+Lou

Cette semaine je broie du noir et je n'ai pas forcément envie de le cacher. Je n'ai pas forcément envie de sourire, de chercher à remonter la pente. J'ai même envie de prétexter être malade, de rester dans mon lit toute la journée sans devoir parler à personne. Aujourd'hui est un nouveau jour et mon état d'esprit de la veille n'a toujours pas changé. Je vais rester dans ce lit, toute la journée jusqu'à diner, me laver puis me recoucher. Je suis mieux, ici tout seul dans le lit, protégé par ma couette qu'en dehors... J'en ai l'impression en tout cas. Plus personne dans la chambre hivernale, je sors ma frimousse de la couette, comme un petit lapin sortirait de son terrier lorsqu'il n'y aurait plus aucun danger. Je vois mes affaires dans un coin, ma valise... Et je pense. L'idée d'abandonner l'aventure me traverse l'esprit oui. J'y songe sérieusement, parce que j'ai perdu l'envie, la raison de ma participation. Je voulais m'amuser, me changer les idées, me détendre... C'est plus le cas. A quoi ça sert sérieusement, que je reste pour passer mes journées dans le lit ? A rien. J'entends des pas arrivés, voit la porte s'ouvrir et je m'enfouis de nouveau dans la couette, pour faire semblant de dormir, ou d'être malade peu importe, tant qu'on me laisse tranquille, peu importe la personne.

Je sais que Aaron ne va pas bien ces derniers temps. À vrai dire, tout le monde sait qu’il ne va pas bien. Et étant donné qu’il avait été là pour moi lorsque je broyais du noir, j’avais moi aussi envie d’être là pour lui. C’était normal, n’est-ce pas ? Je n’étais pas certain d’avoir le pouvoir de le faire se sentir mieux, mais je voulais au moins qu’il sache que j’étais là s’il désirait parler ou quoi que ce soit. Je ne mets d’ailleurs pas très longtemps à le trouver puisque je vois une bosse sous la couverture. Et étant donné que j’ai croisé Felice quelques minutes plus tôt, je peux aisément deviner que la personne qui se cache sous le lit n’est autre que Aaron. Alors sans rien dire ni prévenir, je me faufile sous la couverture pour me retrouver allongé à ses côtés, face à lui, la tête sous la couette. Je ne dis rien et je me contente de passer mes bras autour de lui pour le serrer contre moi. Un câlin ça ne faisait jamais de mal, surtout dans ces moments. Qu’importe qu’il me repousse. «  Je suis là » je lui dis tout bas pour que personne d’autre que lui ne puisse entendre. Je caresse son dos de bas en haut comme pour confirmer mes dires, alors que je le cherche du regard. S’il voulait parler, il pouvait. S’il ne voulait pas, il pouvait aussi. « Ça ira mieux, ça va toujours mieux avec le temps. » je lui confie alors sans pour autant être sûr d’être d’une grande aide.

Sous ma couette, j'espère que la personne va s'en aller... mais à la place, elle vient s'allonger à mes côtés. Lou, ça ne m'étonne pas de lui. Je vois bien qu'il a de bonnes intentions et je n'ai nullement envie de le repousser. Je profite de son étreinte, je profite d'un peu de son affection. Mon visage s'enfouit dans son cou alors que je ferme les yeux. « Je suis là » Le sentir, puis l'entendre me fait du bien. J'en avais besoin à ce moment-là. C'est tout ce que j'avais besoin oui, d'un peu de soutien. « Ça ira mieux, ça va toujours mieux avec le temps. » Je détourne le regard vers le bas, n'étant pas aussi persuadé que lui pour le coup. J'ai envie de parler mais rien ne sort de ma bouche alors je profite encore de sa présence, sa simple présence réconfortante et au bout de quelques minutes, je sors de mon mutisme. « J'ai... plutôt l'impression que c'est en m'en allant que ça ira mieux. » Je confie tout bas, l'air lassé. Je dis ça, mais il n'a pas besoin de me convaincre de rester, je sais que je dois rester. J'ai encore trop de choses à faire ici, à régler. Je ne peux pas prendre la fuite à chaque problème que je rencontre sur mon chemin, je dois y faire face cette fois. « J'aimerais tellement que tu comprennes... » Pour qu'il puisse me comprendre, qu'il puisse comprendre dans quel état je suis. Mais je peux rien lui dire, rien lui expliquer et c'est tellement frustrant...

Même si je me doutais que dans des instants pareils Aaron préférerais rester tout seul, je me disais que ça lui ferait tout de même du bien de savoir que quelqu’un le soutenait, au lieu de le blâmer pour ses faits et gestes. Alors je me glisse sous sa couette sans rien dire, pour le prendre dans mes bras et le serrer contre moi. Un léger soupire s’échappe de mes lèvres à ses paroles, tout simplement parce que je le comprenais. Partir, c’était tellement tentant. Fuir tout ce qui se passait. J’étais une personne qui prenais la fuite tout le temps sans même réellement m’en rendre compte, et lorsque j’avais été tenté de quitté l’aventure à l’annonce de Tilda, je m’étais dit que cette fois-ci, il fallait que je sois plus fort que ça. «  Ça paraît tellement plus simple de pouvoir fuir tout le temps, dès que les choses se compliquent. » J’étais un connaisseur, après tout. Et je ne pensais pas que Aaron était un fuyard, au contraire. J’aimerais pouvoir le comprendre aussi, j’aimerais qu’on puisse parler librement tous les deux, parce que je me sentais bizarrement capable de me confier à Aaron plus qu’à d’autres. Je le serre un peu plus contre moi et dépose un baiser sur sa joue. «  J’aimerais pouvoir t’aider… » Ce n’était pas juste qu’il se sente aussi mal, et qu’en plus il ne puisse pas m’en parler. «  Si tu as besoin de quoi que ce soit, tu sais que je suis là.. » Enfin justement, peut-être qu’il ne le savait pas, et c’était bien pour ça que je le lui disais. Histoire qu’il sache qu’il n’était pas seul ici.