+ JESSICA

Il était temps que je fasse mes valises. Cela faisait un petit moment que je n'y avais plus touché puisque ma dernière nomination remontait vers la cinquième ou sixième semaine, je ne savais plus trop. Enfin, ça remontait à longtemps. Je savais qu'il n'y avait aucune chance pour que je passe en finale, et je n'avais d'ailleurs pas encore bien décidé de si je restais ou non au sein du nid, mais dans tous les cas, je m'étais dit qu'il serait tout de même bien que je rassemble toutes mes affaires histoire de ne rien perdre. Clémentine m'avait dit de faire un tris dans mes vêtements, mais j'étais bien trop attaché à mes affaires pour pouvoir m'en débarrasser. Pourtant il y avait de quoi rendre l'âme en voyant mon affreux pull vert à tête de cerf entreposé sur ma pile de "vêtements à bannir au sein du nid". Parce que oui, je les avais même nommé avec un petit papier devant. Il y avait "la pile cool" "les vêtements tendances" "ceux à mettre aux primes" "ceux déjà mis" "ceux à ne plus jamais, jamais mettre". Vous voyez ? Bon en même temps, moi je les aimais un peu tous, et si vous vous posiez la question... oui, j'étais arrivé avec plusieurs valises. En même temps, quand je pars quelque part, j'aime bien avoir toutes mes affaires avec moi... Et là, nous ne parlons évidemment que des vêtements, parce que j'avais d'autres valises pour mes babioles qui trainaient un peu partout dans le nid. J'étais même certain que Mc en avait embarqué quelques unes, vu qu'elle jouait souvent avec lorsque j'avais le dos tourné. Bref, attrapant mon fameux pull, je remarquais Jessica qui m'observait du coin de l'oeil à l'autre bout du dressing. Vous croyez qu'elle s'en doutait ? Pourtant j'avais plutôt bien camouflé l'histoire... M'enfin, si elle me regardait, c'est qu'elle devait s'en douter non ? Peut-être devrais-je tout avouer avant qu'elle ne se mette à s'imaginer des choses... « Je... J'ai menti. » me confessais-je finalement, un peu honteux. « On me l'a pas donné ce pull, ce-c'est moi qui l'ai commandé... » me mordant la lèvre inférieure, mes prunelles s'échouaient sur le sol alors que je reprenais, presque inaudible « Il était en solde... » pour me justifier de cette faute de goût... pas si mauvaise à mon sens, mais chut.

Je ne suis pas d’excellente humeur aujourd’hui, j’ai passé une mauvaise nuit. Je me suis réveillée pour rien et j’ai dû affronter une succession de petites broutilles qui m’ont toutes plus agacées les unes que les autres. Mais je fais tout de même bonne figure parce que c’est bientôt la fin et que je préfère qu’on garde une image plutôt positive de moi. Je n’ai pas forcément montré que les bons côtés de ma personnalité au cours de cette aventure, alors il vaut sans doute mieux terminer sur une bonne note. Je ne me suis donc pas permis de me plaindre d’avantages aux autres de ma désagréable. Ils n’en sont pas responsables, je préfère donc sourire poliment, comme bien souvent. C’est quelque chose qui me vient de ma mère, et de la danse surtout, sourire poliment en attendant, même quand c’est difficile, même quand on est pas d’humeur, parce que la vie est une espèce de grand ballet que personne n’a envie de rater. C’est sans doute pour ça que j’ai toujours voulu plaire, au moins faire bonne impression dès la première rencontre avec les gens, quitte à leur laisser voir mon véritable visage un peu plus tard. Je crois que c’est ce qui fait de moi quelqu’un d’hypocrite. C’est du moins ce que j’ai toujours pensé être. Je ne suis pas fondamentalement méchante, juste un peu mauvaise, c’est Paloma qui a raison. Et ça m’énerve un peu, mais c’est comme ça. Je peux en revanche me montrer adorable avec certaines personnes que je rencontre, qui le sont elles-mêmes. Adnan par exemple, que j’observe depuis un petit moment sans vraiment m’en rendre compte, sans vraiment le voir même. Il fait du tri, je crois, et moi je ne sais déjà plus ce que je fais là. Je crois qu’il est troublée par mon regard insistant mais pourtant pas intentionnel. Il déclare avoir menti. « Ah. » Je fais simplement en m’approchant un peu, mes yeux toujours rivés sur lui. Je voudrais bien demander à propos de quoi mais il me devance. Apparemment, on ne le lui aurait pas donné ce pull, c'est lui même qui se l'est commandé. Je n'ose pas immédiatement faire de commentaire, je me contente de sourire d'un air légèrement moqueur alors qu'il ne me regarde pas. Il ajoute comme pour se justifier, que le pull en question était en solde. « Bah heureusement. » Je plaisante gentiment, même si je le pense. Non mais oui, heureusement qu'il était en solde et qu'il a pas dû payer cette mocheté au prix fort, manquerait plus que ça. « J'espère que c'est la seule raison pour laquelle t'as décidé de le prendre. J'te croirais pas si tu me dit qu'il te plait. » Pour les fêtes à la rigueur, sur la photo de famille bien kitch, d'accord, mais franchement, je comprends pas bien ce qu'il comptait faire avec ça ici. Le porter ? Je crois qu'il a pas osé, et c'est tant mieux pour lui, il se sera pas ridiculisé, puis c'est tant mieux pour nous et nos yeux aussi, moi rien que de le voir comme ça et d'imaginer quelqu'un qui le porte ça me met mal à l'aise, alors si c'était pour de vrai, pouah.