Curieuse. Indéniablement, cet adjectif la décrivait bien, et c'est une nouvelle fois cette curiosité insatiable qui la poussa à aller jeter un œil à cette piscine immense qui se trouvait à l'intérieur de la maison. A l'intérieur de la maison ! Est-ce que cela n'impressionnait qu'elle ? La petite pauvre venue du fin fond de l'Irlande n'avait sûrement pas fini d'être impressionnée dans ce jeu !
En arrivant dans la pièce, elle fût agréablement surprise de voir que la pièce était moins éclairée que tout le reste de la maison. Les factures d'électricité devaient vraiment peser lourd, Cupidon allait en perdre son latin en voyant le montant ! Nymphy enleva ses lunettes de soleil qu'elle avait porté toute la journée, elle avait vraiment l'impression d'être en vacances dans ce jeu et sa tenue - short et débardeur - le prouvait bien. Mais tant que la température intérieure restait la même, elle pourrait facilement arborer ce genre de vêtements à longueur de journée, même si le soleil n'était pas toujours présent.
La porte fermée derrière elle, elle alla s'installer en tailleur sur l'une des chaises longues, s'amusant avec ses cheveux, elle prit le temps d'observer l'homme, dont elle avait encore du mal à se rappeler le prénom, qui nageait. Lorsqu'il remonta à la surface, elle lança la conversation. « Est-ce que j'ai l'air nulle si je dis que la dernière fois que j'ai nagé, j'avais douze ans et que c'était pour un cours idiot et que j'ai fini en larmes parce que le prof' me poussait trop ? » Elle accompagna cette petite confession d'un rire enfantin. Ce genre de souvenirs paraissaient beaucoup moins terrible, des années plus tard. Et puis, ça l'amusait beaucoup de se rappeler que l'eau la terrifiait autant quand elle était gamine, elle qui semblait n'avoir peur de rien à cette époque.

Il n'avait pas perdu de temps pour répliquer que non seulement, oui, elle était nulle puis, ironiquement, qu'elle ne pourrait pas profiter de la piscine. A son tour, sans perdre une seconde, elle dit ce qui lui passait par la tête. « Je saurais vivre sans ! Et puis il y a nager et patauger dans l'eau. Je pourrais juste rester près du bord et m'y agripper et faire trempette tu sais ! J'adore avoir l'air pathétique, c'est pas ça qui m'arrêtera ! » Elle avait utilisé un ton tout aussi ironique que le sien. Si il voulait jouer à ce petit jeu – à qui répondra le dernier sur un ton ironique – elle était presque sûre de gagner. Parce que si les cours de natation avaient viré à la catastrophe, être prof du cours de sarcasme n'avait fait qu'entretenir l'art qu'elle maitrisait déjà parfaitement !

Puis, il décida qu'il était bon de lui proposer son aide. C'était, étrangement, le genre de situation où vous connaissez déjà la fin. Le garçon et la fille, dans l'eau, en maillot de bain ? Le garçon qui pose les mains sur le corps dénudé de la fille ? La fille qui a des étoiles dans les yeux d'apprendre à nager ? Cela pourrait se révéler tellement idyllique si Nymphaea était tombée amoureuse du garçon, ça ferait comme dans les histoires à l'eau de rose qu'elle enviait tant. Malheureusement, nous étions encore loin d'en être là, mais plus amusée qu'autre chose par tout ça, elle décida de jouer à la vierge effarouchée. « Tu veux dire que tu me verrais presque nue ? Et que tu poserais tes mains sur ma peau délicate ? Que mes petites mains viendraient s'agripper à toi comme à une bouée de sauvetage ? Nous deux, collés-serrés dans l'eau ?! » D'accord, c'était totalement sur-joué et la petite moue choquée qu'elle fit ensuite, en formant un gros « O » avec sa bouche, valait le coup d'œil, vraiment !
Elle reprit alors son naturel et ajouta sur une voix normale : « Non, je crois que je vais passer. Je me contenterais de patauger si je décide, par un graaaand hasard, de te rejoindre dans cette piscine ! » Un nouveau rire mutin traversa la salle puis elle se laissa tomber en arrière pour s'allonger pleinement sur le transat.

« La dignité, c'est très surfait de nos jours. Si tu es trop fier pour te permettre une petite honte amusante de temps à autre... Il faut savoir s'amuser parfois, même si ça remballe ta précieuse dignité. » Ce n'était même plus ironique, ce qu'elle disait. Bien entendu, elle avait toujours le challenge dans la voix, mais elle le pensait : sa dignité, elle n'en avait vraiment rien à faire. Certes, avoir un minimum de fierté ne pouvait pas être un défaut - tant que ce n'était pas à trop grande échelle - mais quand ça concernait le fait de s'amuser, elle ne donnait plus très cher de sa dignité.

Purement professionnel, des doigts de fées, rien que ça ? Elle lui lança un regard imperturbable, toujours ce petit sourire espiègle au visage. C'était amusant – et vu qu'elle s'amuse souvent d'un rien – d'avoir ce genre de petit échange. C'était gentillet mais Nympha' n'avait aucun mal à percevoir la touche de provocation. « Il y a toujours le petit bassin pour faire trempette. Oh et profiter de ton corps de façon purement professionnel, n'est-ce pas ? » Ce petit bout de femme était quelqu'un de très taquine, si on la lançait sur le sujet, elle pouvait continuer des heures durant et pour le moment, elle était plutôt bien partie. Puisqu'il semblait capable de lui répondre, elle n'avait aucun doute sur le fait que ça pourrait continuer encore quelques instants.
Et il se présenta enfin. « Nymphaea. » répondit-elle simplement lorsqu'il sembla lui demander qui elle pouvait bien être.

Un point pour la demoiselle. Entendre dire ça fût suffisant pour qu'un grand sourire de gamine s'affiche sur son visage. Elle n'était pas du genre à vouloir gagner tout le temps, elle n'était pas non plus mauvaise joueuse, mais personne ne peut nier le fait que cela fait toujours plaisir de gagner un point, aussi minuscule et inutile soit-il.

Puis, doute confirmé, c'était bel et bien de façon professionnelle qu'elle était censée profiter de son corps, qui, soit dit en passant, n'était pas mal du tout. Gabriel allait sûrement finir par s'habituer, mais Nymphy continua, encore et toujours, à plaisanter. « C'est ça le problème ! Je peux pas mêler vie professionnelle et plaisir ! Par contre, si c'était uniquement pour notre vie privée... là, je serais sûrement venue te rejoindre !  » Elle haussa légèrement les épaules, toujours souriante. Elle aimait bien le faire tourner en bourrique - tout comme elle aimait bien faire tourner le reste du monde en bourrique. Surtout s'il marchait, c'était d'autant plus amusant pour la jolie demoiselle, même si au bout d'un moment, il allait sûrement finir par se lasser. Elle, par contre, elle n'avait pas fini d'embêter le monde avec son humour parfois douteux.

« Origine botanique ! » rigola-t-elle en se redressant pour s'asseoir de nouveau en tailleur lorsqu'il demanda l'origine de son prénom. C'est vrai que ce n'était pas courant, pour ne pas dire totalement inconnu de la population. Mais soit disant que rien n'est jamais trop beau pour son enfant, et vu qu'on est censé pouvoir appeler sa progéniture comme on le souhaite (aucun rapport, mais peu importe ) ... « Je pourrais te raconter toute l'histoire qui poussa mes parents à choisir le mot « nénuphar » version scientifique comme prénom pour leur premier enfant, mais bon... Ça ferait déjà deux aveux sur ma vie et aucun sur la tienne alors... » C'était un moyen détourné pour lui en demander plus sur sa vie, puisque, après tout, le but était aussi de faire connaissance. Autant en profiter pour tendre la perche quand elle pouvait le faire.