Ft @Sayid
Le thé fait partie des choses que je pourrais boire sans aucune modération et forcément, j'ai directement craqué lorsque j'ai découvert cette pièce dans l'hôtel où nous sommes logés pour une durée indéterminée. J'avais évidemment prévu le coup et avait réservé le moment idéal pour m'y rendre et profiter pleinement du lieu. C'était cet après midi que j'avais planifier mon petit moment thé, à l'heure du goûté. Je suis quelqu'un qui a toujours connu des horaires très stricts alors il ne faut pas compter sur moi pour me lever à deux heures de l'après-midi et déjeuner à quinze heures. Non, moi, je suis quelqu'un d'organisé qui fait les choses au bon moment. Ce moment est donc le bon pour prendre un thé et même si je suis seule et si je n'ai personne avec qui discuter, cela ne me chagrine pas tant que cela. Délicatement, je prends place autour de la table en rotin et dépose la tasse pleine d'eau chaude que j'ai préparé. Du bout des doigts, je dépose le petit sachet de fruits rouges dans l'eau bouillante. Je le fais valser d'un côté à l'autre de la tasse en regardant la couleur de l'eau changée progressivement. Du transparent, elle passe à un ton de brun, pas opaque cela dit. Je ne porte pas tout de suite la tasse à mes lèvres, le contenu étant très chaud je n'ai pas envie de me brûler la langue. Distraite, je me laisse quelques instants pour vagabonder dans mes pensées. Je continue de faire danser ma cuillère dans le récipient sans pour autant regarder ce que je fais réellement. Si bien que j'en reverse une infime quantité sur la table et même si cela n'est pas grand chose, ça m'ennuie.  «Merde, fait chier» J'ai bien conscience que cela n'a rien d'élégant de jurer de la sorte mais les mots se sont échappés de mes lèvres. Et je pensais d'ailleurs être seule mais cette silhouette masculine se trouve dessinée devant moi et j'ignore depuis combien de minutes il se tient à cet endroit. «Désolée. Pour les jurons.» Si jamais il les a entendu, je préfère m'excuser tout de suite. J'attrape finalement une serviette en tissus pour réparer ma bêtise et d'un geste rapide et adroit, j'éponge le peu de liquide qui risquait de tâcher la table. «Je suis Mack. Mackenzi en fait.» Ajoutais-je puisque je ne me rappelle pas d'avoir eu la chance de le rencontrer lors de notre première semaine au milieu de la nature.

Bien que Sayid ne remette pas un instant en cause la beauté et le côté luxueux des lieux, et particulièrement des intérieurs, sa nature profonde le ramenait malgré tout inlassablement vers l'extérieur, là où la sensation d'enfermement lui était la moins forte. Il n'avait pas quitté Londres depuis si longtemps pourtant, deux années ce n'était pas grand chose dans la vie d'un homme et avant cela il avait connu comme beaucoup de londoniens les joies de la vie en appartements minuscules dans la périphérie. Mais il s'était habitué à la vie en extérieur et aux grands espace à une vitesse fulgurante et maintenant même les plus grandes demeures ne le faisaient plus se sentir à l'aise, comme si en s'établissant en bordure de Kinshasa Sayid avait trouvé ce dont son inconscient avait toujours eu besoin pour aller mieux. Il gérait ses émotions et son rapport aux autre plus aisément, et en cela sa présence ici l'angoissait un peu, parce qu'il peinait encore à s'ajuster et ne savait pas combien de temps il lui faudrait pour y parvenir. Ayant en tout décidé qu'il était de nouveau temps pour lui de sortir s'aérer, il avait décidé d'aller faire un tour jusqu'au jardin japonais, sans se douter que sur le trajet son attention serait retenue par une odeur bien particulière. Avoir vécu en Angleterre pratiquement toute sa vie et avoir été élevée dans une famille native du Moyen-Orient ne laissait à Sayid presque aucune chance de ne pas être un amateur de thé, et à vrai dire si les sucreries en tous genres étaient son premier pêché, le thé arrivait en second lui, devant tout le reste. Très peu de chance qu'il puisse goûter à celui-ci pourtant puisqu'arrivant finalement jusqu'au salon d'extérieur il avait trouvé une candidate affairée à éponger le contenu de la théière qu'elle venait de renverser. « Merde, fait chier. » Le langage avait fait tiquer Sayid, globalement parce que cela lui était parfois suffisant pour trouver une personne agressive même lorsque l'intention n'y était pas, et plus subjectivement parce qu'il trouvait à Mackenzi un air raffiné qui ne cadrait pas avec les mots qu'elle venait d'employer. Il comprenait avec difficulté les paradoxes, incapable de se rendre compte qu'il en était parfois un à lui seul. « Désolée. Pour les jurons. » Venait-il encore de réfléchir à voix haute ? Marquant un léger temps de réflexion, il n'avait toutefois pas eu le loisir de répondre à cette interrogation puisque la jeune femme s'était présentée « Je suis Mack. Mackenzi en fait. » et lui avait donc préféré enterrer le sujet et faire comme si de rien n'était. Au lieu de ça il était contenté de répondre d'une voix calme « Je sais. » Il n'essayait pas d'être présomptueux, c'était simplement un fait. Il avait retenu le prénom de tout le monde déjà la semaine précédente, même s'il n'avait en revanche pas eu l'occasion d'échanger avec chacun des candidats. Par méfiance ou pas manque d'occasions, principalement. « Sayid. » avait-il par ailleurs rajouté en réalisant que lorsque l'on se présentait à lui c'était généralement pour qu'il en fasse de même. « Américaine ? » Elle avait un de ces accents facile à repérer, un accent prononcé qui faisait forcément tiquer son oreille de britannique, et pas assez familier à son oreille pour venir d'un autre coin du Royaume-Uni que le sien. « C'est l'odeur du thé qui m'a attiré ici. » Passant du coq à l'âne sans que cela ne lui paraisse anormal, il avait une nouvelle fois décidé de dire ce qui lui passait par la tête sans se soucier de si c'était réellement utile à la conversation.

Il me dit qu'il sait. Il connait donc mon prénom, ce qui me laisse penser qu'il a certainement été beaucoup plus attentif que moi aux prénoms des autres jusqu'à maintenant. J'aurais certainement dû l'être aussi, cela m'aurait peut-être permit de marquer des points auprès des autres mais il est désormais trop tard pour revenir en arrière et pour regarder une nouvelle fois tous les magnétos qui furent diffuser lors de ce premier prime. Je vais devoir apprendre le prénom de mes camarades par moi-même. Et heureusement pour moi, le jeune homme ne m'oblige pas à lui poser la question fatidique puisqu'il se présente de lui-même. Sayid donc. Je retiendrais forcément puisque ce prénom me fait pensé au personnage de Lost, une des rares séries sur laquelle je me suis attardée. «C'est marrant, je n'aurais certainement pas parié que c'était celui-ci ton prénom.» Je l'imaginais sans aucun doute avec un prénom plus américain, un prénom que j'ai un peu plus l'habitude d'entendre. «Je t''aurais sans doute appeler Andrew ou Thomas.» Il ne me semblait pas très bavard mais cela ne me dérangeait pas tellement, je pouvais très bien faire la discussion pour nous deux si il trouvait cela plus facile. Il pouvait continuer à utiliser son format de phrase, c'est à dire un mot, si cela était une habitude pour lui. Parce que même ses questions se posent en un seul mot. Seule l'intonation change lorsqu'il me demande si je suis américaine. Je suppose que c'est mon accent qui m'a trahis pour le coup et encore une fois. J'ai un peu plus de mal à identifier son accent puisqu'il parle très peu et je préfère ne pas prendre de risque en lui imaginant une nationalité qui serait aussi fausse que les prénoms que je lui aurais attribué. «Oui,je suis américaine. De Miami. » Sans qu'il ne me demande plus d'information, je prenais l'initiative de citer la ville dans laquelle je vis depuis que je suis revenue aux Etats-Unis. «Et toi, tu nous viens d'où Sayid ?» Le questionnais-je en portant la tasse à mes lèvres, lapant une gorgée bouillante du thé que je m'étais préparé. Le thé et son odeur qui l'avait mené jusqu'à moi. «Est-ce que tu veux que je t'en prépare un ?» Lui demandais-je gentiment après avoir reposé ma tasse sur la table. Cela ne me gênait aucunement, j'aime un peu trop me sentir utile.

La jeune femme faisait partie de ces personnes qu'il avait observé durant la première semaine sans forcément oser aller à leur rencontre, parce que faire la conversation et aller vers les autres ne faisait assurément pas partie de ses attributions et qu'il estimait déjà avoir fourni énormément d'efforts durant les abysses puis depuis le début de cette semaine ... Pour certains ce n'était peut-être rien, mais pour lui c'était un pas immense. Il avait donc observé Mackenzi à la dérobée, à plusieurs reprises, comme il l'avait fait avec pratiquement tous les candidats parce que Sayid avait besoin de ça pour apprendre à se laisser approcher par les autres, pour ne pas avoir la sensation d'être totalement hors de contrôle sur la situation. Pour autant il ne savait rien d'elle ou presque, il connaissait déjà son prénom comme il le lui avait fait remarquer, avant de lui donner le sien pour qu'ils soient à égalité. « C'est marrant, je n'aurais certainement pas parié que c'était celui-ci ton prénom. » Ah oui ? Il s'apprêtait à lui demander pour quelle raison et quel prénom aurait-elle imaginé à la place, mais elle avait répondu d'elle-même « Je t'aurais sans doute appeler Andrew ou Thomas. » Il avait grimacé légèrement, ça avait été plus fort que lui. Pas qu'il n'ait quelque chose contre les Andrew ou les Thomas, du tout, mais cela lui paraissait totalement improbable, et d'ailleurs de part sa culture, ses origines et l'homme et la femme qui l'avaient élevé les chances de s'être appelé ainsi étaient tout simplement nulles. « C'est arabe. » avait-il simplement répondu comme si cela suffisait à expliquer le pourquoi du comment. Son accent à elle ne trompait en tout cas pas, selon lui, sur la région du monde dont elle était originaire, et en supposant à voix haute qu'elle vivait dans le pays où ils se trouvaient tous actuellement il était pratiquement certain de tomber juste. « Oui, je suis américaine. De Miami. » Il avait acquiescé d'un signe de tête, signe qu'il avait noté ce qu'elle venait de dire. Miami, il n'en connaissait que les allées de palmiers que l'on pouvait en voir à la télévision, mais comme tout le reste des États-Unis cela restait des lieux qui lui étaient inconnus, son seul voyage dans le coin antérieurement à l'émission résidant en un stage de quelques semaines au zoo de San Diego. « Et toi, tu nous viens d'où Sayid ? » L'observant tandis qu'elle portait sa tasse de thé à ses lèvres, il avait répondu de son ton toujours aussi neutre et monocorde « Londres. Mais je n'y vis plus, je travaille en RD Congo. » C'était un peu les deux extrêmes, et c'était sans doute pour ça que Sayid ne savait pas qu'il avait besoin et envie de ce mode de vie différent avant d'y avoir été confronté. Maintenant Londres lui paraissait étranger, agressif, bruyant ... Cela restait la ville de ses souvenirs, les bons comme les moins bons, mais il avait la sensation que ce n'était plus vraiment chez lui. Une réflexion sur le thé finalement, ce thé qui l'avait attiré ici aussi aisément que le sucre attirait les abeilles. « Est-ce que tu veux que je t'en prépare un ? » Il aurait pu avoir l'impression d'abuser de sa gentillesse, tout comme elle aurait pu ne pas proposer en se disant qu'il était assez grand pour faire ça tout seul, mais puisqu'il n'en était rien il s'était contenté de répondre « Si ça ne t'embête pas. » et de s'installer sur la chaise qui faisait face à celle de la jeune femme, de l'autre côté de la table. Un léger sourire se dessinant sur les lèvres du britannique, pareil à celui qu’arborait discrètement la jeune femme il avait commenté « C'est pourtant plutôt un truc de chez moi ça, le thé. » Lui aurait-on d'ailleurs menti en lui affirmant que les américains étaient des ignorants en matière de thé, trop accros à leur café. Alors qu'en Angleterre le thé avait une valeur presque sacré, presque aussi sacré que l'était la Reine. « Tu avais d'autres suppositions à mon sujet ? Outre que je puisse me nommer Andrew ou Thomas. » C'était toujours intéressant, de savoir ce que l'on renvoyait comme image à un ou une inconnu(e). De savoir ce à quoi les gens pensaient lorsqu'ils vous regardaient sans vous connaitre. Et Sayid était soudainement curieux.