+ @IMMA

Le prime venait de se terminer, annonçant ainsi les dix demi-finalistes comme convenu. A mes yeux, tous étaient méritants. Certes, je me sentais peut-être un peu de trop maintenant que je ne faisais plus partie de l’aventure, et pourtant voilà que j’étais ici, l’endroit que j’avais pourtant choisi de quitter quelques jours plus tôt. C’était volontaire, car ça n’avait jamais été ces lieux que j’avais voulu abandonner, mais la compétition en elle même. Je n’avais pas l’âme d’un guerrier, même si j’aimais penser le contraire, et ma volonté, mon mental n’étaient pas aussi forts que ce que j’aurais aimé croire. J’avais eu besoin de prendre du recul, de passer quelques jours seul, ou du moins aussi seul que je le pouvais compte tenu du contexte. J’étais ici et pourtant je me sentais encore un pied dehors, bien conscient de ce que la réalité me réservait. J’y avais goutté, on ne pouvait pas dire que c’était plaisant, mais je savais que tout ce que j’avais connu serait chamboulé après un événement médiatique comme celui ci. C’était inévitable. Ma vie allait me manquait oui, et j’avais même conscience que je ne pourrais plus exercer un métier comme celui que j’avais avant. A vrai dire, je crois que je n’en avais même plus envie. Je voulais changer de voix et exposer mes oeuvres, tenter ma chance dans la jungle qu’était le marché de l’art, tant pis si ça ne marchait pas, je me relèverai autrement. Mais aujourd’hui, je n’y pensais pas. Non, aujourd’hui toutes mes pensées étaient accaparées par un seul et même moment. Aussi j’avais repéré la chevelure brune d’Imma se noyer dans la foule alors que tout le monde quittait le plateau, tel un courant. J’inspirais un bon coup avant de finalement me lancer à sa poursuite, sachant pertinemment où elle se rendrait une fois la soirée terminée. Je ralentissais finalement le pas non loin de la porte de sa chambre, tentant de calmer mon palpitant un court instant avant de faire un pas. Un seul pas avait suffit oui, pour que nos regards se croisent et qu’un blanc impénétrable s’installe entre nous. Un blanc que seule ma voix réussit à casser. « Je suis parti parce que j’avais besoin de réfléchir, Imma » J’avais compris qu’elle m’en voulait à la seconde où elle avait évité mon regard lors du prime, alors je ne me voyais pas lui servir un bonjour comme un autre au risque qu’elle ne me laisse pas m’expliquer. « J’ai pris peur. » C’était la stricte vérité, je ne me voyais pas lui fournir une autre explication. « Je sais que j’ai toujours un temps de retard, que quoi que je fasse, j’arrive toujours à tout gâcher d’une manière ou d’une autre… » Ça avait toujours été ainsi, je n’étais jamais sur la même ligne temporelle que les personnes que je fréquentais, si bien que lorsqu’il était venu le moment de réagir, je prenais peur ou ne réalisais qu’après. « Mais il faut que tu saches… » Et sans plus attendre, j’exécutais quelques pas dans sa direction, ma main se glissant sur sa joue alors que mes lèvres capturaient les siennes avec douceur. C’était un simple baiser, qui aurait même pu paraitre ridicule si il avait été placé dans l’un de ces films romantiques dont je n’avais jamais rien saisi. Mais c’était toute la volonté que je mettais dedans qui était importante. Finalement, je reculais mon visage de quelques centimètre, mes billes opposées observant les siennes. « … Mais c’est trop tard, n’est ce pas ? » Je savais que depuis que j’étais parti, elle s’était considérablement rapprochée de Gekko. Et je ne lui en voulais pas, c’était ma faute, comme d’habitude.

Elle avait probablement raison, quelque part, ce que je venais de faire était égoïste, et ne me ressemblait pas vraiment. D'habitude, j'étais plutôt de ceux qui fuyaient ce genre de problème, qui avaient du mal à faire un pas vers les autres, à trouver les bons moments. J'étais incroyablement mauvais lorsqu'il s'agissait de parler, il n'y avait qu'à voir comme ma relation avec Sayid avait pu se dégrader et ce par ma faute. Je n'étais pas un communicant, et pourtant je me retrouvais là tout contre ses lèvres, à lui voler ce qui était probablement la chose la plus intime qu'elle n'avait pas à offrir. Qu'elle n'avait plus à offrir. J'avais regardé toutes les vidéos, détaillant mes moindres mouvements passés, détaillant ses moindres regards. Et j'avais été incroyablement stupide, aveugle et effrayé. Avec un train de retard j'étais pourtant là, lui quémandant presque le bon pain comme si elle en avait encore à m'offrir chose qui n'était probablement plus le cas. Elle avait trouvé quelqu'un d'autre entre temps, en une fraction de semaine. C'était aussi facilement que l'on pouvait m'oublier, oui, mais cette pensée ne m'étonnait pas vraiment puisque j'avais toujours tout fait pour ne pas marquer les esprits, m'éclipser lorsque la lumière du projecteur se voulait un peu trop intense. La jeune femme semblait aussi perdue que moi alors que son regard quittait la route pour chavirer jusqu'au sol. Me mordant la lèvre inférieure, mes prunelles étaient à l'affut du moindre geste de sa part. Oui. Non. Elle ne savait pas. Mon palpitant se resserrait un peu plus. Je tentais de ne pas perdre la moindre miette de ce qu'elle pouvait me dire, mais je n'étais pas certain d'y arriver, aussi je préférais la suivre. « S'il te plait, ne pleure pas... » C'était bien tout ce dont j'étais bon à articuler à cet instant. Et pourtant, j'avais tant de choses à lui dire, mais je ne savais pas par où commencer. Je ne savais même pas si ça pourrait effacer quoi que ce soit. Probablement pas. « Je... je ne suis pas parti à cause de toi. » finis-je par reprendre un peu confus, ma voix grave se confondant presque au silence qui s'imposait à nous. « M-Mais je suis revenu pour toi. » C'était bien là tout ce qui comptait à mes yeux. Elle n'avait jamais été la raison de mon départ. Ou plutôt si, indirectement. Disons que j'étais le principal fautif. « Je suis de ceux qui s'effacent facilement, tu le sais. Parfois j'aimerais pouvoir disparaitre un un clin d'oeil. » Frottant mes paumes l'une contre l'autre, mes paupières battaient probablement aussi vite que mon palpitant, sentant cette boule trônant dans mon ventre venir bientôt nouer ma gorge. Mais je tenais bon. « Mais je n'ai pas envie de m'effacer cette fois ci. » Pas avec elle. Pas alors que nous avions tant de choses en commun. C'était peut-être fou de déclarer quelque chose de cette manière, mais au fond, je ne lui demandais rien. Ou pas grand chose. J'étais égoïste oui. Je n'allais pourtant pas chercher à la convaincre plus que ça, non, puisque de toute évidence c'était à elle de faire son choix, et que tout ce que nous avions partagé ici ne devait pas s'être volatilisé en une poignée de jours seulement. Du moins, pas à mes yeux. Mais ici la le fil temporel était quelque peu distendu, vague, si bien qu'il était aisé d'en oublier les personnes qui avaient aidé à le créer. Dans le nid, tout semblait s'accélérer, alors que pourtant, il ne s'agissait que d'une poignée de semaines dans une vie. « Je suis désolé, Imma... » finis-je par murmurer. Désolé pour ça, pour mon retard, pour la mettre dans l'embarras, pour avoir l'air apitoyé et pitoyable en cet instant, pour jouer la carte du mélodrame au moment où elle devrait se réjouir d'être arrivée aussi loin. Désolé pour tout.

Clarke lui demande de ne pas pleurer. Elle relève un sourcil, une larme roulant sur joue. Si seulement si c’était aussi simple. Elle n’a pas envie de pleurer non plus, mais elle ne peut s’en empêcher. Elle se tourne vers lui, pour poser sur lui un regard triste, profondément et sincèrement triste. Elle l’est, parce que la situation la dépasse, qu’elle ne sait comment gérer ça. Aussi parce qu’elle s’en veut de tout ce qui arrive là, alors qu’elle n’a rien demandé. Pourtant, vu de l’extérieur c’est plutôt beau et romantique ce qui lui arrive : un homme qui revient sur les lieux de sa fuite, pour venir l’embrasser et lui déclarer qu’il veut s’imposer dans sa vie. Mais elle ne peut se dire que c’est égoïste. Il lui dit ne pas être parti pour elle, mais revenu pour elle. Qu’il est du genre à s’effacer, mais qu’il ne veut pas le faire cette fois. Imma ne comprend pas ce qu’il veut dire ou plutôt où il veut en venir. Elle s’en veut de lui dire être égoïste, mais elle le trouve toujours un peu plus au fil de ses paroles, inlassablement. Elle le trouve égoïste de l’embrasser parce que lui veut, sans même savoir si elle en a envie ; égoïste d’aller vers elle lorsqu’il a – peut-être – pris conscience de ce qu’elle pouvait bien ressentir ; égoïste de penser peut-être qu’elle disposerait alors qu’il s’est éclipsé sans rien dire ; égoïste de penser qu’elle ne lui en voudra pas ; égoïste de tomber comme un cheveu sur la soupe et d’être aussi beau ; égoïste de lui porter l’attention qu’elle avait tant attendu et réussir à la toucher toujours un peu ; égoïste de lui faire toujours un petit quelque chose au cœur ; égoïste de lui avoir pris son premier baiser. Restée figée un moment, elle finit par bouger sa tête de droite à gauche. Sans réelle force, sans réelle conviction, elle le repousse un peu en arrière d’un mouvement de main sur son torse. « Pourquoi tu veux pas t’effacer cette fois ? Pourquoi t’es partie sans rien dire ! » Sa gorge se noue. Elle ne veut pas croire que c’est simplement parce qu’il a eu peur. « Tu t’es pas dit que ça allait me rendre triste de savoir que… Que t’es partie comme un voleur ! Pas même un au revoir… » Elle souffle. « Et qu’est-ce que tu vas faire pour pas t’effacer au juste ? » Pour la première fois du jeu, elle hausse le ton. Elle ne crie pas, elle reste malgré tout calme, mais un ton au-dessus. Avant de tomber sur son lit. Lui demander en plus de ne pas pleurer, ce n’est pas possible. Elle avale difficilement sa salive, avant de souffler : « Moi aussi je suis désolé… » De ça, de ce qu’elle vient de dire. De ne pas savoir dire les choses comme il lui vient et de se censurer. Sans ça, elle lui aurait dit qu’elle l’aimait bien quelques semaines plus tôt. Ce baiser, peut-être qu’elle l’aurait eu plus tôt également, achevant l’idée que c’est lui qu’elle préfère aux dépends de Gekko, de qui elle est proche depuis longtemps. Mais il est partie et cela a suffi à faire pencher la balancer vers ce dernier. Ce dernier avec qui elle n’a pas besoin de parler pour être comprise, avec qui le chemin se forme petit à petit toujours sans rien dire. Les signaux de son pas vain avec Gekko. Ils l’ont été avec Clarke. Elle a mal au cœur.