@agata

Je viens de finir de manger en compagnie de quelques candidats. J’ai débarrassé, fait la vaisselle, et nettoyé le plan de travail. Je me suis ensuite posé dans le salon, guitare en mains. Je joue quelques notes. Agata fait son apparition. Elle s’installe sur un canapé. Peut être compte t’elle se poser pour lire un bouquin, je n’en sais rien. Je continue de jouer, avant de finalement m’arrêter pour lui demander. « Ça te plait ce que tu fais ? Je veux dire, ton métier ? Défendre les grosses entreprises ? » Oui ça me prend comme ça. Mais faut dire que ces derniers temps je me pose beaucoup de questions. J’ai le sentiment qu’Agata se met beaucoup de barrières, dans le but de plaire à ses parents. Qu’elle s’empêche de faire pas mal de choses, simplement pour conserver une réputation irréprochable.

Spoiler:

Je pose ma guitare sur le côté, et décide de discuter avec Agata. Je l’interroge sur son métier. Si ça lui plait ce qu’elle fait. Après tout, bon nombre de personnes sont coincés dans un travail qu’ils n’aiment pas en réalité. Est-ce son cas ? « Oui bien sûr, sinon je n’aurais pas choisi ce métier. » Oui alors là son argument n’est pas franchement valable. Et puis j’ai quand même un peu de mal à la croire. J’ai l’impression qu’elle sort ce discours aseptisé, juste parce que c’est ce qu’elle se doit de dire. Et puis j’ai aussi du mal à penser qu’on puisse aimer défendre de grosses entreprises… Elle m’a l’air d’être quelqu’un qui a une morale, et qui ne recherche pas à tout prix de se faire du fric, alors. « Tu peux aimer être avocate, oui. Mais pas forcément la branche dans laquelle tu es… Parce que tu vas me faire croire, que défendre les riches, pour qu’ils restent si ce n’est deviennent encore plus riche, c’est ce que tu as toujours rêvé de faire ? » Est-ce si compliqué de dire la vérité ? Elle n’a même pas le droit de dire ce qu’elle pense ? A ce point là ? Que risque t’il de lui arriver ? Pas grand-chose à mon sens. Parce que bon ça deviendrait grave si on ne peut même plus s’exprimer librement, et partager ses sentiments. Elle m’interroge alors sur mon métier. Si je compte faire ça toute ma vie. « Non bien sur que non…Déjà parce que c’est un métier assez exigent physiquement, et que je ne pourrais pas faire ça jusqu’à la fin de mes jours. » Je ne me vois pas encore faire ça à 50 ans. « Mais à côté de ça je ne vois pas ce que je pourrais faire d’autre… Je n’ai aucuns diplômes, enfin mis à part le bac, aucunes qualifications particulières… Tout ce que je sais, c’est que je veux continuer à travailler avec des animaux. Fut un temps, j’avais pensé à devenir vétérinaire… »

Apparemment, Agata n’a jamais eu de rêves. Si c’est vrai, c’est un peu triste. Se voir dicter sa conduite depuis toute petite. « Vraiment ? Tu n’as jamais rêvé secrètement d’exercer un métier en particulier ? De ressembler à quelqu’un ? » J’ai un peu de mal à le croire. « Il est toujours temps de changer tu sais. De penser à toi pour une fois. Et non à ce que souhaiterais les autres pour toi. Il n’y a que toi qui peux savoir ce qui est le mieux pour toi. Et personne d’autre. » Ecouter aveuglément ses parents n’est pas la solution. Ils ne savent pas tout. « Il n’y a pas de honte à avoir peur tu sais. » Je m’imagine que ça doit être effrayant pour elle le changement. Alors elle préfère rester dans sa zone de confort. Peut être que ça va un temps, mais ça ne peut pas durer indéfiniment. A un moment donné, il va falloir qu’elle prenne les décisions par elle-même. Qu’elle saute dans le grand bain. J’évoque avec elle l’envie que j’ai eu une fois d’être vétérinaire… Elle me demande ce qui me retient à présent. « Je…Mes parents sont mort, et il a fallu que je trouve un travail… Je n’avais plus le temps pour les études…Ni l’envie… » A vrai dire à l’époque je n’avais plus envie de rien. C’est qu’il m’en a fallu du temps avant de commencer à reprendre peu à peu une vie normale. « Mais je sais qu’aujourd’hui ce n’est plus une excuse… Mais je ne sais pas… Quitter mon job, ça voudrait dire quitter le ranch… Et c’est tout ce qui me reste de mes parents… Je ne sais pas si je suis prêt à laisser tout ça derrière moi. » On a du vendre le ranch, je ne fais qu’y travailler à présent. J’ai un problème pour tourner la page. C’est comme mes rodéos… J’ai envie d’arrêter, parce que c’est épuisant, et trop dangereux pour le plaisir que ça me procure… D'autant que je ne suis pas si doué que ça. Mais j’ai dû mal à lâcher prise, parce qu’en quelque sorte ça me rapproche de mon père.