Quand ça n'est pas l'envie de faire mumuse avec le mur projecteur pour se mettre en scène devant les paysages défilant qui l'amène dans cette pièce, ce sont les tapis sur lesquels il aime parfois s'allonger et qui font il faut bien le dire beaucoup de bien à son dos endolori par des années de mauvaise posture devant l'ordinateur. Mais aujourd'hui ce n'est rien de tout ça qui justifie sa venue dans la salle zen. En fait c'est tout con, il a eu vent grâce à un camarade de la présence d'un candidat dans la pièce et il s'est dit que le jour était des mieux choisis pour forcer une rencontre. Et aussitôt qu'il a passé la porte, on peut d'ailleurs déjà entendre Lamine s'exclamer « mec, j'te raconte pas les problèmes de conscience que je me tape depuis plusieurs jours ! » et sa source a dit vrai, à son entrée dans la pièce ses yeux ont tout de suite repéré Hugo dans un coin. Oui, aussi étonnant que cela puisse paraître, c'est lui qui l'amène. Il s'approche du candidat d'un pas alerte, et se laisse finalement tomber dans le fauteuil face à lui. Le moment lui semble approprié pour initier le dialogue avec ce type qu'il connaît bien peu, surtout de vue en fait, y'a notamment certaines petites choses qu'il doit lui dire depuis pas mal de temps et s'il ne le fait pas aujourd'hui, il ne le fera peut-être jamais. Il pourrait attendre qu'il y ait prescription mais non, c'est pas dans ses façons de faire ça. « je pense qu'il est grand temps de revendiquer mon action dans la laverie, tu sais, contre tes fringues et puis celles d'Adélie aussi. parce que j'suis passé aux aveux devant elle, mais toi, j'ai jamais trouvé le moment pour te le dire et ça me bouffe, t'as pas idée. » On va vachement croire que Lamine culpabilise pour un truc qu'il était si fier d'avoir réalisé il y a encore quelques jours. Non, bien sûr sa conscience se porte très bien mais il peut pas s'empêcher d'en faire des caisses, que voulez-vous on ne le changera pas. Lamine estime devoir la vérité à Hugo, quand même, si ça se trouve le pauvre n'en dort plus la nuit et ne cesse de se demander qui a bien pu s'en prendre à ses vêtements l'autre fois. Ou alors, et mine de rien c'est tout aussi probable, il en a déjà été averti et n'a simplement rien dit pendant tout ce temps. « enfin... t'es peut-être déjà au courant, en fait. je sais pas, Adélie t'en a parlé ou pas ? si oui elle t'a probablement expliqué pourquoi j'ai fait ça et ce que je cherchais ce jour-là. mais je peux revenir dessus si c'est nécessaire, j'ai rien à cacher moi. » et il assume tout, en l'occurrence. Adélie c'est tellement une fille droite qu'il la voit bien annoncer elle-même les faits à Hugo, ainsi que le nom du responsable, autrement dit le sien. À la base il était censé le faire lui le jour-même, mais après avoir attendu Hugo une demi-heure dans la laverie, le français a fini par jeter l'éponge et a reporté ça à plus tard. Les jours ont passé, il a un peu mis de côté cette histoire et puisqu'il le trouve ici ce soir, il profite de l'occasion pour s'en débarrasser une bonne fois pour toute. Il aura beaucoup tardé à reconnaitre sa responsabilité dans le carnage survenu dans la laverie devant l'intéressé, certes, mais c'est toujours mieux que s'il ne l'avait pas fait, non ?

J'ai Beckett entre les mains. Je me replonge pour une énième fois dans les déboires de Vladimir et Estragon, malgré que je connaisse cette pièce de théâtre presque par cœur, simplement pour le plaisir et pour les répliques qui parviennent neuf fois sur dix à me tirer l'ombre d'un sourire. Alors dans ces moments-là, quand j'ai envie de lire et que l'atmosphère grouillante et bruyante de l'hôtel m'irrite trop, j'aligne les pas dans les couloirs jusqu'à trouver une pièce libre, n'importe laquelle, que ça soit ma chambre, le dressing ou la salle zen, comme maintenant. Elle est vide, totalement vide, désespérément vide, et je me réjouis presque de ma trouvaille. Je vais jusqu'à éteindre l'écran et le son en background qui se veut apaisant mais qui sont juste ultra cheap et me tapent sur les nerfs tant ils sonnent faux, et je m'installe sur l'un des fauteuils pour me plonger dans mon bouquin. J'en suis à la page soixante-sept lorsque la porte de la pièce s'ouvre et que je distingue malgré moi la silhouette efflanquée de Lamine et de ses cheveux improbables. Je ne sais pas s'il me cherchait, moi, précisément, ce qui serait un peu bizarre vu qu'on se parle à peine en général ou s'il a simplement besoin de compagnie - quoi qu'il en soit, il me tombe aussitôt dessus. « Moi c'est Hugo, pas Addil » je me contente de répondre sans lever les yeux de mon livre. Si son but, là, tout de suite, c'est de me raconter la source et l'ampleur de ses problèmes de conscience, il s'est trompé de personne. Moi, je suis celui qui s'en bat franchement les couilles. Le psychologue de l'hôtel, il doit être quelque part en train de battre celles de mon partenaire. Ça l'empêche pas de s'affaler en face de moi, Lamine, si bien que finalement, je détache le regard de mon paragraphe pour l'observer et comme je vois dans la fébrilité manifeste qui fait frétiller ses cheveux les traces d'une grande mise en scène dont il a le secret, je m'essaie à la diplomatie et je referme mon livre. Et le voilà parti. C'est assez divertissant, je dois bien l'admettre et rapidement, j'arque un sourcil railleur. C'est qu'il me parle de mes vêtements, tout de même, je suis légèrement concerné. Bon, cela dit, il ne m'apporte pas un scoop non plus, puisque j'ai eu droit aux aveux d'Adelie la semaine dernière. Et tandis qu'il continue encore et encore de parler, je m'interroge sur les raisons de ce brusque besoin d'être amnistié. Peut-être qu'il était dans la salle de contrôle au moment où j'ai menacé son précieux ordinateur de servir de remboursement contre mes fringues abîmés. Non parce que, alors, il devrait s'estimer heureux que je n'en demande pas plus. Son ordinateur ne vaut clairement pas un seul des pulls qu'il a froissé. Mais ses cheveux, encore et toujours ses cheveux, m'obligent à être indulgent. Il n'est déjà pas gâté. « Elle m'en a parlé, oui. Elle voulait savoir si elle avait manqué notre duel dans la boue. » je l'informe, l'air distrait. Ce n'est pas exactement ce qu'elle a dit, d'accord, c'était plutôt une joute verbale entre Lamine et moi qu'elle attendait avec impatience - et fourberie, malgré ses airs d'ange, elle n'a pas hésité à essayer de me monter contre lui -, mais bon, comme je le lui ai déjà dit, c'est une vraie rabat-joie. « Je lui ai répondu que tu préférerais sûrement que je la laisse s'occuper seule de cette partie de la vengeance » j'ajoute, un léger sourire sarcastique soulevant les commissures de mes lèvres. Non parce que le corps à corps avec Lamine, je passe mon tour, vraiment. Et je suis certain qu'il sera on ne peut plus d'accord avec moi sur ce point-là. « Cela dit, c'est une bonne question. Qu'est-ce que tu foutais dans nos vêtements ? Enfin les siens, à la rigueur, chacun son délire, je ne juge pas hein, mais les miens ? » je l'interroge en haussant à nouveau un sourcil inquisiteur. Il peut le dire, c'est le moment de le confesser s'il a un goût particulier pour les fringues sales des filles, je peux l'accepter, parce que je suis un chic type, mais en ce qui concerne les miens... Ouais non, je suis plus si sûr d'avoir envie de savoir, finalement.

La petite remarque que lâche Hugo à son entrée dans la pièce lui arrache un sourire. Il a beau aussi peu le connaître qu'Addil, il n'oserait jamais les associer l'un à l'autre et encore moins les confondre, ce serait franchement pas sympa pour Hugo quoi. Et il n'y a rien à faire, Lamine n'arrive pas à intégrer que le gars officie réellement en tant que psychologue, vous arriverez jamais à lui faire gober ça à moins de lui présenter les diplômes du type. Il va d'ailleurs s'abstenir de rebondir là-dessus parce que ça lui donnerait l'occasion d'être encore assez cassant, et comme c'est souvent Addil qui prend, il peut bien garder pour lui ses commentaires pour une fois. C'est vrai qu'il tacle souvent par derrière mais il a pas senti le psy très ouvert au dialogue l'autre fois, donc il dit à qui veut bien l'écouter ce qu'il ne lui dit pas directement à lui, c'est peut-être lâche mais il s'en fout vous n'avez pas idée. Et étrangement, personne ne l'a encore contredit ou repris sur le candidat. Hugo non plus n'a pas l'air d'avoir beaucoup de temps à lui accorder, mais maintenant qu'il est assis autant aller jusqu'au bout et dire ce qui l'amène. Lamine est chaud pour passer aux aveux aujourd'hui, ah lui demandez pas pourquoi ça le prend subitement, c'est comme ça et faut simplement espèrer qu'il n'aille pas voir tous les candidats à qui il a fait des crasses pour se dénoncer parce qu'alors là, il est bon pour y passer sa soirée c'est sûr. Il n'a pas reçu de coup sur la tête, non, et c'est pas non plus sa conscience qui le travaille, à ce niveau-là il risque quand même pas grand-chose. Mais alors qu'il croit faire la révélation du siècle à Hugo, ce dernier lui signifie qu'Adélie a tout balancé, rectification, elle l'a balancé. Oh la vilaine petite fouine, elle voulait savoir s'ils avaient réglé ça entre bonhommes lui dit Hugo. « ça m'étonne tellement pas d'elle... » il rétorque en jouant les mecs scandalisés, alors qu'il n'en est évidemment rien. Le combat de boue, ça a pas l'air de trop le botter Hugo, il préfère refiler ça à Adélie. « de toute façon j'me bats pas moi. » sa réplique est immédiate, la violence il ne la tolère que dans ses jeux, sauf cas exceptionnel. Il reprend alors. « faudrait vraiment me chauffer pour que j'en devienne violent et bon, se taper sur la gueule pour trois ou quatre pulls froissés j'trouve ça un peu extrême perso. » il se voit surtout pas en venir aux mains avec Hugo ou avec Adélie, en fait. Le premier a l'air de pouvoir s'envoler au premier coup de vent tellement il est mince, et la seconde est une fille, tout est dit. Et puis, le jour où Lamine pète un cable au point de vouloir se battre pour des conneries pareilles n'hésitez pas à l'enfermer, vraiment, vous lui rendrez service. Hugo n'est pas contre quelques petites explications, il se demande ce que le français foutait dans ses fringues l'autre jour et c'est légitime. Lamine se redresse et croise ses mains. « bon. y'a un klepto en liberté dans le nid, j'sais pas si on t'a prévenu ? bref. on m'a chouré des chaussettes et des caleçons et j'avais l'espoir de les retrouver dans vos vêtements, c'est aussi con que ça. parce que j'me suis dit, eh, soit le gars qu'a fait le coup les a brûlé, soit ce petit vicieux se les est approprié. » Son enquête a beau durer depuis plusieurs semaines maintenant, Lamine n'a toujours pas récolté l'ombre d'un indice, d'une preuve incriminant qui que ce soit dans ce nid. Désespérant ? oh bah, à peine. Et levant le poing en l'air, prenant une pose théâtrale et l'intonation qui va avec, Lamine ajoute « j'avais un magnifique slip kermit la grenouille et pour le retrouver, je retournerai toutes les penderies et viderai toutes les machines s'il le faut. » Ce slip existe vraiment et il fait bien partie des fringues qu'on lui a dérobées, Lamine y est toutefois pas aussi attaché qu'il le prétend face à Hugo. « j'suis sûr que tu te dis, merde, ce gars est un plouc jusque dans les caleçons qu'il porte. c'est pas vrai ? » Allez ça peut sortir y'a pas de souci, ce sera jamais que le centième à juger sa façon de s'habiller, quoique Lamine aura eu droit à des commentaires sur à peu près tout mais pour le moment, on a épargné ses caleçons - mais ça c'est sans doute parce que personne n'a tellement l'occasion de les voir, en fait. Il prétend pas lire dans les pensées d'Hugo mais il serait tout de même très surpris si son camarade venait à le contredire là-dessus.

Son expression me fait marrer, même si je sais bien qu'il joue le jeu comme moi. Ça se voit, ou alors il est complètement con et je ne pense pas que s'il doit y avoir un con dans cet hôtel, ça soit Lamine. Je lui trouve une expression roublarde sous sa coupe des années soixante et je suis certain qu'il est bien plus malin que ce que son allure de crado ne laisse imaginer. Je ne réagis pas lorsqu'il m'annonce qu'il ne se bat pas. Qu'est-ce que je suis supposé dire ? Chouette, moi non plus, formons un club ? C'était juste pour plaisanter, il me fait tout de suite moins rire mais bon, j'imagine que c'est tout à son honneur d'être un pacifiste. De toute façon, il doit avoir sensiblement la même carrure que moi. C'est-à-dire pas de carrure. Nous voir nous battre, ça doit ressembler à deux cure-dents qui se tombent dessus. « Oui je trouve aussi, mais bon, tu la connais. Tu sais ce coup qu'elle a sur le visage ? Et bien quand je suis arrivé dans la salle de bain, la nuit où elle m'a confessé toute l'histoire, elle était en train de se battre avec un évier. » je balance, avant de pincer les lèvres et de hocher la tête, l'air de dire : et oui... Enfin, ce sont des choses qui arrivent, j'imagine, dans sa campagne. Là-bas, on doit probablement se dire bonjour en se balançant des coups de tête puis en se bidonnant après. Elle a ouvert le robinet d'un coup trop sec, ça lui a giclé à la figure, elle a voulu lui montrer qui est le patron et elle s'est pris la dérouillée de sa vie, c'est aussi simple que ça. Enfin peu importe, les us et coutumes des tribus de haute montagne ne m'intéressent guère, à l'inverse de ses motivations lorsqu'il s'est amusé à farfouiller dans nos vêtements. Je ne sais pas si je dois me sentir rassuré qu'il ne se soit pas contenté des miens. Dans le doute, je lui laisse une chance de s'expliquer et le bonhomme semble le prendre très, très au sérieux. L'envie d'imiter sa position de mafieux me démanche mais comme je ne sais pas encore à qui j'ai affaire - un stalker, un fétichiste, un fou furieux ? - je préfère éviter de me foutre ouvertement de sa gueule. L'observant tranquillement, je l'écoute déballer son histoire, et je me fascine par l'obsession qu'il développe simplement pour quelques sous-vêtements perdus. Je ne sais pas si c'est moi qui ai un rapport particulier aux fringues, dans la mesure où je peux me permettre de perdre des caleçons valant des centaines de dollars sans que ça ne fasse un trou dans mon budget ou si c'est lui qui est vraiment attaché à ses affaires, mais... « Je vois. C'est une affaire très sérieuse, en effet. » je commente en hochant la tête, l'air, de fait, totalement sérieux. Et là, là bordel de merde, je sursaute comme un con lorsqu'il se met à s’exciter, brandissant le poing, criant au vol de son précieux slip. Je le fusille du regard au passage mais je n'arrive pas à rester sérieux et lorsqu'il se tait, enfin, m'observant, attendant de toute évidence une réponse, tout ce qui me vient, c'est un éclat de rire irrépressible. C'est rare lorsque je ris aussi franchement, et c'est probablement la première fois depuis que je traîne dans cet hôtel, mais ce type est juste improbable. Complètement et viscéralement improbable. Non mais sérieusement, d'où ils sortent ce spécimen ? « Je vais pas te mentir, quand je te vois, je me demande où sont passées les millions d'années d'évolution » je réponds spontanément, plus taquin que réellement moqueur. Je secoue la tête, tâchant de me départir de mon sourire parce que bon, faut que je me ressaisisse, ils vont finir par se demander si je suis pas tombé malade sinon, hein. « Tu crois vraiment que j'aurais voulu voler un slip Kermit la grenouille ? » je fais, arquant un sourcil. C'est pas que je veux le froisser dans ses goûts vestimentaires, je crois qu'il a bien assimilé le truc quand j'ai dit à je ne sais plus qui qu'il s'habillait comme un clochard, c'est juste que suffit de nous comparer pour deviner que je n'irai jamais piocher dans ses affaires. « Et dis-moi, il coasse quand tu marches, ton slip ? » je m'amuse encore, avant de me mordre la lèvre pour garder mon sérieux. J'étends tranquillement les jambes, les mains sur l'abdomen, puis finalement, je fais mine de réfléchir. Sans aller jusqu'à songer à impliquer la brigade criminelle, c'est vrai que c'est bizarre son histoire de vêtements qui disparaissent. Qu'une chaussette se volatilise à l'occasion, à la rigueur, c'est la loi impitoyable de l'univers, mais que parmi toute sa machine, ces quelques éléments bien particuliers se soient perdus en chemin, ça mérite une enquête. « T'as demandé à Sailor Moon ? C'est pas son genre de trouver ce genre de fringue super classe ? » J'en sais rien, mais elle passe son temps à crier alors j'imagine qu'elle doit aussi être une adepte des trucs tape-à-l'oeil ou ultra kitsch. « Ou essaie de vérifier la tanière de Martin. Mais ne te fais pas griller par Léo, il est super susceptible en ce qui concerne l'éducation de son piaf » je l'avertis, très sérieusement. Moi ça m'amuse plus qu'autre chose parce que j'aime bien Léo, et que je crois que Coin-Coin commence à s'habituer à ma gueule, mais pas sûr que ça passe aussi bien avec un inconnu.

Hugo sait donc tout, Adélie lui a non seulement tout cafté mais en plus, elle a voulu se renseigner sur un possible règlement de comptes qui serait survenu entre les deux garçons. Celle-là, il faut croire qu'elle tenait vraiment à son duel hugo-lamine, surtout que le français avait déjà eu droit à une remarque de ce genre le jour du carnage. Hugo livre alors une anecdote détonante, le soir où Adélie lui a tout avoué elle se serait dit-il accroché avec un évier, d'où les traces sur son visage aujourd'hui, qui n'avaient justement pas échappé à Lamine. Il se retient de ne pas rire car c'est assez cocace, et en même temps c'est vrai qu'il n'est qu'à moitié surpris. « ah bah, tu viens de répondre à la question que je me pose depuis plusieurs jours. je croyais que son partenaire la frappait moi, mais je suis pas sûr que la réalité soit moins inquiétante en fait. » bon étant donné que le mec en question c'est Clarke, il l'imagine tout de même difficilement lever la main sur une fille et encore moins sa partenaire qu'il semble adorer. Et cette histoire d'évier, quand même, ça le ferait presque s'interroger sur la sanité d'esprit de sa camarade. Puis il est contraint de s'expliquer sur ce qui l'a poussé à vandaliser la laverie et faire subir le sort que l'on sait aux vêtements des deux candidats. Une affaire des plus sérieuses d'après Hugo, oh bah, c'est pas Lamine qui se prend la tête avec ça depuis des semaines qui va dire le contraire. « mais oui ! franchement je comprends pas pourquoi la production a pas voulu mettre le F.B.I dessus, j'ai demandé et on m'a envoyé chier, hallucinant quoi. » et pour bien montrer qu'il est révolté par le refus de collaborer de la production, il prend momentanément une gestuelle de diva, style allo où va le monde quoi. Pourtant ils ont sûrement qu'un coup de fil à passer pour que les gars soient sur le coup et prennent en charge l'affaire, mais non, apparemment même ça c'est trop leur en demander. Ou alors c'est les autres qui sont trop occupés à masquer leurs bavures, oui, peut-être bien en fait. Lamine revient sur la disparition d'un de ses vêtements qui l'a tout particulièrement secoué, celle de son caleçon fétiche et à ce moment-là il est à peu près sûr que Hugo, en face, doit le prendre pour le dernier des ploucs ou des chtarbés. D'abord, il se met à rire de façon spontanée ce qui a d'ailleurs pour effet de grandement étonner Lamine, qui se dit qu'un Hugo qui rit c'est pas forcément bon signe. Et effectivement, c'est sans doute pire que tout ce qu'il s'était imaginé puisqu'il dit carrément que Lamine enverrait presque valser des millions d'années d'évolution. Oh, d'accord, on en est là tout de même. « ah merde, à ce point-là ? » il s'étonne, c'est dur ce qu'il entend là mais il ne le prend pas mal, parce qu'il sent pas Hugo tellement croire en ce qu'il dit. Et puis de toute façon il se fait aucune illusion, si son camarade ne le pense pas réellement d'autres ont cet avis-là le concernant et pour de vrai, il le sait, on ne cesse de pointer du doigt son apparence soi-disant négligée depuis qu'il est ici. Il aimerait leur faire passer le message, à tous, que s'ils ont un problème avec l'image qu'il renvoie, c'est simple, ils n'ont qu'à détourner le regard. Lui il ne force personne à admirer ses tenues improbables ou encore ses cheveux jamais coiffés et plein de touillons, il peut comprendre qu'ils n'y adhèrent pas, en revanche il ne saisit pas ce besoin qu'ils ont tous de saisir chaque occasion pour le revendiquer. C'est tellement facile d'attaquer ce qui le différencie de beaucoup, dès qu'on est un peu original bim, on s'en mange plein la tête. Hugo laisse entendre que ça ne lui serait jamais venu à l'idée de dérober un caleçon à l'effigie de Kermit la grenouille. À l'entendre un tel vol aurait tout d'incompréhensible. « tu dis ça parce que tu l'as pas vu, il est super beau, les couleurs sont dingues ! et la tête du machin est positionnée pile là où il faut. » et il n'a guère besoin d'en dire plus, n'est-ce pas, on devine sans mal l'emplacement de celle-ci sur ledit caleçon. « il coasse pas non, c'est le seul défaut que je lui trouve. » il déplore en grimaçant. Ça doit même pas être son caleçon le plus original, c'est ça le pire. Hugo lui soumet un nom, celui de Sailor que Lamine n'a même pas pensé à interroger dans le cadre de son enquête, c'est pas très sérieux tout ça. « hm tiens, j'avais pas pensé à elle. enfin bon tu l'imagines toi fouiller dans mes sous-vêtements ? les miens ou ceux d'un autre, hein. les seuls caleçons qu'elle a dû voir dans sa vie c'est ceux dans les tiroirs de son père, miskina. » et là il se moque pas du tout de Sailor qu'il aime vraiment bien, il émet un simple constat. Lamine continue de penser que la demoiselle a jamais vu le loup, mais il ne juge pas lui, après tout s'il se trompe pas sa partenaire est dans le même cas. C'est des filles qui prennent leur temps, on peut pas les blâmer pour ça, elles s'intéressent pas encore au contenu des caleçons mais ça viendra bien un jour. Hugo mentionne un certain Martin, alors déjà il comprend pas du tout la référence, mais il se sent encore plus largué quand le candidat ajoute que Léo pourrait ne pas apprécier qu'on vienne perquisitionner la tanière de son piaf. « attends j'ai raté quoi, c'est pas l'autre chieuse qui a un piaf aux dernières nouvelles ? » il capte pas le rapport avec Léo, enfin si il en voit bien un, mais pas qui implique le perroquet donc il se demande combien de bestioles de ce type volent en liberté dans le nid pour le coup. Parce que lui il a arrêté de s'intéresser à tout ça quand la palestinienne a gagné Coin-Coin à la tombola, depuis quand il voit passer le volatile Lamine ne le calcule pas parce que ces bêtes-là il ne les affectionne pas particulièrement. Et donc, est-ce que celui-ci aurait changé de propriétaire entre temps sans qu'il n'en ait rien su, ou est-ce que Léo détiendrait son propre spécimen, ce sont là les questions qu'il se pose. C'est pas de la curiosité parce que tout ce qui peut concerner Maha lui passe au-dessus de la tête, mais il a (encore) l'impression d'être passé côté de quelque chose et ça, c'est pas possible, donc il cherche tout naturellement à en savoir plus sur cette histoire.

Ah ouais, carrément. Je ne sais pas pourquoi, j'aurais jamais envisagé la possibilité que le partenaire d'Adelie s'en soit pris à elle, si je n'avais pas été aux premières loges de la vraie version de l'histoire. C'est pas faute d'être un imbécile, pourtant, le Clarke. Mais j'imagine que se battre avec l'évier, il ne devait pas s'y attendre non plus, Lamine. Comme quoi, tout est possible, dans cet hôtel de fou. Pourquoi un candidat ne casserait pas la gueule d'un autre, s'il en a envie, hein ? J'esquisse un sourire narquois, parce que franchement, je suis d'accord avec lui - entre Adelie la dingue qui se bastonne avec les meubles et Clarke le psychopathe refoulé, c'est ce bon vieux Addil qui va en avoir, du boulot. Surtout s'il est aussi doué avec eux qu'avec moi ou un autre. Enfin là n'est pas l'important, pour l'instant. Non, l'important, c'est Lamine et son histoire de slip. Je ne sais pas s'il a une valeur sentimentale ou s'il est juste particulièrement sur la paille, mais je n'avais encore jamais vu quelqu'un tenir autant à un sous-vêtement. J'en viens presque à espérer qu'il se fout de ma gueule. Surtout qu'il ne s'agit pas d'un modèle unique Calvin Klein, non non, rien à voir. Il est largement au-dessus de ça, Lamine, il est hors de la A-list. On parle d'un slip Kermit la grenouille, rien que ça. Bon, et de quelques chaussettes, mais de toute évidence, leur sort est dérisoire comparé à celui de son précieux slip. Et ça me fait rire. Oui, ça me fait marrer, sincèrement marrer, profondément marrer, plus que n'importe jusqu'à présent, depuis qu'on est dans cet hôtel. Bravo vieux, t'as réussi à me rendre humain l'espace de quelques minutes, t'as gagné un sucre. Un sucre pour un plouc. Je ne peux pas nier que je m'interroge à son sujet, sur sa santé mentale, son Q.I. mais en définitive, il est tellement vrai et spontané que même s'il était con, ça ne serait pas bien grave. Je me permets de le taquiner, gentiment, pas avec ma morgue habituelle, sauf qu'il le prend au sérieux, on dirait. Ben merde, quand je rigole, on me prend au sérieux, presque plus que quand moi, je suis sérieux. C'est quoi ce délire, les gens sont vraiment fous. « Non j'exagère, disons juste les deux mille dernières années » je réplique en secouant vaguement la tête, un sourire aux lèvres. Ce n'est pas vrai, bien sûr, même si je maintiens qu'il a la gueule de Tarzan et le style d'un clochard. Un style que je ne chercherais clairement pas à lui voler en piochant parmi ses fringues et pire, ses sous-vêtements. Je suis très bien avec mes caleçons immaculés, pas besoin d'exhiber la gueule d'un personnage provenant d'une série douteuse. Même s'il est super beau, que les couleurs sont dingues, que la tête est super bien positionnée. Par contre, je suis déçu qu'il coasse pas. Ouais, vraiment, si on veut taper dans le kitsch, autant le faire jusqu'au bout, c'est du travail bâclé son histoire, du boulot fait à moitié, je n'aime pas ça. « Au pire, je t'en achèterai un nouveau et le modèle Peggy la cochonne qui va avec » je lance, mon sourire narquois tranchant avec mon haussement désinvolte d'épaules. J'espère pour lui qu'il préférera porter le modèle Peggy, avec la tête juste sur le... là où il faut quoi. Si ça ne tient qu'à ça, je lui en achète même un par jour de la semaine hein, je ne suis pas à ça près, et puis déjà que ça me semble improbable, voire impensable qu'une personne veuille lui voler un slip Kermit, c'est tout simplement impossible que SEPT personnes veuillent chacune lui voler un exemplaire, ou alors le sort du monde commencerait vraiment à me faire peur. Non, là, faudra qu'il songe à consulter, des fois qu'il soit en réalité en plein complexe d’œdipe parce que sa mère a une gueule de grenouille et que ça le turlupine de l'avoir juste là où il faut, hein. Du coup, histoire qu'il ne se sente pas trop seul dans sa quête du slip perdu, j'essaie de réfléchir. Ça me distrait aussi, je dois bien l'avouer, ça passe le temps et je ne demande que ça, qu'on fasse passer le temps. Je passe en revue les êtres qui peuplent notre environnement immédiat, jusqu'à soumettre un nom, dont la probabilité qu'il soit le coupable ne me semble pas si nulle que ça. Je l'ai bien vue se balader en onesie, je ne sais plus quand. « Miskina ? » je relève vaguement, pour presque aussitôt oublier et passer à autre chose. Ça doit être un mot provenant d'un quelconque dialecte français ou arabe ou peu importe. « Justement, elle s'est peut-être dit qu'il était temps de toucher elle-même un caleçon de mec, et pas juste le voir à la télé » j'argumente avec sagesse. Ça semblerait logique. Fake Lover n'a-t-il pas la réputation d'être une émission dans laquelle on découvre des choses, on teste ses limites, on va au-delà de son quotidien ? Si ça se trouve, pour elle, toucher un sous-vêtement masculin, c'est l'aventure de sa vie. Mais comme il n'a pas l'air super-super convaincu, j'avance une autre hypothèse. Martin a l'habitude de traîner des trucs d'un bout à l'autre de l'hôtel, un peu à la façon d'une pie - il a des problèmes d'identité, le pauvre chou - alors ça ne serait pas si étonnant qu'il ait attrapé le slip de Lamine au passage. Cela dit, il aurait été incapable de le sortir lui-même de la machine et ça n'explique pas ce qui est arrivé aux chaussettes. Retour à la case départ, donc. « Si si mais il a un truc avec les animaux, et comme Maha estimait que Coin-Coin n'allait pas avec son teint, elle le lui a refilé. Depuis, il est passé de Coin-Coin le piaf à Martin le ara » j'explique en secouant vaguement la main, comme si ce n'était qu'un détail. Je le sais parce que Léo c'est mon pote et qu'on est tous les trois dans la même chambre, pas vraiment parce que le sort de Coin-Coin m'intéresse. Bon, j'imagine qu'officiellement, c'est toujours Maha la proprio du perroquet, mais ça fait longtemps que Léo s'est auto-proclamé son garde du corps en chef. Pinçant les lèvres, j'y songe encore un instant, les visages défilants dans mon esprit, des visages que je supprime les uns après les autres, faute de mobile, jusqu'à ce que... « Ou... Addil ? » je lâche, tournant vers Lamine des sourcils haussés. Pourquoi on n'a pas pensé à lui avant ? Alors que l'évidence même ? « Je veux pas t'inquiéter, mais il a quand même une pure gueule de renifleur de slip, non ? » J'esquisse un sourire moqueur mais aussi un air suspicieux. Ouais, il est définitivement en rut, ce mec, alors ça m'étonnerait pas tellement qu'il soit le genre à voler les sous-vêtements sales des mecs sur qui il fantasme. Ça collerait bien avec le rôle du psychologue à deux balles qu'il aime bien se donner.