@Achille

Très honnêtement je ne donnais pas cher de notre partenariat au début. Déjà parce qu’avec Achille on a pas vraiment d’atomes crochus mais aussi parce que je voyais déjà l’un de nous partir dimanche. Que nenni. On est toujours là. Et même que ce matin commence mon entrainement personnalisé enseigné par mon doux Achille. Je rigole, n’abusons rien on est pas devenus le parfait binôme en un prime mais disons que depuis notre entretien du dressing la semaine passée nos rapports se sont améliorés. Même si je lui fais toujours un gros doigt quant à sa façon de me considérer comme une emmerdeuse. Après avoir pris mon petit déj’ en sa compagnie, je note que notre alimentation est très différente puisqu’il n’est pas très chocolat chaud et tartines de beurre, j’arrive sautillante dans la salle de sport. J’ai mis un point d’honneur à enfiler un legging en stretch à couleurs arc-en-ciel et à enfiler mes baskets de course Nike pour me préparer mentalement à l’effort. « Je suis prête coach. » Je m’épuise déjà inutilement à trottiner sur place, c’est limite si je lui fais pas des montées de genoux pour faire la belle.

On va pas se mentir, le départ de Moïra pour une nouvelle partenaire qu’est Salomée m’avait pas emballé des masses. Il faut dire qu’elle a ce caractère de merde, de chieuse, toujours à râler..  Mais finalement je la trouvais plutôt cool. Dimanche dernier, au prime nous avons donc tous les deux étaient sauvés et comme je lui avais promis la semaine passée, j’allais lui concocter un programme sportif pour qu’elle améliore sa silhouette. Après un petit-déj en sa compagnie, direction la salle de remise en forme. En tenue, trottinant sur place, elle déclara être prête. « Bien, donc tu vas commencer par dix, quinze minutes de cardio histoire de t’échauffer et de brûler les calories du réveillon.. Comme tu veux, rameur, vélo, tapis de course, fais ton choix. » dis-je avant de regarder bien attentivement la salle autour comme si je la connaissais pas bien alors que j’y vais tous les matins. « Vu le matériel qu’on a à disposition on va faire du CrossFit, ça va être un enchainement d’exercices de trente secondes chacun sans s’arrêter.. donc échauffe toi tranquille, faudrait pas t’épuiser. » C’est que je suis à fond dans mon rôle, alors qu’à la base je reste quand même coach sportif plus spécialisé dans les grosses machines style barre à squats, développé couché et compagnie. Mais faut bien s’adapter au matériel disponible qui nous permet pas de faire de vraies séances de musculation. Elle, elle veut améliorer sa silhouette et prendre des abdos, quoi de mieux que mélanger cardio pour perdre le gras, se dessiner et exercices musculaires pour grossir légèrement le muscle. « Pendant que tu t’échauffes, je m’occupe d’installer le parcours.. Ah oui et si je t’entends râler c’est cinq minutes de plus, crois-moi tu les veux pas ces cinq minutes de plus. » dis-je sourire en coin. Bon c'est plus de l'humour qu'autre chose, mais quand même, elle devrait se méfier. Bref, je me dirige vers la chaine hi-fi, l'allume, histoire d'avoir de la musique motivante car elle en aura bien besoin et commence à mettre en place les différents exercices du parcours qu'elle devra faire.

Je suis mo-ti-vée à fond. Comme à chaque fois avant de faire du sport, pendant c’est une autre histoire. « Genre on brûle des calories en 15 minutes d’exercice ? » Je le questionne avec mon air de miss chieuse je sais tout car j’ai vraiment un doute sur ce qu’il raconte et je soupçonne là une technique de coach peaufinée pour piéger les feignasses qui viennent en salle de sport pour brûler la culotte de cheval sans avoir l’intention d’y rester plus d’une demi-heure. Je balaie la salle du regard pour élire mon instrument de torture. « Je vais faire du tapis de course. » Sinon je sens que le rameur ça va m’achever en moins de deux et le vélo… disons que je ne tiens pas à marcher comme un manchot pour les deux jours à venir. Achille propose du CrossFit et je l’écoute sans rien dire tellement le nom me parle mais la pratique pas du tout. M’enfin tout ce que je retiens c’est le « échauffe toi tranquille, faudrait pas t’épuiser » qui me fait doucement rire. « Tranquille, tranquille, un quart d’heure de course c’est pas tranquille. » Juste au cas où il se rappellerait pas de ce que ça fait d’être un débutant. Bon je ne suis pas non plus une grande novice mais je doute sérieusement de mes capacités à tenir sur un tapis pendant quinze longues minutes. Et là… c’est le drame. Achille m’interdit de râler. Non mais alors je dis quoi ? Frustrée, une grimace apparait sur mon visage sans que je ne sache quoi répondre. Bon ben pour la peine je vais bidouiller le tapis pour essayer de le mettre en marche. Je me débats quelques minutes avec les différents « bip bip » émis par le tapis de course et je me mets en route. « Tu peux chanter steuplait ? La musique est cool mais ça ne me suffit pas à me divertir et à faire passer les minutes plus vite. » #princess.

Salomée semblait peu convaincu par le fait de brûler des calories en quinze minutes. Bien sûr si elle a mangé deux-mille calories d’huitres au réveillon, elle les perdra pas en courant quinze minute à six kilomètres heures. « Plus qu’en zéro minutes d’exercice en tout cas. Crois-moi qu’avec moi comme coach t’auras bien vite le boule de Nicki Minaj. » Mouais, je sais pas si c’est une bonne chose au final. Elle se décida donc à prendre le tapis de course. Bon choix. Vu que je lui prépare du rameur dans le parcours de Crossfit. Elle commence donc à s’échauffer, mais pour elle apparemment quinze minutes c’est beaucoup et loin d’être tranquille. « T’as qu’à courir à cinq kilomètre heures si vraiment c’est trop dur pour toi, même si ça c’est généralement réservé aux mamies de soixante ans.» Cinq kilomètres heures, ça ressemblerait plus à la marche rapide que font les vieux que de la course mais bon. Qu’elle règle la vitesse comme elle veut, l’important c’est qu’elle tienne dix, quinze minutes sans forcer. Après avoir mis la musique, voilà qu’elle demande à ce que je chante pour la divertir, pour l’aider à passer les minutes. « Si je me mets à chanter, je peux t’assurer que ce sera d’autant plus une torture pour toi d’être ici. » Elle m’a bien regardé ? J’ai une tête à chanter moi ? Elle a cru que j'avais la voix de Mika ? Bref, je continue de lui préparer son parcours. Au programme donc avec les moyens du bord et mes quelques affaires personnelles : rameur, corde à sauter, zone d’abdos avec ballon de gym, kettlebell, zone de gainage, fente avec poids, squat avec poids bras tendu, biceps et zone de boxe avec un pao que je lui tiendrai. Neuf exercices, trente secondes chacun, quatre cinq tours si possible et ça sans s’arrêter. Puis à la fin, un exercice au choix qui durera lui une minute. J’allais la crever la Salomée, après quoi elle aura plus la force de râler pendant une semaine. Une fois le parcours prêt, je me dirige donc vers le tapis de course de Salomée, me place en face d’elle tout en mangeant un mars pendant qu’elle court. « Allez pour ces deux dernières minutes d’échauffement t’accélères un petit peu ta course et après je te montre le parcours. » Qu’elle fasse les mouvements correctement, on rigole pas avec ça.

Minute minute là. Je me suis engagée pour ressortir avec le corps d’un ange de Victoria’s Secret pas celui de Nicki Minaj. « Non ! Dégueu ! » Ca sort tout seul face à la menace et je m’y mets, parce que j’ai conscience que de toute façon je n’atteindrais la forme physique d’aucun de ces deux modèles corporels. « Tu joues sur la culpabilité psychologique pour pousser les gens à se bouger ? C’est très bas ça. » Personne n’aime être comparé à une mamie donc forcément je vais m’y mettre car quitte à souffrir autant y aller à fond. Le problème avec ce genre d’exercice c’est l’ennui. Je ne comprends pas ce qui pousse les gens à courir pendant une heure sur un tapis sans rien d’autre pour se divertir. Un quart d’heure me parait déjà long, c’est donc tout naturel de demander à Achille un peu de participation. Il peut bien faire quelque chose pour moi quand même. « T’es nul. Aucun effort. » Je lui accorde des phrases très courtes puisque je sens déjà mon souffle s’épuiser après quelques minutes de course. Je vais regretter ma clope du matin sous peu. Le temps me semble long mais je continue de courir comme une souris de laboratoire, Achille se décidant enfin à me rejoindre au bout d’un moment. Il me nargue ou je rêve ? Quel connard. « Que de la mauvaise graisse là-dedans. » Je suis déjà à bout de souffle. « T’as oublié tes barres protéinées ? » Ca devrait être le genre à se nourrir à la protéine pourtant. Je veux faire la conversation mais c’est pas facile en plein sprint. « Me carotte pas sur le temps ! » Je veux bien être volontaire mais il y a quelques limites.

L’idée de repartir avec le postérieur de Nicki Minaj ne l’emballait pas des masses. Le contraire m’aurait étonné tiens. Elle demanda si je jouais sur la culpabilité psychologique pour pousser les gens à faire des efforts. Aillant utilisé le stratagème de la comparaison avec la mamie, oui c’était le cas et j’haussais donc les épaules. « Tu me remercieras à la fin quand t’auras les premiers résultats. » L’important c’est que ça marche non ? Quitte à bien galérer, c’est le résultat qui compte, et si faut la traiter de mamie pour qu’elle accélère, alors je la traiterai de mamie. Elle appréciait pas cependant que je me mette pas à chanter, elle disait que je ne fais aucun effort, je me mis à rire légèrement. Faut dire que c’est à elle de faire des efforts, et en plus j’ai pas été formé pour chanter pour les autres. Je suis coach sportif, pas chanteur. Après avoir installé le parcours je la rejoins, et me place face à elle tout en mangeant un mars pendant qu’elle, elle galère à courir. Ce qu’elle a pas l’air d’apprécier, on se demanderait bien pourquoi. « Ouais aujourd’hui on inverse les rôles, c’est moi le gros et c’est toi la sportive. » Et puis surtout ça me fait marrer de la voir galérer un peu et d’en rajouter une couche en bouffant un mars. Elle voulait pas que je la carotte sur le temps. Ca encore une fois, c’est si elle râle pas trop. Le temps d’échauffement se termine donc enfin. « C’est bon fini l’échauffement, place aux choses sérieuses maintenant. » dis-je avant de l’amener au parcours. « Bon comme je t’ai dis, t’as neuf exercices, tu vas les enchainer sans t’arrêter, chaque série durera trente secondes. Je vais te montrer les mouvements. » Rameur, gainage, corde à sauter, boxe, pas besoin de montrer déjà. Pour le reste je m’attarde a bien lui montrer comment exécuter le mouvement avant de reprendre. « Des questions ? Donc tu commences par le rameur et après t’enchaineras dans cet ordre-là : Corde à sauter, Abdos, kettlebell, gainage, fente, squat, biceps et boxe. Puis tu repars pour un autre tour. Je te dirai quand changer, tu t’arrêteras pas avant.» Maintenant si elle est prête, il y a plus qu’à commencer.

Je le remercierai, oui, à condition que les premiers résultats ne se fassent pas trop tarder. Si je dois me coltiner 3 mois intensifs pour voir apparaitre un pet d’abdominaux ça va vite me démotiver. D’ailleurs dans ce genre de conditions je ne pense même pas tenir autant de temps. « Ils ont intérêt à être rapides. » Je râle et ça n’a pas intérêt de rallonger mon temps d’échauffement car c’est une complainte justifiée. Le temps est déjà assez long comme ça. En plus Achille en profite pour me narguer, c’est très fin. Pas autant que ses paroles, si je n’étais pas en train de m’époumoner sur un tapis de course à l’heure actuelle  je lui aurai hurlé dessus. « Eh t’insinues qu’habituellement je bouffe comme une porc ? Je ne m’enfile pas des Mars dès 9h du mat’ moi figure toi ! » Je trouve encore la force de m’indigner tandis que ma course se termine mais je ne pouvais pas rester là-dessus sans rien dire. J’essaie de faire attention à ce que je mange ici pour ne pas avoir à rouler le jour où je devrai sortir du nid. Achille sonne le glas de la fin de l’échauffement et c’est la libération. Je ralentis la course en m’accoudant un instant au tableau de bord de la machine afin de pouvoir souffler un peu. Néanmoins attentive j’écoute ses explications quant aux exercices à venir et j’ai déjà l’impression de crever rien qu’à l’écouter. Je vais finir la séance par terre et totalement inerte. « Je vais crever. » Je souffle plus pour moi-même dans un découragement total. Courageuse mais pas téméraire, hein. Cela dit oui j’ai une question. « Oui. Si je manque trop d’air je continue quand même ou j’ai le droit de m’arrêter avant que mon cœur lâche ? » J’avoue je fais ma drama queen mais déjà quand il explique ça me parait impossible alors à l’action j’imagine même pas. Je vais recracher mes clopes une par une. « C’est quoi ma récompense au fait ? Je te permets de te renouer avec ta passion donc je mérite bien quelque chose. » Il devrait être reconnaissant envers mon volontariat.