SAYID & @AGATA
lundi 25 mai - 09:48

Sayid n'était pas réapparu après le prime de la veille. Ayant quitté les coulisses avant que quiconque puisse avoir l'occasion de s'y pointer à son tour et de se retrouver nez à nez avec lui, il avait erré à travers le nid jusque tard dans la nuit, jusqu'à être certain de ne plus croiser personne sur son chemin et là seulement il avait rejoint la suite Elvis, dans laquelle seul Lamine semblait dormir à point fermé. Se délestant de ses vêtements de prime comme on se défaisant d'un costume de théâtre trop encombrant, puis de ses prothèses, il s'était glissé sous sa couette et avait attendu longuement que le sommeil vienne le cueillir. Lui qui d'ordinaire avait cette capacité à s'endormir en quelques secondes pourvu qu'il en ait envie avait du attendre presque l'aube pour qu'enfin Morphée daigne s'occuper de son cas. Il n'avait pas bien dormi pourtant, la faute à toutes ces émotions contradictoires qui le prenaient à la gorge et dont il ne savait pas quoi faire parce qu'elles allaient et venaient, sans crier gare, et que lui ne savait jamais comment s'y fier ou quoi en faire. Il n'avait pas bien dormi et pas longtemps non plus, puisqu'à huit heures à peine il était de nouveau éveillé et incapable de se rendormir. Jetant un nouveau coup d’œil à sa montre une idée avait tout d'un coup jailli dans son esprit, et s'il s'était levé sans plus attendre c'était parce qu'il savait qu'il perdrait le peu de courage dont il disposait à mesure qu'il attendrait. Ramassant ses affaires de prime qui trainaient au pied de son lit mais ne parvenant pas à remettre la main sur sa cravate il avait remis ses recherches à plus tard et pris la direction de la salle de bain. Prendre une douche ce n'était jamais aussi rapide pour lui que pour les autres mais il avait tout de même essayé de faire aussi vite qu'il en avait la capacité, et retrouvé le confort d'un de ses pantalons cargos et de ses débardeurs blancs. Il n'avait pas déjeuner, il le faisait rarement, et directement pris la direction du terrain de sport parce qu'il savait que c'était probablement là qu'il trouverait Agata et que c'était justement elle qu'il voulait voir. Et elle était bien là, en face à face avec le lanceur de balles ; Il avait même pu l'observer un moment avant qu'elle ne se rende compte de sa présence et que le calme de la scène soit rompu. Maintenant qu'elle le fixait il ne savait plus vraiment pourquoi il était revenu, ce qui lui apparaissait comme une bonne idée il y a une heure n'en était plus vraiment une désormais, et les bras ballants il avait attendu avec incertitude qu'elle daigne avancer dans sa direction. « Ce n'était pas correct de te laisser seule au prime hier. » avait-il finalement tenté, tablant que la politesse était une option qui passait toujours bien même pour lui qui trouvait toujours cela un peu surfait. « Je suis désolé. » ou pas vraiment, il tentait de faire preuve de bonne volonté mais au fond il savait bien qu'une fois son secret révélé il y avait de grandes chances qu'il aille se terrer dans un coin sans demander son reste, parce qu'il n'aimait pas la façon dont les gens le jugeaient du regard. Comme Agata l'avait fait hier soir, et comme elle était visiblement encore en train de le faire. A moins que ce ne soit son imagination, il ne savait pas trop. « Je n'ai jamais menti. » Il se demandait si son secret aurait eu une résonance différente s'il était passé après un autre secret que celui de Maha. Maha qui utilisait de fausses identités à la pelle et les avaient nourris d'informations inventées de toutes pièces tout au long de sa présence dans le nid. Il n'estimait pas leurs secrets comparables, cela n'avait rien à voir pour lui, et il était agacé que certains candidats fassent le parallèle. « Tout ce que j'ai dit à mon sujet était vrai. Je ne m'invente pas une vie ... ce n'est pas comme ça que ça fonctionne. » Il ne niait pas utiliser ses propres fragments de vie au gré de ce qui lui permettait de se rapprocher des gens, de divulguer des informations et d'en taire d'autres en fonction de ce qui serait susceptible de créer un sentiment de similitude chez ses interlocuteurs. Mais il n'inventait rien, il n'était pas un affabulateur, et quelque part il avait à cœur qu'Agata n'ait pas cette fausse impression.

Si en se levant et en décidant qu'il fallait qu'il mette la main sur Agata Sayid n'était pas certain qu'il s'agisse d'une brillante idée, maintenant qu'il se trouvait face à elle il était à peu près certain que ce n'en était effectivement pas une. Parce que maintenant qu'il l'avait en face de lui il se souvenait un peu plus du regard qu'elle avait posé sur lui la veille après la révélation de son secret : un regard déçu. Du moins c'était comme ça qu'il l'avait interprété, à la seule lueur des regards similaires qu'on avait pu lui adresser par le passé, mais sans assurance qu'il n'était pas en train de se tromper. Le noeud du problème était bien là, Sayid ne s'appuyait que sur de vagues concept de bon et de mauvais, mais sans pouvoir analyser les choses plus en détails. Pas quand il s'agissait de ses congénères êtres humains en tout cas. Déçue, donc, c'était l'impression que lui avait laissé Agata la veille et l'une des raisons pour lesquelles il avait quitté le plateau du prime pour aller se réfugier en coulisses, à l'abri du regards des autres candidats et plus particulièrement de celui d'Agata puisqu'il s'agissait sans aucun doute de celui qu'il craignait le plus. Il avait donc commencé par s'excuser, genre de chose qu'il ne savait jamais où placer mais qu'il estimait indispensable dans la situation actuelle. « On dirait quelque chose que je pourrais dire. » lui avait-elle fait remarquer en guise de réponse, et parce qu'elle avait sans doute raison il s'était contenté de baisser la tête, sans savoir quoi ajouter. « Ce n’est pas ce que je voulais dire. » s'était-elle alors repris sans qu'il ne dise rien, et relevant les yeux vers elle il s'était contenté de marmonner d'un ton résigné « Je crois que si. » Jusqu'à présent il ne savait pas trop dans quelle catégorie ranger Agata, dans celle des personnes surtout agacées que le comportement de Sayid leur ait renvoyé à la figure des défauts qui étaient peut-être les leurs, ou bien dans la catégorie des personnes qui estimaient avoir donc eu affaire à un étranger durant dix semaines, un étranger s'étant appliqué à les berner pour des raisons qu'ils ne voulaient pas admettre ou ne parvenaient pas à comprendre. Et si la première réflexion de la jeune femme faisait pencher Sayid pour la première catégorie, la suite l'avait aussitôt fait changer d'avis lorsqu'il avait tenté de justifier au moins sa bonne foi. Il n'était pas un menteur compulsif, contrairement à ce que certains pensaient avoir compris. « Je n’en ai pas douté. » Elle assurait ne pas en douter et il était presque tenté de la croire avant qu'elle ne rajoute « Mais je ne sais pas si pendant l’aventure on a eu le droit au vrai Sayid, ou si tu t’es présenté avec une toute autre personnalité. » Il renonçait généralement à se justifier à ce sujet, parce qu'il avait fini par comprendre que même avec toute la meilleure volonté du monde les personnes à qui il acceptait de se justifier comprenaient difficilement un tel désir de négation de sa propre personne, qui allait bien au delà d'un simple caprice. « Comme je t'ai dit hier, y'a pas de vrai Sayid. C'est pas ... je fais que m'adapter. Je fais rien de mal. » Il était peut-être bon de le rappeler, ça, il ne faisait rien de mal. Ou tout du moins il n'en avait pas l'impression, parce qu'il n'avait pas pour but de vouloir du mal à qui que ce soit et qu'il ne dérangeait personne en essayant de se fondre dans la masse, la plupart du temps. « Pour autant, je n’ai pas le droit de t’en vouloir. Je sais que ce n’est pas de faute, mais c’est difficile à encaisser. » Il avait baissé les yeux à nouveau, silencieux, retenant mal sa frustration face à la réponse d'Agata parce qu'il ne comprenait pas. Il ne voyait pas ce qui était si difficile à encaisser, pourquoi les gens ne le laissaient pas simplement se débrouiller comme il avait trouvé le moyen de le faire ; Il ne faisait rien de mal, encore une fois, et tout ce qu'il faisait c'était uniquement dans le but de se faire accepter des autres. Est-ce que c'était si mal ? « Mais pourquoi ? » Il n'avait finalement pas réussi à retenir sa question, posée sur le ton de l'incompréhension la plus totale et sans qu'il ne fasse plus attention à ce qu'il avait l'air d'être. Pourquoi est-ce qu'elle s'imaginait forcément qu'il y avait de mauvaises intentions, dans ce que lui voyait comme sa technique personnelle pour essayer de montrer patte blanche et de faire preuve de bonne volonté ? C'était aussi en cela qu'il ne comprenait pas ses congénères ; Ils n'étaient jamais satisfaits de rien, et Sayid lui non plus ne savait plus quand il pouvait être satisfait de lui ou non, du coup. « J’ai du mal à savoir si tu faisais semblant ou si tu t’intéressais un minimum. » C'était vraiment ça, ce qu'elle pensait ? Sa façon de se comporter vis à vis des autres avait été attribuée au fil du temps à tout un tas de choses, et Sayid n'en avait la plupart du temps plus rien à foutre puisqu'il avait décidé que personne n'était mieux placé que lui pour décider de la façon dont il pouvait se rendre la vie moins compliquée, mais c'était bien la première fois qu'on lui faisait ce reproche « Si tu ne m'intéressais pas je me serais contenté de t'éviter. C'est déjà assez difficile de se faire une place auprès des gens qui m'intéressent. » C'était même plus que difficile puisque c'était le gros de sa vie, depuis qu'il avait compris qu'il n'y avait qu'en s'intéressant et en agissant comme les autres qu'il parviendrait à se faire accepter des personnes pour qui il éprouvait un quelconque intérêt. « Mais tu te rends pas compte de la frustration constante que c'est, de jamais rien comprendre. Au moins si je suis le seul à le savoir, je reste pas tout le temps sur la touche. » Mais elle ne devait pas trop connaître ce sentiment, Agata. Elle avait l'habitude d'être le centre de l'attention, elle avait l'habitude que l'on observe ses faits et gestes, que l'on s'intéresse à elle, et qu'on l'admire ... Et elle n'avait pas l'air heureuse pourtant, et malgré tout c'était peut-être tout ce que Sayid lui enviait. Elle avait une place, alors que lui n'en avait nul part. « Si j'étais pas intéressé je serais pas là. Et j'essayerai pas de me justifier alors qu'à vos yeux c'est juste une mascarade ... » Et il n'avait pas vraiment envie de rentrer dans les détails et d'être plus explicite que les rares informations qu'il avait donné durant le prime. Il n'avait pas envie que quiconque le rencontrant désormais puisse se faire une idée de ce qu'il était avant et des raisons pour lesquelles sa vie était impossible s'il ne se guidait pas aux réactions d'autrui.

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