La semaine passait doucement, on était déjà mardi et j’avais passé vraiment beaucoup trop de temps dans mon lit, ou dans les fauteuil.. Bref. J’étais un grand paresseux et c’était pas dans cette maison que j’allais perdre cette habitude. Mes sœurs commençaient déjà à me manquer, l’une d’elle était en fauteuil roulant depuis une catastrophe que nous avions vécu en Thaïlande, l’autre s’en occupait donc en mon absence. Elle étaient jumelles et de toute manière elles ont toujours préférées être ensemble. Je continuais a visiter la maison, poussant des portes au hasard quand j’entrai dans une pièce plus petite que les autres, dont les armoires allaient du sol au plafond et était remplie de livres, des tonnes et des tonnes d’objets assommants que je n’aimais pas spécialement ouvrir. Cependant, il y avait un fauteuil ! Et dans ce fauteuil, un jeune homme. Nathan. Oui lui je me souvenais de son prénom… « Salut. » dis-je, ne me présentant pas, je me rappelais de son prénom, il pouvait en faire autant non ?

feat. Nathan

Mardi. Que faisais-je chez moi le mardi dans ma luxueuse maison ? Dormir jusqu'à midi, me faire servir mon repas dans ma chambre, enfiler mon caleçon de la veille, surfer inlassablement sur internet, sortir et fumer jusqu'à n'en plus pouvoir pour enfin essuyer une énième réprimande de mon père. Tel était mon quotidien parisien qui me manquait horriblement depuis que j'avais élu domicile dans la campagne irlandaise il y avait quelques mois déjà. Végétant sur mon lit, je décidai en ce milieu d'après-midi d'aller finalement à la rencontre de la baltringue d'Abygaëlle poussant tour à tour les portes qui bordaient les couloirs sinueux de notre habitation. La jeune blonde semblait s'être volatilisée et j'abandonnai bien rapidement mes recherches, préférant me laisser tomber dans un fauteuil situé au beau milieu d'une étroite pièce, celle-ci renfermant une bibliothèque densément remplie. Je m'apprêtai alors à m'assoupir lorsque des bruits de pas vinrent résonner dans la pièce, suivis d'un ridicule « salut ». J'arquai un sourcil, les yeux mi-clos, distinguant mal la silhouette de la personne qui s'était adressée à moi.

Tu déranges le sommeil de l'intellectuel là, je repose mon esprit qui vient d'assimiler des connaissances plutôt complexes.

J'ouvris finalement un œil avec peine, faisant face à un jeune homme dont le prénom m'était étrangement resté en tête.

Ah Keane, c'est toi. Je pensais devoir impressionner l'une des morues dont regorge cet hôtel, ta voix m'a parue légèrement féminine. Enfin si on peut appeler ça des filles... Soit. Tu viens ici pour te donner l'air intelligent ou tu l'es vraiment ?

Je ponctuai ma déclaration d'un sourire complice, lui faisant ainsi comprendre qu'il s'agissait là de prendre mes déclarations à la légère et non, au pied de la lettre comme l'auraient fait certains.

Ouais, ainsi ce Nathan était réellement quelqu’un de suffisant. Bon, je ne jugeais pas, pas dès la première parole sortie de sa bouche, j’allais lui laisser quelques minutes mais une fois mon idée faites, elle serait ancrée et, comment dire, impossible a enlever. Puis il ouvrit un œil et remarqua que c’était moi, ainsi il avait retenu mon prénom lui aussi ? Tant mieux, de plus l’attitude qu’il avait eue était bien plus amicale, plus simpliste. Je souris, m’asseyant dans un fauteuil qui se trouvait là, je me calai bien dans ce fauteuil qui vraiment était très confortable, je comprenais pourquoi le jeune homme aurait pu s’endormir ici bien que je doute qu’il ai ouvert un livre, n’en voyant aucun aux alentours. « J’ai la prétention de croire que je ne suis en tout cas pas idiot… » dis-je avec un sourire, pourtant totalement franc et sincère. « Ah, si les filles ne te plaisent pas, tu peux toujours te tourner vers les hommes ! Enfin, chacun son truc comme on dit. » ajoutais-je, je disais ça mais bon, je n’étais ni hétéro, ni homosexuel. Pour moi on ne tombait pas amoureux d’un corps, d’un sexe, mais plutôt d’une personne… D’une âme. Enfin l’amour, si ça existe vraiment cette connerie… Non, c’était clairement pas fait pour moi, j’étais une âme libre et pas prêt a m’enchainer a une femme – ou un homme – de la sorte. Je l’avais fait une fois, j’avais aimé, ou j’avais cru aimer, puis plus rien. Ben voilà, c’est ça la vie ? Hm. Pas d’accord, j’aimais mieux l’amitié qui elle, n’avait pas de date d’expiration.

L'intelligence. Voilà un concept qui ne faisait absolument pas partie de ma personne. Ayant arrêté l'école du jour au lendemain avant même le lycée, j'avais toujours gardé des souvenirs affreux de ma courte scolarité. Résultats médiocres, professeurs tyranniques et gifles qui pleuvaient lors de la remise des bulletins trimestriels, je devais avouer que cette expérience m'avait pour le moins traumatisé. Par ailleurs, j'étais toujours resté l'ignorant que j'étais lors de mes cinq ans, portant avec difficulté le poids de la déficience mentale et surtout du manque de culture, fait qui me valait de nombreux de reproches de la part de ma famille. Mon père sans cesse plongé dans ses journaux, ma mère dévorant un à un tous les Marguerite Duras qui lui tombaient sous le bras, il fallait dire qu'un large fossé se creusait entre leurs capacités et les miennes.

Ah ça doit être cool, honnêtement je suis un crétin fini. Mais bon, un peu d'originalité ne fait pas de mal.

Dans mon élan d'auto-dérision, je haussai les épaules innocemment, faisant don d'un merveilleux sourire à mon interlocuteur qui par sa suivante déclaration fit retomber toute la gaieté qui m'animait. Je haussai un sourcil, perplexe et presque vexé.

Non attends, j'ai vraiment une tête de gay ?

Aussitôt je dégainai un ridicule miroir de poche que j'avais volé à Abygaëlle dans la nuit, puis me levai pour venir m'asseoir sur l'accoudoir du fauteuil où siégeait Keane.

Avant d'exploser ce truc et d'éparpiller les débris sur le matelas d'Aby je veux être sûr d'un truc. Fixe ton reflet et laisse faire l'artiste. (...) Miroir mon beau miroir, dis-moi qui est le plus gay de nous deux ?

Je laissai un temps le suspens s'installer puis vins me rasseoir à ma place dans le silence le plus complet sans jamais quitter les prunelles du jeune homme.

Me voilà rassuré, c'est toi que le miroir a désigné. Je radote sans doute mais vu comment on est fournis en cachalots il fait bon être homosexuel ici.

Ce gars était donc un crétin… Ouais bon comme il le disait lui-même, ça faisait du bien un peu d’originalité puis il n’avait pas vraiment l’air particulièrement gêné par le fait d’être un ignare. Bah après tout, tant mieux pour lui, personnellement je m’intéressais a tout, absolument à tout, et je retenais assez facilement donc j’étais quelqu’un de cultivé. Déjà petit je regardais assez souvent les journaux télévisés – j’ai d’ailleurs jamais compris pourquoi les gens n’aimaient pas ça, moi j’avais besoin d’être informé et puis surtout j’aimais ça, savoir ce qu’il se passait dans le monde. Je n’aimais pas ne pas savoir, tout simplement. Je suppose que c’était donc une caractéristique qui faisait de nous deux personnes totalement différentes.
Je ne m’attendais absolument pas a ce qu’il se lève et vienne près de moi avec son ridicule miroir qui enfaite faisait très gay il faut le dire. Enfin il semblait vexé le pauvre, pourtant je ne voyais pas personnellement le mal la dedans. Je n’étais pas gay mais bon… Pas hétéro non plus alors je ne pouvais sans doute pas comprendre, j’imagine. J’eus un rire quand il déclara, en retournant s’asseoir avec son petit miroir, que j’étais le plus gay des deux. « Etant bisexuel je le suis forcement plus que toi ! » dis-je en riant. Il m’étais apparu clair et net que le jeune homme était de ceux qui jouait dans l’équipe d’en face comme on dit, enfin… Cette expression était débile, et moi dans tout ça ? « Certes mais je ne trouves pas que niveau hommes nous soyons plus gâté… » ou si, il y avait lui qui était pas mal, ce Elyan, qui me semblait malpropre mais carrément canon, Soren… Ah oui Soren, et un jeune homme qui dessinait, bref. Enfaite il n’y avait que quelques hommes qui n’étaient pas à mon gout. Mais bon de toute manière c’est pas comme si j’étais là pour ça, loin de là.

« Étant bisexuel je le suis forcement plus que toi ! » A l'entente de cette phrase pourtant prononcée avec décontraction par mon interlocuteur, je ne pus empêcher mes traits de se déformer en une grimace quelque peu confuse. Ayant toujours vécu dans une famille peu tolérante et dont l'homophobie était presque devenue une valeur à transmettre, je n'avais jamais vraiment su me forger un opinion face à cette orientation sexuelle vers laquelle de plus en plus de jeunes s'orientaient. Le débat ne me passionnant pas vraiment, je tentai de décrisper mes traits pour ne pas attiser la curiosité de Keane. Involontairement je laissai s'installer un long silence après la déclaration du jeune homme, vraisemblablement perdu dans mes pensées. Un air niais s'empara alors de mon visage, je n'avais pas saisi un seul mot du candidat qui venait de s'adresser à moi.

Aheeem, oui.

Approuver était toujours la solution pour faire oublier un moment de dissipation mais mon embarras apparent renforçait d'avantage le malaise qui s'était installé. Je toussai bruyamment comme pour le chasser puis renchéris dans une autre direction sur une question qui m'intéressait davantage.

Ne me crois surtout pas intéressé mais, t'as quel âge ?

Mon Dieu le pauvre, il semblait soudain gêné après que je lui eus dit être bisexuel, c’était carrément trop con. Enfin je veux dire, c’était peut être pas sa faute, peut être qu’il avait été élevé dans une famille homophobe ou quoi, enfin les gens comme moi subissait et l’homophobie et la méprise des quelques homosexuels qui se sentaient… Vexé ? Par ce choix. C’était idiot et franchement dommage. Par contre lorsque qu’il me demanda quel âge j’avais, j’eus un léger rire avant de dire « Déstresse t’es pas mon genre ! Enfin, même si c’était le cas je ne te sauterai pas dessus ! J’ai 23 ans, et toi ? » demandais-je, toujours amusé par la réaction du jeune homme, pas vexé pour un sous, a force…