Au lendemain de cette soirée de prime mouvementé, le réveil est plus que pénible. Tiens, je ne me souvenais pas d’avoir autant de muscles, c’est idiot comme ils sont soudainement tous endoloris au même moment. Peut-être que je me suis donnée un peu trop, hier soir, lors de notre joute de paintball… et c’est à peine si mon équipe n’a pas frôlé le dévoilement des indices – je crois qu’à peine une dizaine de points nous séparaient des perdants. Tout ce mal pour si peu, c’est déroutant. Et maintenant, j’en paye les conséquences. Quoiqu’au moins, je peux me réjouir d’être toujours dans le jeu. Première après les votes du public, ça me fait comme une petite fleur, bien qu’il y ait une petite touche à mon bonheur, avec cette décision que j’ai dû prendre en fin de soirée, conduisant à l’élimination d’Istvan. Je ne regrette pas d’avoir fait ce choix, ça ne sert d’ailleurs à rien que je conserve de remords face à toute cette histoire : le jeu est ainsi fait, et je m’y suis soumis comme n’importe quel candidat dans ma position avant moi. La seule chose qui me reste au travers de la gorge, c’est l’abandon soudain d’Ariadne, que j’ai choisi de sauver face à ces deux adversaires. Mais qui suis-je vraiment pour la juger, elle avait surement ses raisons… Réussissant à m’extirper du lit, et après avoir passé une bonne demi-heure sous la douche chaude sans en ressentir les bienfaits, je croise ma partenaire dans un couloir. « Mes vieux muscles me font souffrir, je vais me réfugier dans le spa, tu m’accompagnes? » Sa réponse ne tarde pas à venir, et elle décide de me tenir compagnie. Nous ne tardons d’ailleurs pas à rejoindre ce paradis de la détente. Je jette un coup d'oeil à la pièce, indécise. Rare sont les fois où je visite des lieux pareils - je préfère me ressourcer dans la nature que dans des spas. « Qu’as-tu envie de faire? Les bains à remous, le hammam, le sauna… C’est pas les options qui manquent. »  Je n’avais aucune idée du meilleur choix quant à ma condition de personne courbaturée. Peut-être pourrait-elle me conseiller. Maman Joey avait réponse à tout.

Ma peau était aussi porteuse de marques laissées par les balles de notre affrontement d’hier, et même si certaines s’en trouvaient très douloureuses, j’appréciais chacune de ces marques puisqu’elles démontraient que j’avais débattu comme les autres pour que mon équipe ne termine pas en dernière place. À bien peu de choses près, je devais l’admettre, mais c’était mieux que rien. Par ailleurs, chaque cicatrice que mon corps portait me rappelait à quel point j’étais vivante, et ça, ça n’avait pas de prix. J’étais fière de les montrer, n’ayant aucune honte à afficher ma peau imparfaite. Je n’étais pas comme ces femmes qui tentaient de tout camoufler, même les signes du vieillissement, loin de là. Ça faisait partie de la vie, voyons, il fallait les apprécier. Bien peu était pourtant du même avis. Joey accepta sans broncher mon invitation, il faut dire qu’à voir l’état dans lequel elle se trouvait aussi, mon invitation tombait à point. C’est à la porte du spa que l’on se retrouva, et je la questionnais quant à savoir ce qui serait le meilleur choix pour soigner nos corps meurtris. Les bains à remous fut sa proposition, et j’acquiesçais, la secondant dans cette décision. « Ce n’est pas comme si on avait autre chose à faire, de toute façon. » Notre seule occupation étant d’exister et de profiter de ce que Cupidon avait mis à notre disposition, disons que la tâche n’était pas bien ardue. J’imitais donc ma partenaire en me débarrassant de mon peignoir, laissant entrevoir quelques marques bleutés sur ma peau, plus majoritairement sur mes jambes qui furent les cibles privilégiés par mes adversaires.  D’autres blessures ornaient ma peau, certaines plus anciennes, d’autres plus récentes. Chacune avait son histoire. Je commençais doucement à plonger mon corps dans l’eau chaude des bains quand ma partenaire parla d’Ariadne. Mon visage s’assombrit, l’ombre d’un court instant. « Non, pas vraiment. J’ai voulu lui laisser sa chance de faire ses preuves, lui faciliter les choses, mais elle a préféré partir. C’est sa décision, et je la respecte, tout comme j’assume complètement la mienne. » Je n’aurais pas pu prévoir qu’elle déciderait de quitter le jeu : elle semblait plutôt vouloir se battre pour sa place. Visiblement, il s’était passé quelque chose, j’ignore quoi, dans sa tête pour la faire changer d’avis. J’allais peut-être apprendre la vérité un jour. Ou peut-être pas.