Finalement, il a tenu jusqu’à presque trois heures du matin avant de sombrer dans le sommeil le plus complet. Ce n’est pas rien d’avoir résisté si longtemps, pour lui qui sentait la fatigue lui tomber dessus dès le début de la soirée. Mais Jessica et Gaëtane se sont retrouvées sur son chemin, le tenant éveillé un peu plus longtemps – même si ça ne l’a pas dérangé puisqu’il les apprécie – et qu’ensuite, le salon était squatté et qu’il ne pouvait donc pas disposer de celui-ci comme il l’aurait voulu. Il a donc terminé par faire un nouveau tour à l’extérieur, jusqu’à ce qu’il cède et revienne à l’intérieur, découvrant cette fois-ci le salon vidé de toute présence. Il a pris le chemin du dressing dans un premier temps pour se changer, avant de repartir en direction du salon et de s’effondrer sur son canapé favori, ne tardant pas à sombrer dans les bras de Morphée. Et pour une fois, son sommeil n’a pas été perturbé plus que ça, les cauchemars l’ont presque laissé tranquille bien qu’ils aient insisté pour lui faire une piqûre de rappel. Il s’est malgré tout cogné le pied au milieu de la nuit, signe qu’il fut tout de même agité. Mais globalement, il n’aurait pas dit non à dormir un peu plus longtemps, puisqu’il est soudainement réveillé quand il sent une présence sur l’accoudoir à côté de lui. Et puis, il n’a pas le sommeil très lourd, la moindre présence se fait remarquer. Il peine malgré tout à émerger, ouvrant péniblement les yeux tandis que Clémentine s’adresse à lui. « Hein ? » Il demande dans un premier temps, avant de s’asseoir sur le canapé et de passer une main dans ses cheveux pour enlever ceux-ci de devant ses yeux. Les paroles de sa partenaire remontent enfin jusqu’à son cerveau. « Ah, oui, bravo à nous, il faut trinquer. » Il dit en s’emparant du verre qu’elle lui tend avant de faire claquer celui-ci contre celui de Clémentine. « Merci. » Parce qu’il y a pire façon que d’être cueilli au réveil avec un verre de jus d’orange. « Ça fait longtemps que tu es là ? » Il ne pense pas, mais il préfère s’en assurer, il n’est pas vraiment à l’aise avec l’idée qu’on puisse le surprendre dans son sommeil. La question que Clémentine lui pose par la suite le laisse sans voix un court instant, le temps de formuler une réponse à peu près adaptée. Et puis, finalement, il abdique. « Elle est pourrie. » Il aurait aimé lui dire autre chose, ne pas casser l’ambiance dès le matin, mais il ne trouve pas d’autre terme allant de pair avec ce que représente sa vie. « C’est pas vraiment une vie. » Il précise, même si pour le coup, ça sauve pas vraiment l’ambiance qu’il vient de plomber. Enfin, c’était pas une ambiance de folie non plus, mais le principe est là. « Je suis sûr que la tienne est beaucoup plus intéressante. » Il termine, certain qu’elle saura lui donner plus de précisions sur sa vie à elle que sur la sienne à lui, et puis ça l’intéresse plus de parler d’elle que de lui.

Même si les intentions de Clémentine sont louables – il y a pire que d’être réveillé avec un verre jus d’orange tout frais – il n’est pas à l’aise avec l’idée qu’elle ait pu le surprendre ainsi. Jusqu’ici, il s’est toujours arrangé pour se lever avant qui que ce soit, mais voilà que Clémentine réduit ses efforts à néant. Quoi qu’il en soit, il lui demande depuis combien de temps elle est là, et elle se lance dans une réponse qui lui fait froncer les sourcils. Finalement, elle répond que non, elle est donc là depuis quelques instants seulement. Tant mieux. Cela aurait été dommage de l’assommer, hm. Même si habituellement il est plutôt un accro du café, il doit reconnaître que le jus d’orange passe particulièrement bien pour quelqu’un qui vient à peine de se réveiller. Clémentine lui pose ensuite une question qui le laisse muet un instant. Comment elle est, sa vie, à l’extérieur ? Pourrie. Ça résume bien, oui. Sauf que sa partenaire ne se contente pas de cette réponse. Ça n’en est pas une, à l’en croire. « Tu es exigeante, aussi. » Il aurait fallu qu’elle précise tout de suite quel genre de réponse elle souhaite, puisque jusqu’à preuve du contraire, il ne lit pas dans les pensées. Et puis, c’est une réponse tout à fait adaptée selon lui. Peut-être qu’elle oublie qu’elle s’adresse à la personne qui a le moins envie de parler de sa vie, alors c’est déjà une petite victoire en soi de lui arracher un semblant de réponse. « Pourrie, pas chiante, nuance. Je préférerais qu’elle soit ennuyeuse. » Oui, la nuance est importante selon lui. C’est peut-être jouer sur les mots alors que ce n’est pas nécessaire, mais il n’empêche qu’il constate une certaine différence entre une vie pourrie et une vie chiante. Car il ne s’agit pas simplement d’une lassitude ou d’un ennui profond constant. Il marque une pause, parce qu’il ne sait pas vraiment quoi lui répondre. Il faut qu’il soit plus précis à en croire sa partenaire, sauf que plus de précisions implique plus de sincérité et il est question d’une sincérité qui risque de jeter un froid. Mais tant pis. « Dans le sens où si ça ne dépendait que de moi, je ne serais plus ici. » Et par ici, il entend de ce monde. Voilà à quel point sa vie est pourrie. Et pourtant, il reste un ermite qui compte principalement sur lui, mais si Peter n’était pas entré dans sa vie, il y aurait eu peu de chance qu’Alistair participe à cette émission. « Je ne peux pas donner une vraie réponse et être optimiste, désolé. » C’est l’un ou l’autre, désolée pour elle. Bien qu’il s’ouvre plus aux autres, ça ne l’empêche pas de jeter un froid quant à sa réponse, il a encore pu le constater la semaine dernière avec Felice. Il préfère dériver sur le sujet de sa vie à elle, qu’il pense beaucoup plus passionnante que la sienne. Elle l’était en réalité. « Et du coup, comment tu fais pour supporter cet enfermement si tu te lasses vite ? » Ce n’est pas une critique ou une remarque négative, loin de là, il est vraiment intéressé par la réponse. Car lui aussi se lasse relativement vite, même s’il est obligé de faire le poing dans sa poche. Mais elle, comment s’y prend-t-elle pour supporter un tel enfermement, à voir toujours les mêmes têtes et à faire toujours les mêmes activités, alors qu’elle est du genre à se lasse rapidement ? Elle avoue ensuite qu’elle est forcée de vivre dans une certaine routine. « Forcée, carrément ? J’ai de la peine à t’imaginer te soumettre à quelque chose qui ne te convient pas. » Il la connait peu, mais elle a l’air de tenir à une certaine liberté. Peut-être qu’il se trompe, ça ne serait pas la première fois. Mais vu la façon dont elle lui parle de sa vie, il s’imagine que ce n’est pas quelque chose qui lui convient. Alors oui, il a de la peine à l’imaginer se soumettre sagement à une routine, que ce soit elle-même ou non qui ait décidé de cela. Il lui tend la perche, libre à elle de lui donner un peu plus de précisions ou non. S’il s’écoutait, il lui répondrait que ce n’est pas une réponse non plus.