La semaine passée j’ai fait connaissance d’une brune plutôt cool et mignonne dans l’horrible salle de bain de la prison. Entre deux crises de rage je crois que j’ai réussi à sympathiser, je suis même allée la réveiller un matin pour qu’elle aussi ait de l’eau chaude, si ça ce n’est pas de la générosité. Bref je viens d’apprendre que cette brune c’est en fait la femme du roux à qui on m’a associée. Genre un mec qui met un kilt en tenue de soirée ça a une femme. D’où ? Y a tellement de gens ici que ça grouille de partout du coup je ne suis même pas choquée de la retrouver encore une fois dans la salle de bain. Sauf que cette fois c’est dans un autre contexte. La facture d’eau chaude a enfin été payée et en prime, comme ils avaient trop de thune à jeter par la fenêtre, je me retrouve face à … un micro. Les gars y a un micro. C’est n’importe quoi, tout est trop démesuré ils ont dû engager un amerloc pour faire la déco, c’est pas possible autrement. « Hm.Hm. » Le micro m’a l’air de marcher, ça aurait été le comble du comble mais j’aurais bien aimé parce qu’actuellement tout est tellement top que j’ai rien contre quoi pester. Ca me manque un peu. « Excuse-moi, c’est quoi ton prénom déjà ? » Je scande au travers du micro à l’intention de la brune dont je n’ai pas encore retenu le prénom. Y en a tellement, en plus c’est pas comme si j’avais encore vraiment parlé avec le roux. P’tete ce soir dans notre lit conjugal. Et si elle avait prévu de m’arracher les cheveux d’ailleurs ? « En tout cas sache que je resterai derrière ce micro afin d’hurler si jamais l’envie de m’égorger te viens jusqu'à ce que tu m'assures le contraire mais moi je ne touche pas aux roux. » J’abuse carrément car ça reste qu’une couleur de cheveux, au fond je m’en fou. « Enfin pas celui-là. » Voilà là c’est plus exact.

Elle s'était levée tard, s'étant couché au petit matin à cause du prime, mais elle avait passé une très bonne nuit. Et sa journée avait été teintée de cette même bonne humeur en découvrant quelques lieux, car le nid était trop grand pour qu'elle en fasse le tour complet en ce premier jour. Elle en retenait des points très positifs concernant le design et la décoration. Elle n'arrêtait pas de se répéter qu'il faudrait qu'elle se renseigne sur l'équipe qui avait été en charge d'aménager l'endroit pour les féliciter et échanger un peu entre collègues, ou presque. Avant d'aller se coucher, parce qu'il était presque déjà tard pour elle, elle était passée par la salle de bain pour se débarbouiller. Elle ne s'attendait pas à ce qu'une voix l'interpelle. Il lui semblait reconnaître la jeune femme avec laquelle elle avait convenu d'un pacte pour avoir de l'eau chaude dans les douches de la prison. Elle lui demandait son prénom. « Moïra. Et le tien, déjà ? » Elle savait qu'elle s'appelait Salomée parce qu'il s'agissait de la partenaire de son homme, mais elle l'avait plus appris parce qu'il lui en avait parlé que parce qu'elle s'inquiétait au sujet de leur partenariat au sein du jeu. L'irlandaise ne pensait pas avoir à s'en faire, elle doutait même qu'Owen s'en fasse à propos d'Achille. Ils se faisaient trop confiance, et depuis longtemps. Remarque, c'était peut-être là le piège, de trop avoir confiance. La brune avait ouvert le robinet et s'était aspergé le visage d'eau alors que la jeune femme reprenait la parole dans son micro. Elle y resterait jusqu'à ce que Moïra l'assure qu'elle ne lui ferait pas de mal, elle ne touchait pas aux roux. « Ils ne sont pas contagieux, tu sais. Mais c'est tant mieux. Tu n'as pas envie de savoir ce que j'ai fait à la dernière qui a osé. » Elle l'avait regardée de travers et elle avait râlé, c'était à peu près tout. Elle avait apporté ses affaires de toilette et avait sorti sa crème du soir. « Cette salle de bain est superbe. » Avait-elle déclaré en pressant le tube. « Je n'arrive pas à croire qu'il y ait un micro, ils ont pensé à tout. » Elle dessinait des cercles sur son visage pour que la crème pénètre bien sa peau ou pour la tonifier ou quelques chose comme cela, c'était marqué dans le petit encadré sur l'application donc elle le faisait. « Et il y a de l'eau chaude à n'importe quelle heure. » C'était clairement le plus important.

Les prénoms ont tellement défilé la semaine passée que je n’en ai pas retenu la moitié. Pourtant habituellement j’ai une bonne mémoire des noms mais là ils ont tiré sur la corde. Du coup je ne me souviens pas de celui de la brune, tout ce que j‘ai retenu c’est qu’elle était sympa et très calme. Devant mon moi-même de la semaine dernière j’aurais pété un câble mais elle non. On sent un très grand self-control rien que lorsqu’elle ouvre la bouche pour dire des choses lambda, comme son prénom par exemple. « Salomée. » Le micro grince et je tente de gérer la chose dans un sursaut, tendant mon bras de l’autre côté. J’ai envie de glisser une petite réflexion sur la contagion des roux mais un autre détail retient mon attention dans ce que raconte Moïra. Je plisse les yeux, un sourire narquois s’invitant sur mes lèvres. « Ah ouais ? J’ai carrément envie de savoir. » Ce genre d’histoires ça me fait saliver. J’en suis très friande mais je l’ai déjà dit à plusieurs reprises, je suis une fille très lambda. La femme d’Owen m’ayant certifié qu’elle ne m’agresserait pas dans un excès de jalousie j’arrête mon manège et repose le micro, me rendant enfin près des lavabos pour initier ce pourquoi j’étais venue à la base. « Oui enfin c’est complètement inutile à ce point-là. » Je ne vois pas l’utilité d’un micro dans une salle de bain, c’est too much. Eux qui nous ont mis dans une situation précaire la semaine passée, la production aurait mieux fait d’offrir le surplus de budget à des associations plutôt que de l’investir dans des gadgets pareils. Parlant de précarité, on a enfin le droit aux douches chaudes 24/24 ; un bonheur. « Surtout ça. Je n’en pouvais plus des douches froides ou des réveils matin après une nuit horrible. C’est là qu’on s’aperçoit à quel point on peut être attachés à notre confort. » Pivotant, je viens asseoir mes fesses dans un rebond sur l’un des lavabos, mes prunelles curieuses rivées sur Moïra. « Dis-moi quelque chose d’intéressant sur Owen. Genre… une situation embarrassante dans laquelle il s’est retrouvé. » C’est le genre d’informations qui peut se révéler très utile et aussi très drôle.

Le micro avait grinché, elle s'était instantanément crispée. Elle aurait pu faire une réflexion mais elle se doutait que la jeune femme n'avait pas fait exprès. Enfin si elle n'y touchait pas à l'origine, cela ne serait pas arrivé. Mais peu importe. Elle avait orienté la conversation sur Owen, qui était la propriété privée de Moïra, mais elle voulait bien le prêter à Salomée pour quelques temps surtout si elle ne voulait pas y toucher. La demoiselle voulait savoir ce que l'irlandaise lui ferait sinon. Celle-ci avait jeté un regard dans sa direction. « Touches-y et tu verras. » Il n'allait concrètement rien se passer mais elle aimait se donner le genre de la femme possessive et mystérieuse, qui ne dévoile en aucun cas ses méthodes pour mettre l'ennemi hors d'état de nuire. Salomée était finalement sortie de sa cachette, laissant le micro dans son coin. Elle avait raison, c'était d'une inutilité affligeante. « Ça doit bien en amuser quelques-uns. » A commencer par Owen, mais probablement que pour une chanson ou deux puis il s'en lasserait. Non, le véritable progrès par rapport aux abysses, c'était l'eau chaude, les deux candidats étaient bien d'accord. « On a été élevé dedans, nous l'enlever comme ça c'est... Comme piqué le jouet préféré d'un bébé. » Une catastrophe pour les oreilles. Elle ne savait pas pourquoi elle disait cela, elle cherchait quelque chose à dire, pour confirmer ce que disait la jeunette. Elle était venue s'asseoir sur le rebord d'un lavabo pour lui demander de lui dire des choses intéressantes sur son compagnon. Moïra l'avait regardé d'un air amusé. « Il va falloir me payer pour cela. » Elle ne dirait rien aussi facilement, juste parce que la candidate voulait savoir quelque chose qu'elle pourrait utiliser contre son homme, elle était la seule à pouvoir se le permettre. Mais si ce que lui proposait Salomée était à la hauteur, elle pourrait considérer le fait de lui raconter l'histoire de leur rencontre par exemple, pour commencer se serait parfait.