Il y a deux sortes de réaction le jour de l’anniversaire d’une personne. Soit elle est ravie que ce soit son jour, soit elle déprime dans son coin. En ce vingt-deux décembres, Colin ne se range ni dans l’une, ni dans l’autre des catégories. Il n’est pas particulièrement excité puisqu’il n’a pas sa mère pour fêter son anniversaire à ses côtés – il en vient même à se demander si elle se souvient de lui où elle est – et qu’il avait malgré tout ses petites habitudes avec elle, mais il n’est pas non plus déprimé à l’idée de le fêter ici, loin des siens – qu’il ne considère pas comme tels, en fait – sans recevoir un seul cadeau ni être le roi de la fête comme ce fut le cas au lycée. À vrai dire, il est plutôt satisfait de fêter son vingtième anniversaire entre ces murs, sans avoir à supporter sa famille qui lui impose une fête qu’il n’a pas voulue, avec des cadeaux qu’il n’a pas voulus, sous prétexte que c’est ce qu’il appréciait quand il était gosse. Il n’est pas non plus mécontent d’entrer dans une nouvelle décennie, au contraire, il a même envie de le crier sur tous les toits pour que ses colocataires cessent de le traiter comme un gamin, maintenant qu’il n’a plus une décennie – minimum – de différence avec chacun d’entre eux. Quoi qu’il en soit, comme c’est toutefois un jour particulier, il décide de se diriger vers le stand de confiseries, dans le but de soudoyer Maggie afin qu’elle lui fasse un énorme gâteau d’anniversaire. Il l’a bien travaillée ces dernières semaines, il est persuadé qu’il peut obtenir quelque chose d’elle. Mais ses plans changent quand il passe devant le palais du rire, qu’il n’a jamais visité auparavant. Il ne saurait dire pourquoi aujourd’hui, mais il est soudainement curieux de visiter l’endroit. À vrai dire, il n’a pas grand-chose de mieux à faire, Maggie ne pourra de toute façon pas faire son gâteau en une seconde, alors ça peut bien attendre quelques minutes de plus. Prenant le chemin de l’entrée de l’attraction, il monte à l’étage des miroirs, s’engouffrant rapidement dans la pièce et … perdant patience après avoir tourné en rond pendant vingt minutes pour trouver la sortie. Déjà que la patience n’est pas son fort en temps normal, il était obligé de tester une telle attraction qui la met à rude épreuve. Le Nobel pour Colin, s’il vous plait. Râlant, tournant en rond, s’agaçant, il finit par heurter violemment son reflet, ce qui ne manque pas de l’agacer. « Rah putaiiiin. » Il s’énerve, en frappant le miroir avec son pied. C’est alors qu’il relève la tête et aperçoit la silhouette du Prince Disney dans le miroir. « J’t’arrête tout de suite, j’suis pas en situation de détresse. » Il l’a cerné le bonhomme, il est sûr que c’est le genre de connerie qu’il aurait pu dire, surtout après leur conversation de la semaine dernière. Bon, d’accord, il s’agit d’un mensonge, mais il ne lui reste plus beaucoup de dignité, autant essayer de garder celle qui lui reste. « Donc, genre, si tu veux rester seul avec ton reflet, bah j’peux vous laisser, j’voudrais pas interrompre quelque chose de passionnant. » Par exemple Lawrence qui lèche son reflet ou s’en tape cinq, sait-on jamais, c’est peut-être tout à fait son genre. « T’comprends, j’ai mes chastes yeux à protéger. » Il est pur et chaste, que voulez-vous, il faut qu’il se protège de ce monde de dépravés.

À mesure qu’il avance parmi les miroirs, il regrette que sa curiosité ait pris le dessus et qu’il se soit senti obligé de tester cette attraction. Colin n’a jamais été un grand fan des parcs d’attraction, il n’a plus besoin de le prouver à personne étant donné qu’il fuit les attractions mises à leur disposition comme la peste. Peut-être que s’il les avait fréquentées plus régulièrement quand il était gosse, son avis ne serait pas le même à l’heure actuelle, mais sa mère avait tendance à éviter la foule. Dans tous les cas, cette petite visite au palais du rire ne fait que lui confirmer qu’il n’est décidément pas dans le délire comme certains de ses camarades. En plus de persister à croire que ces attractions ne sont là que pour les infantiliser, il n’a pas la patience pour les supporter. Faire quinze essais avant de toucher une cible ? Non merci. S’agacer durant des heures pour choper une foutue peluche qui ne sera même pas celle qu’il visait ? Surtout pas. Tourner en rond en se prenant des miroirs à la recherche de la sortie ? Pitié. Et pourtant, c’est exactement ce qu’il est en train de faire – subir, plutôt – depuis plusieurs minutes, et le garçon commence sérieusement à s’agacer. Il n’y a pas une sonnette d’alarme, un truc dans le genre, pour sortir d’ici les candidats prêts à détruire un miroir pour s’ouvrir les veines avec un débris de verre ? Car il n’est pas loin d’y passer. À défaut, il commence par frapper l’une des glaces avec son pied, pile quand le Prince Disney surgit derrière lui. Il choisit toujours son moment, celui-là. « Oui, je gère, j’t’assure. J’essaie une nouvelle tactique avec les nanas, il parait que les bleus ça donne un côté bad boy irrésistible, et comme j’ai trouvé personne pour m’frapper, j’fais avec les moyens du bord. » À savoir un miroir. Il y a plus pratique, c’est vrai. Mais il n’est pas là pour paraître crédible, il sait pertinemment qu’il ne peut pas rattraper ce que Prince Disney vient de voir. Celui-ci ne tarde d’ailleurs pas à s’approcher, ce qui ne ravit pas spécialement Colin qui espérait être tranquille pour retrouver son chemin – ce qui risque de prendre du temps – plutôt que de sentir une présence dans le coin, présence qui, à coup sûr, rigolera bien à chaque fois qu’il se prendra un miroir dans la face, ce qui va se reproduire, c’est une certitude. Faisant une réflexion à son camarade sur sa probable passion pour son reflet digne de Narcisse, il détourne ensuite les talons pour reprendre le chemin de la sortie, mais il ne risque pas d’arriver à bon port à en croire Lawrence. « C’est de la psychologie inversée, si j’vais dans l’sens que j’pense être le mauvais, ce sera le bon. » C’est exactement ça, hm. « Me confonds pas avec une nana de ton harem, j’vais pas tomber soudainement dans les pommes parce oh moN DIEU LE REFLET DE LAWRENCE. » Il précise avec une petite voix aiguë, en agitant théâtralement les mains à hauteur de ses épaules. Si c’est la réaction à laquelle il s’attend, il peut l’attendre encore longtemps. « Parlons de toi, tiens, si tu t’attardes vers moi, c’est que tu sais pas où aller, t’es pas un petit peu paumé aussi ? » Il lui demande, un sourire narquois sur les lèvres. Ce n’est probablement pas le cas, il a des oiseaux cachés quelque part qui doivent l’aider, mais ça ne fait pas de mal à Colin d’y croire l’espace de quelques instants. « Bon, ok, sérieusement rends-toi utile et dis-moi où est la sortie. » Il ne lui demande même pas de l’accompagner, simplement de le diriger, afin de minimiser ses efforts. « Ton prix sera le mien. » Il finit par abdiquer, poussant toutefois un léger soupir. Il est un peu obligé de dire adieu à sa fierté là, mais c’est soit ça, soit il se tape la tête jusqu’à en faire une hémorragie et ainsi obliger la production à venir le chercher. « Enfin, du moment que tu m’demandes pas de me transformer en bonne à tout faire ou en esclave sexuel, hein. » Sait-on jamais. Les plus gentils en apparence sont souvent les plus fourbes.