avec plus ou moins de succès. Autant dire que là, ça n’en est pas un compte tenu de la réaction de Mallaury. « Te faire peur, non, t’embêter, oui. » Pourtant, bien qu’il soit doué pour embêter ou agacer les autres – le plus souvent involontairement, à vrai dire – ce n’est pas pour autant qu’il prend un certain plaisir à jouer au bourreau, même si le terme parait tout de même un peu fort compte tenu de la situation. C’est simplement que c’est trop facile avec Mallaury, ce qui bien évidemment ne donne pas envie de se taire si l’occasion de le taquiner légèrement se présente à nouveau. Mais ce n’est pas pour autant qu’il est constamment sur le dos du candidat, il sait s’arrêter avant de devenir véritablement énervant et il ose espérer que Mallaury ne ressent pas les choses ainsi. « Mais je ne recommencerais plus, promis. » Et quand il fait une promesse, il s’en tient généralement, d’autant plus qu’il ne s’agit pas là d’une promesse de grande importance à ses yeux, qu’il pourra donc tenir sans le moindre problème, Mallaury peut respirer. Et puis, ce n’est pas son but de rendre ce dernier mal à l’aise à chaque fois qu’ils se croisent. Un instant, oui, mais pas constamment, il va donc arrêter les frais dès aujourd’hui. Il peut survivre sans ‘’victime’’ à emmerder et au pire, il lui reste Adnan s’il ressent réellement le besoin de se défouler sur un pauvre candidat qui n’a rien demander. Par la suite, il est presque désolé de ne pas pouvoir donner une réponse satisfaisante à Mallaury. Il y a bien une ou deux personnes qu’il apprécie plus que les autres – sans en faire ses nouveaux meilleurs amis pour la vie – mais de là à les regretter, non, il n’en est pas encore à ce stade comme il l’avoue lui-même. Et même s’il pouvait donner des noms, ce ne sont pas les départs de ces personnes-là qui l’affecteraient plus que ça, il est plus habitué à laisser sortir les gens de sa vie que de les laisser y entrer. Mais ça viendra, peut-être, Mallaury a raison bien qu’il ne semble pas convaincu. « J’espère. » Il avoue. Il l’espère, oui, même s’il ne donne pas l’impression d’être particulièrement touché par ce qu’il se passe autour de lui. Il aimerait bien en venir à regretter le départ de quelqu’un, ce serait une étape franchie qui lui prouverait qu’il est capable de se remettre dans le bain que représente la société. Ça viendra, peut-être, dans deux ou trois semaines. Si on lui laisse la chance d’aller jusque-là, ce qui n’est pas gagné. Il met trop de temps à s’attacher aux autres parce qu’il n’en a plus l’habitude. Mais Mallaury est tout le contraire, il le voit bien comme un de ceux qui, justement, s’attache trop vite aux autres. Il ne s’y est pas trompé, il est en mesure de lui donner des noms. Un certain nombre, d’ailleurs. « Il serait plus facile de te demander quel départ ne t’attristerait pas. » Ce n’était pas une critique ou un reproche, une simple constatation. Une question posée de façon détournée, aussi, à laquelle Mallaury est libre de répondre ou non. « Je ne serais pas étonné que tu apparaisses dans leur liste. » Même s’il ne peut pas trop s’avancer non plus, il n’a pas le moindre don de voyance ni même une connaissance accrue des relations que partagent Mallaury, mais dans l’imaginaire collectif, il a le caractère et le comportement pour entrer dans le rôle du sympathique candidat auquel on s’attache. Ce qu’Alistair pourrait comprendre, lui-même commençant à apprécier le candidat même s’il n’agit pas forcément toujours de façon correcte avec lui, en l’embêtant dès que l’occasion se présente à lui – ce dont il va s’abstenir à l’avenir. « Il n’y a que le départ de Christa qui te préoccupe ? » Ose-t-il demander. Il n’est pas certain que sa sollicitation soit bien perçue par Mallaury, mais, définitivement, il peine à comprendre qu’on puisse être perturbé que par le départ de quelqu’un que l’on connait depuis si peu de temps, alors il en vient à se demander s’il n’y a pas autre chose.