Si y'a bien une chose que Paloma ne regrettera pas dans son aventure c'est ce couloir psychédélique qui lui explose la rétine et la désoriente à chaque fois. Elle sait pas si ses yeux sont plus sensibles que la moyenne ou si avoir été privée de vision est un traumatisme suffisant pour paniquer dès qu'elle voit moins bien mais elle est du genre à traverser ce couloir à la vitesse de la lumière. Loin, bien loin de ses pas félins et gracieux habituels. Encore cette fois, elle n'y manque pas et c'est seulement en avisant la silhouette de Mallaury à ses côtés que Paloma ralentit et puis se stoppe. Même lui avec sa bouille de nounours tendre à qui on donnerait le bon dieu sans confession, il dévoile un coté flippant sous l'néon bleuâtre qui clignote tellement juste au-dessus d'eux qu'elle a l'impression d'être épileptique. Y'a au moins un effet positif à cette ambiance agressive ; Mallaury doit pas discerner ses traits de poupée qui fondent dès qu'elle pose les yeux sur lui pour couler d'une compassion peinée qui est pure et sincère mais qui remue quand même le couteau dans la plaie. Paloma sait pas faire autrement : elle ignore comment dissimuler ce qu'elle ressent et même si elle savait, c'est pas certain qu'elle s'y résoudrait. Alors quand ses yeux de chat dévisagent Mallaury, elle est certaine d'avoir l'air un peu penaud, désolé, l'air qu'on affiche sans l'vouloir quand on fixe un cancéreux en phase terminale ou toute autre joyeuseté du genre. C'est triste mais Paloma a l'impression de voir un fantôme à chaque fois qu'elle tombe sur Mallaury et l'âme en peine qu'il s'traîne et qui se lit partout de sa silhouette robuste à son visage tout expressif qui pige pas ce qu'on lui reproche. A vrai dire, elle non plus elle pige pas et elle croit bien qu'elle est pas la seule. Ça lui fait d'la peine de le voir errer ici comme un revenant qui trouverait pas l'chemin vers l'au-delà ou toute autre connerie. Ça lui fait bizarre parce que dans sa tête, Mallaury c'était le grand favori pour la finale. Un type gentil, apprécié de tous et qui se plaisait ici. Paloma sourit un peu tristement à ses mots parce que c'est une piqûre de rappel encore un peu douloureuse qui vient crever son palpitant. « Et moi j'aurais préféré que ça s'passe autrement pour toi... » qu'elle balance, sobre, parce qu'elle peut pas se taire quand elle trouve une situation injuste. Paloma n'a pas l'âme d'une rebelle, elle est docile, elle se plie volontiers aux règles, mais ça l'empêche pas de pas être d'accord. Elle a pas digéré l'élimination de Percy et a rongé violemment son frein les premiers jours. Ca n'a servi à rien de s'énerver alors elle essaye de pas le faire mais quand même, elle peut pas accepter. Ca voudrait dire qu'elle cautionne et c'est pas le cas. Bien sûr elle aurait aussi aimé que Ghika reste parce qu'il le méritait mais ce prime - comme sa vie, en fait - l'a pas exaucée et c'est pas une surprise. Mallaury la fixe un peu gravement et elle peine à soutenir son regard. Pas à cause de cette lumière qui l'aveugle à moitié mais parce qu'il la regarde d'une façon différente et ce qu'il sort lui arrache une petite moue grimaçante. « Pas de pression d'accord ? T'as vu la taille de mes épaules... elles le supporteraient pas » lâche Paloma de sa voix douce mais qui grince un peu sous la nervosité. Elle n'est pas faite pour se projeter, elle, elle vit dans le passé, dans la nostalgie quotidienne de tout ce qu'a été sa vie même ce qui fait mal. Elle sait pas regarder vers l'avenir et le sien lui semble toujours incertain, sombre et pas très reluisant. Alors non, la finale, Paloma s'y voit pas. Elle pense pas être ce que les téléspectateurs recherchent d'un tel programme, elle est sans doute trop silencieuse, trop discrète, trop contemplative. Elle n'est ni amusante, ni grande gueule et ne vit pas de conflit ou d'histoire d'amour déchirante pour intéresser le monde. Sa vie dans l'nid n'a rien d'une série tv alors elle est résignée, Paloma. Son but n'est pas la victoire, de toute façon. Son but a été une tentative de se sauver du naufrage en s'oubliant à l'autre bout du monde et de réparer un tort causé. Pour l'un, elle a réussi et pour l'autre, on peut dire qu'elle a échoué en beauté... Incapable de soutenir le regard de Mallaury sous les néons, le bras vif de Paloma s'enroule comme une liane autour de son poignet pour l'entraîner à sa suite et disparaître derrière la première porte de chambre à leur portée. C'est l'orientale dans laquelle elle a même jamais mis un pied avant maintennat. Et elle s'en moque, elle accorde même pas un regard autour d'elle parce qu'elle est absorbée par Mallaury et l'état d'esprit dans lequel il doit se trouver. Et comme toujours elle a envie d'arracher ses ressentis pour l'en libérer quitte à tous les absorber parce qu'elle préfère avoir mal - avec le temps on en vient presque à l'aimer, cette souffrance familière - que voir les autres aux prises avec ce genre de sentiments. « C'est courageux d'être resté quand même. Je sais pas si beaucoup en auraient été capable. » Elle, non c'est sûr. Si la production voulait plus d'elle, elle serait partie, elle se serait évanouie avec la délicatesse discrète qu'est la sienne mais Paloma n'aurait pas eu la force de caractère de rester, Mallaury, si.« T'es content de ton parcours... avant ça ? » dit-elle en s'asseyant sur le premier lit à sa portée, l'enjoignant à faire de même.

Mallaury la rassure sur sa potentielle présence en finale et Paloma hausse distraitement les épaules, une fois encore. C'est gentil, vraiment gentil, d'affirmer ces choses-là mais ça change rien. Même si elle est parvient à atteindre la finale ça changera rien à la révélation des secrets, ça changera rien à l'éviction de Mallaury ou à l'élimination de Ghika et Paloma n'est pas égoïste. Elle a besoin des autres pour profiter et elle aurait préféré accéder à la finale en compagnie de ceux qui lui sont chers. Il en reste de cette famille là, encore heureux, mais plus beaucoup. Ses rangs ont subi de sacrées pertes dernièrement et Paloma se sent un peu étrangère à l'effervescence du nid. La semaine commence tout juste mais elle pèse déjà lourd. « On verra bien dimanche mais dans tous les cas c'est pas grave, c'est pas le plus important » souligne Paloma dans un sourire. « Le plus important c'est les rencontres qu'on a faites ici non ? J'espère qu'elles valent plus qu'une place en finale ou qu'un gros chèque à la fin » Elle pourrait donner sa place en finale, Paloma, si elle avait l'assurance que les gens qu'elle aime ici vont rester près d'elle, que c'est pas que des rencontres éphémères parce que la place qu'elle leur a creusée dans son palpitant tout amoché elle est spacieuse, pas temporaire. Paloma entraîne Mallaury à sa suite dans la première chambre à sa portée pour se soustraire au combo perdant que sont les miroirs et les lumières agressives et ça fait du bien de retrouver une atmosphère feutrée et intimiste. Elle prend place sur un lit, elle espère que ça dérangera pas le propriétaire mais en attendant de le découvrir elle prend pas de place. Elle s'y laisse choir avec la légèreté d'un colibri, la grâce d'un papillon comme si elle voulait pas froisser la couette, pas marquer l'empreinte de sa présence. « Si c'est courageux de rester ici alors qu'on te veut dehors. Juste pour nous. » Un sourire tendre s'étire sur ses lèvres quand elle lâche son dernier mot, comme pour la ponctuer et appuyer sur le nous qui réchauffe le coeur. « J'aurais pas réussi, moi. Je crois que j'aurais été trop mal à l'aise. » Paloma ne s'impose pas, nulle part, jamais. Si on l'avait exclue elle aurait pris la porte sans un mot, la tête basse et des questions plein la tête parce qu'elle a pas la force de caractère nécessaire pour agir autrement. Mallaury, lui, l'a. Derrière sa gentillesse, derrière sa timidité et sa confiance en lui qui frôle le niveau d'la mer, il en a dans le ventre. Plus qu'elle et plus que beaucoup ici ceux qui l'ont raillé inclus. Mallaury s'installe près d'elle et Paloma pivote légèrement pour pas le perdre du regard, pour être en face de lui et l'remercier doucement d'un « Merci » tout simple, soufflé du bout des lèvres jusqu'à ce qu'il rejoigne les siennes. Merci d'être là en soutien, merci d'pas être parti pour les regarder de loin. C'est quelqu'un de bien, Mallaury, vraiment. Et il a pas de quoi rougir de son parcours, tellement qu'elle pige pas pourquoi il en est pas fier. Il a été chaleureux, droit, toujours à l'écoute, apprécié de tous, pas une connerie qui blesse ou de mauvaises décisions à regretter, non, vraiment, si on laisse de côté son exclusion inexpliquée - ou inexplicable ? - il a un parcours sans faute. Paloma laisse sa main glisser doucement sur la sienne dans le genre de geste tout con qu'elle met deux mois à oser esquisser. C'est juste un soutien, juste ses doigts qui disent que son parcours, il est beau. « T'as de quoi être fier pourtant t'as fait l'unanimité et moi j'te voyais déjà gagner » Y'a un sourire confiant qui s'invite sur ses lèvres pleines parce qu'elle croit à son instinct. Il la trompe rarement même si souvent il est là que pour indiquer des catastrophes, des mauvais pressentiments qui se réalisent et tout un tas de joyeusetés. Oh, il est pas mauvais son instinct mais il se manifeste rarement, trop souvent mis en sourdine par un coeur prompt à s'emballer, à s'enchaîner à d'autres sans rien voir, sans rien entendre. « Si tu pouvais changer quelque chose à ton aventure ce serait quoi ? » Elle l'interroge avec une curiosité sincère dans le regard, placide. Il doit bien avoir des regrets, Mallaury, s'il est pas si fier que ça de son aventure. Il devrait pas, selon elle, mais elle est mal placée pour l'juger parce qu'il y a des tas de choses qu'elle aurait faites différemment si on lui en donnait l'occasion. Bon peut-être pas des tas mais quand même quelques-unes mais dans son état d'esprit actuel, d'aujourd'hui, c'est carrément sa participation à ce jeu qu'elle remettrait en question parce qu'on peut pas dire que les buts poursuivis aient été atteints... Mallaury exprime ses doutes - légitimes - et les doigts de Paloma se referment plus étroitement sur sa main alors que son visage de poupée affiche sur ses traits fins une moue désapprobatrice. Faut pas qu'il pense comme ça, c'est pas ce qui arrivera. « Impossible. T'as tout un parcours derrière toi, il intéressera plus les gens que ta sortie. » Elle ancre dans ses prunelles un regard doux et ferme à la fois, pas dénué d'tendresse mais qui le fixe, perçant, juste pour lui planter dans l'esprit ce qu'elle pense. Mallaury ne pourra jamais être réduit à son éviction. Ca aurait pu être le cas s'il n'était qu'une poignée de semaines dans le jeu, s'il avait eu des conflits pouvant justifier une telle décision et ce genre de choses qui font parler. Mais c'est pas son cas. « Ça te fait pas peur l'effervescence qui entourera ta sortie ? » Leur sortie, en fait, mais Paloma compte bien s'évaporer comme d'la vapeur d'eau pendant quelques temps, jusqu'à ce que ça retombe. Jusqu'à ce que d'autres deviennent le centre d'intérêt.