+ ARIADNE

J'ai toujours détesté ce sentiment qui m'envahit dès que je me sens un peu trop entouré, comme si le simple fait de sentir d'autres personnes autour de moi avait le don de m'étouffer. Peut-être parce que je ne peux jamais prévoir ce qu'ils vont faire, parce que j'ai toujours du mal à anticiper les choses, ou bien parce que je ne suis tout simplement pas à l'aise. Beaucoup de choses, beaucoup de détails font qu'il m'est plus aisé de vivre seul qu'accompagné. Je dois bien avouer qu'il me plairait bien d'être un peu plus sociable parfois, ne serait-ce que pour capter des sourires, des intentions. Je ne suis pas comme ça, et je crois que depuis le temps j'aurais du m'y faire, sauf que ça n'est pas le cas. Peut-être suis-je simplement trop exigeant envers moi-même. Observant les feuilles s'entre-choquer les unes aux autres, je tente tant bien que mal de me repérer dans ce qui semble être un chemin vers l'infini. Il ne s'arrête jamais, une ligne droite semée d'embuches, et si je suis quelqu'un ayant toujours été proche de la nature, il fallait bien avouer que la forêt n'était pas franchement le milieu dans lequel je m'épanouissais le mieux. Tant pis. Le principal étant de s'éloigner au maximum, il le faut bien. Je reviendrai plus tard, lorsque les choses se seront calmées, en attendant le soleil lui s'est fait la malle et a emporté tout ce qui me restait de visibilité. Tant pis. M'enfoncer dans les bois ne me faisait pas peur, principalement parce que j'avais bien conscience que la production ne se risquerait pas à faire mourir un candidat en direct, nous n'étions pas non plus dans une émission révolutionnaire. Celle ci prônait l'amour, non pas la mort. Appuyant ma paume contre un arbre, j'enjambais tant bien que mal un tronc à moitié échoué, alors qu'une silhouette s'esquissait peu à peu face à moi. « Tu rentres au campement ? » loin de moi l'idée de l'accompagnée, c'était plus une forme de politesse que de lui demander.

Petit, j'avais toujours été ce gamin que l'on laissait dans un coin, près de la fenêtre, probablement trop rêveur. Je n'étais pas le cliché de l'incompris de service, non, c'était plutôt moi qui avait toujours eu du mal à comprendre l'environnement dans lequel j'évoluais. Je m'étais toujours senti en décalage, comme si mes prunelles bicolores ne suffisaient pas à me rendre étrange. Car étrange, je l'étais malgré tous mes efforts. Tout le monde me le disait, et lorsqu'il ne s'agissait pas de paroles articulées, de simples regards pouvaient en dire bien long. Parfois, j'étais simplement heureux de vivre dans mon univers à moi. Les autres défilaient à la vitesse de la lumière, j'avais toujours du mal à suivre mais au final ça n'était pas plus mal que ça lorsque je réalisais que non, je n'avais au final pas besoin d'autres personnes pour agrémenter ma réalité. Evidemment, tout n'était pas aussi simple et il me fallait bien plus que moi même pour combler tout un espace, je m'en rendais peu à peu compte au fur et à mesure que le temps s'écoulait. Que je grandissais. La jeune femme ne se rendait pas au campement, et malgré moi, je ne pouvais m'empêcher de détailler les traits de son visage, presque trop parfaits pour être réels. Elle ressemblait à une poupée, le genre de poupée que l'on aimerait garder bien au chaud. Que l'on ne veut surtout pas abimer. Autant dire que ça n'était pas gagné dans un environnement comme celui ci. « Non, bien sûr. » Je me sentais atrocement gêné, comme si sa simple présence réussissait à me déstabiliser. Pourtant il n'y avait pas de raison, nous ne faisions que marcher. J'étais juste sacrément ennuyeux. « Je suis Clarke, au fait. » tentais-je maladroitement pour meubler ce silence qui devenait presque oppressant... moi qui y était pourtant habitué. Mon confort semblait peu à peu s'effriter. « Je ne comprends pas encore bien le concept de cet endroit. Il y a un but à tout ça, d'après toi ? » finis-je par reprendre légèrement pensif, alors que mes prunelles se déposaient sur la jeune femme.

Je ne comprenais pas vraiment le but de toute cette mascarade. Lâcher quarante personnes dans un contexte presque totalement différent de celui de l'émission de base juste pour voir si ils étaient capables d'endurer le choc. Certains avaient déjà renoncé d'ailleurs, ça n'était pas mon cas. A vrai dire je ne me sentais pas particulièrement en danger dans ce nouvel environnement, non, comme s'il s'agissait simplement d'une nouvelle expérience. La jeune femme me donnait son nom et je hochais la tête pour lui faire comprendre que j'avais enregistré l'information. Continuant de l'observer bien malgré moi, je lui demandais donc ce qu'elle pouvait bien penser de tout ce contexte. Et elle me répondait que c'était simplement pour nous tester, ce qui me paraissait logique au final. Elle me demandait ensuite si je pensais avoir mes chances, et là je devais bien avouer que je n'en savais pas grand chose. « Apparemment. » repris-je d'une voix calme, ton pas franchement certain. Oui puisque je me retrouvais ici, c'est que la production avait envisagé mon potentiel. « Enfin, je n'en sais rien à vrai dire. » soufflais-je finalement avant de lui retourner la question. « Et toi ? »