w/ana

Ce n’est pas dans ses habitudes d’être maladroit, mais aujourd’hui fait exception à la règle. Quoi que, il est persuadé qu’un petit plaisantin sévit dans le nid. Il n’a pas souvenir d’avoir secoué la canette de coca-cola qu’il s’apprêtait à boire, ou du moins, pas assez pour qu’elle lui explose à la figure à peine ouverte. Non, c’est l’œuvre de quelqu’un de maléfique qui prend plaisir à secouer les canettes en espérant qu’un pauvre innocent subisse une douche de soda. Et il a fallu que ça tombe sur Alistair, alias la dernière personne capable de prendre un tel incident à la rigolade. Après avoir marmonné diverses insultes et eu quelques soupirs, il est bien obligé de se confronter à la triste réalité : changer de chemise ne va pas suffire. Il fait attention à son hygiène, mais compte tenu de l’heure, il se serait bien passé d’une escapade à la salle de bain, celle-ci devant potentiellement être squattée. Et même par une personne, c’est déjà beaucoup trop pour lui. Il aurait dû dire cela dans son bilan pour Siomha, que l’un de ses regrets, c’est que la production n’ait pas mis des douches fermées à disposition des candidats et qu’ils soient obligé d’être à plusieurs dans une seule cabine. Il se faufile dans les couloirs, passe au dressing s’emparer de vêtements de rechange et prend le chemin de la salle de bain. Il constate non sans surprise qu’elle est déserte. Pour combien de temps, ça, il n’en sait rien. Il entre dans la pièce et il est presque tenté de coincer la porte avec n’importe quel objet susceptible d’empêcher quiconque d’entrer pour qu’il puisse profiter d’un court moment d’intimité. Et puis, il réalise que c’est totalement puéril. De toute façon, il ne prend pas sa douche dans le plus simple appareil comme le font certains, la seule chose qui le dérange, c’est les quelques cicatrices qui ornent son corps et qu’il n’a aucune envie d’exposer. Il enclenche l’eau et essaie de ne pas trop tarder sous la douche afin de ne pas être surpris par la présence soudaine d’un candidat. Et c’est avec une certaine satisfaction qu’il constate qu’il a pu avoir la paix durant celle-ci, quand il coupe l’eau au bout d’une dizaine de minutes. Il se sèche et enfile un pantalon, mais sa tranquillité est perturbée par la suite, quand la porte s’ouvre. Il tourne légèrement la tête et découvre Ana. Pris d’une légère panique, il enfile son pull dans la précipitation, ne réalisant pas que celui-ci est à l’envers. Il ne veut pas laisser la possibilité à Ana d’apercevoir une de ses faiblesses. Il doit trouver un sujet sur lequel elle pourra se focaliser et il n’a pas besoin de réfléchir longtemps, à vrai dire. « Tu penses vraiment être plus intelligente que les autres ou c’était une provocation ? » Il demande, en se tournant vers elle, une fois habillé. Ce n’est pas une question qui met en avant une critique sur la façon dont elle se perçoit, c’est une simple curiosité. Il est vrai qu’Ana semble particulièrement intelligente, mais il en vient à se questionner si elle n’a pas profité d’en rajouter, en sachant que son caractère est loin de faire l’unanimité dans le nid. Enfin, si elle ne veut pas lui répondre, il s’en remettra s’en doute, mais puisqu’elle est là, autant en profiter.

À choisir, Ana n’est pas la personne sur laquelle il apprécie d’être tombé alors qu’il est dans une position vulnérable. Il n’a pas trop d’avis sur Ana, elle lui parait sympathique bien que parfois un peu agaçante, mais justement, son côté agaçant vient de son envie d’analyser tout ce qui se trouve autour d’elle, de façon scientifique. La science, c’est pas son truc, alors il est bien content d’avoir échappé aux multiples théories de la jeune femme, bien qu’elle l’ait rendu curieux après lui avoir parlé du zoo de microbes d’Amsterdam. Mais, donc, il aurait préféré se retrouver face à quelqu’un d’autre. Car il a un mauvais pressentiment avec elle, le pressentiment qu’elle ne fera pas abstraction de ce qu’elle a pu voir comme d’autres auraient pu le faire. Alors il préfère changer de sujet, en pointant du doigt le côté prétentieux de sa camarade qui se juge, il le pense, au-dessus des autres, du moins au niveau de son intelligence. Mais peut-être s’agissait-il simplement d’une provocation, puisque son côté rat de laboratoire qui a réponse à tout et qui se lance dans des explications interminables même quand elle n’est pas questionnée, a tendance à agacer un certain nombre de candidats, alors peut-être qu’au lieu de s’écraser sous les critiques des autres, elle s’en amuse. Mais non, il ne s’agit pas de provocation, elle se croit effectivement plus intelligente que certains candidats. Et elle a bien évidemment une explication pour justifier sa réponse. « Tu as combien de QI ? » Il demande, curieux. Il est vrai qu’Ana a l’air plus intelligente que certains, c’est un fait, mais de là à l’afficher comme elle le fait. Tant mieux si elle a confiance en elle, mais Alistair reste persuadé qu’un peu de modestie n’a jamais tué personne. « Tes différentes études et approches de la vie ? » Il répète, un peu sceptique, en l’observant un instant. « Tu as vingt ans, Ana. » Enfin, il lui semble, même s’il n’en serait sûr qu’en voyant sa carte d’identité. « Tu dois probablement être à l’université et j’ai donc de la peine à imaginer les approches de la vie que tu as pu avoir. » Ce n’est pas totalement une critique. C’est plus une envie de l’inciter à l’aiguiller, parce que ça l’intéresse et qu’il est curieux de connaître ces fameuses approches de la vie. S’il a éventuellement une critique à lui faire, c’est la façon dont elle se pense supérieure aux autres, en s’imaginant probablement avoir une expérience de la vie bien plus importante que la majorité des candidats alors qu’elle n’a que vingt ans. Mais il ne demande qu’à être surpris, alors c’est le moment pour elle de le laisser bouche-bée. Quand elle lui parle de son pull, ou plutôt de l’étiquette de celui-ci, il baisse légèrement la tête et cherche la fameuse étiquette de la main. Effectivement, son pull est à l’envers. « Merde. » Il grommelle pour lui-même avant de pousser un soupir et de relever la tête. Bon, tant pis, ça restera ainsi jusqu’à ce qu’il se retrouve seul. Et puis mettre un pull à l’envers n’a jamais tué personne, jusqu’à preuve du contraire. À moins qu’Ana soit du genre maniaque obsessionnelle et que la vue de l’étiquette la perturbe grandement au point de ne pas pouvoir se concentrer sur autre chose tant que son pull sera à l’envers. Quand Ana commence à tenir des propos dignes des meilleurs psychologues, il affiche un air blasé l’espace d’un instant. Il n’a rien contre la jeune femme, non, vraiment, mais parfois, il n’arrive pas à la suivre et n’est pas d’accord avec ses grandes théories ou ses leçons de vie. « Ce n’est pas parce que cela fait partie de moi que je suis forcé de l’accepter. » Il rétorque, peut-être un peu plus froid qu’il ne l’aurait voulu. Il n’est pas stupide, il sait pertinemment que ça part d’une bonne intention, mais Ana ne le connait pas. Elle n’a donc pas à tenir ce genre de propos, en ayant pas connaissances des raisons qui le poussent à agir de la sorte.  

Ana se pense supérieure aux autres. C’est son choix après tout, elle a bien le droit d’être en confiance avec elle-même. Du moment que cette confiance ne se transforme pas en excuse pour attaquer les autres. Et c’est ce qu’elle a un peu fait, en déclarant être plus intelligente que d’autres. Lui ne l’a pas mal pris, il sait bien qu’il n’a pas le QI d’Einstein mais qu’il n’est pas pour autant un imbécile, mais d’autres pourraient ne pas partager cet avis. Il lui demande quand même quel est son QI, histoire de savoir si elle peut effectivement se vanter ou si, au contraire, tout se joue dans sa tête. Mais non, elle est très intelligente et fait même partie du cercle Mensa. « Impressionnant. » Quand on sait les ‘’critères’’ d’admission. Quand elle lui parle de ses différentes études et approches de la vie, il ne peut pas s’empêcher de faire un commentaire. Ce n’est pas qu’il veut la blesser en la réduisant au statut de simple étudiante un peu idiote dont les seules expériences sont le fait que sa meilleure amie Brenda lui ait piqué son copain Brandon, mais il a simplement de la peine à imaginer quelles sont ses expériences de vie. Il ne doute pas qu’elle puisse avoir une histoire hors du commun, justement, il est relativement curieux et ne serait pas contre des précisions. Tout d’abord, elle le rectifie, elle a vingt-trois ans. Il l’observe un peu plus en détail. Ouais, elle ne les fait pas. Il ne sait pas si c’est un compliment ou non, alors il va s’abstenir de dire quoi que ce soit. Il hoche ensuite la tête quand elle lui dit qu’il ne la connait pas. C’est un fait, c’est bien pour cela qu’il est curieux d’en savoir plus sur ses approches de la vie. « Absolument pas. » Il rétorque quand elle lui avoue qu’elle fait des études de sciences naturelles et que cela ne doit sûrement pas le surprendre. C’est un fait, ce n’est pas pour rien qu’il la surnomme la scientifique en herbe, du moins dans sa tête. Quand elle se lance ensuite dans un récit, il l’écoute attentivement. Et ça commence mal. Pilleur de tombes est une activité qu’il voit d’un très mauvais œil, ajouté donc au fait que des parents amènent leur gamine dans ce genre d’expéditions qui peuvent vite devenir dangereuses, ça ne l’aide pas à avoir un très bon avis d’une telle activité. Les trésors enterrés sont faits pour le rester, de son avis. « Je suis désolé. » Il se permet de l’interrompre quand elle lui révèle que ses parents se sont sacrifiés lors d’une expédition qui a mal tournée. Il est désolé, oui, mais c’était un risque à prendre en emmenant une gosse sur des lieux ainsi. Il ne connait pas ses parents et va s’éviter de s’attarder trop longtemps sur un jugement qui est de toute façon faussé par le fait que ce sont des inconnus, mais il reste persuadé que ce n’est pas l’enfance idéale pour un enfant. Mais il est désolé qu’Ana ait dû vivre une telle épreuve qui a sûrement été traumatisante. Elle a vécu ensuite avec une tribu, s’il a bien suivi le fil de son histoire. « C’était après l’accident ? Personne ne t’a réclamée ? » Pas de famille, pas d’amis, personne pour s’inquiéter que deux adultes et une enfant soient portés disparus ? Surprenant. « J’ai de la peine à te croire sur ce point. » Il déclare ensuite, en référence au fait qu’elle ne se pense pas supérieure à l’humain. Elle lui a prouvé l’exact contraire en avouant se sentir plus intelligente que certains et surtout en généralisant tout le monde en pensant avoir une expérience bien plus différente qu’eux. Il existe bien, sur cette terre, des gens ayant vécu une histoire similaire à la sienne. « Ton histoire est particulière. » Il conclue. Particulière, oui. Il ne sait pas vraiment ce qu’il en pense, même si son avis n’a aucune importance. Elle émet ensuite un commentaire sur les marques qu’elle a malheureusement pu apercevoir. Un commentaire qu’Alistair trouve presque agaçant. Il ne devrait pas avoir honte, peut-être, mais le choix lui appartient encore. « Ou au contraire, t’enfermer dans un passé dont tu ne veux plus. » Il déclare. C’est sa vision de voir les choses. Peut-être qu’Ana pense que cela peut aider à avancer, lui n’est pas du même avis. Chaque blessure rend plus fort, dit-elle. Encore une fois, il ne partage pas cet avis. « Non, ce n’est pas toujours le cas. » Il annonce, en haussant les épaules, peu convaincu. « Oui. » Il répond simplement à sa dernière question. Oui, c’est une période qu’il souhaite oublier, et c’est pour cette raison qu’elle devra se contenter de cette réponse sèche et concise, car il ne compte pas en dire plus.