Greta semble avoir mal pris les adjectifs que je lui ai attribués à l’occasion de la rubrique de Sega diffusée pendant le prime. Etonnant. Vraiment. La mamie du groupe a eu sa vengeance lors du paintball, ça va elle est plutôt franc jeu. De toute façon ça n’a rien de sérieux ces adjectifs, je ne savais pas quoi dire alors j’ai fait dans la simplicité. Elle est cool cela dit pour ce que j’ai pu échanger avec elle, quoi qu’un peu bruyante. Ce n’est pas de sa faute ça doit être un problème d’ouïe, elle commence à se perdre à partir d’un certain âge. Ironie du sort c’est elle que je trouve dans la salle de bain lorsque je débarque prête à me démaquiller pour filer au lit et rattraper ma nuit agitée de la veille. Merci Colin. Sans un mot j’analyse un instant mon visage dans le miroir pour constater les dégâts qu’une journée de glande ont fait de lui. Grimaçant face à mon reflet mes pupilles glissent sur les produits étendus le long du lavabo. Je détecte une crème antirides appartenant sans doute à la routine beauté d’une des filles se préoccupant déjà des rides précoces et sans piper mot je la glisse doucement vers la candidate tel un chat malicieux. Sans aucune honte je lui adresse un sourire lèvres pincées. J’ai le regard pétillant mais je sens qu’elle va me défoncer. Il faut que j’arrête de traîner avec le brun il commence à sérieusement me déteindre dessus.

Le prime touche seulement à sa fin et je me sens cassée, le paintball a été intense, il a fallu crapahuter pour espérer récolter quelques points et je suis très heureuse de la conclusion de cette soirée. Ne pas être en danger cette semaine cela fait le plus grand bien, je me sens confiante, en sécurité, cette sécurité ne sera pas bien longue, surtout dans un jeu comme Fake Lover, mais j’ai envie d’en profiter pendant que je peux me le permettre. Il me reste pas mal de peinture sur le corps, les casques et autres protection n’auront pas été de trop et certains de mes partenaires se sont montrés vicieux lorsqu’ils ont choisi de me tirer dessus. Il est encore tôt, beaucoup trop tôt, et j’attends que tout le monde aille se coucher pour pouvoir apprécier une bonne douche sans pudeur, dans le plus simple appareil, d’ici une heure, peut-être deux… Un petit peu de patience, en attendant j’opte pour une première tentative, démaquillage, j’ai le visage tâché par la peinture, il y a du travail. Salomée est dans le coin, près d’un lavabo, je ne prête même pas attention à elle, plus vraiment en colère. J’aurais peut-être mieux fait de tourner sept fois ma langue dans ma bouche puisqu’elle me tend une crème antirides avec un sourire qui me donne… Oui, je crois bien qu’il me donne des envies de meurtres. Je la dévisage un moment et décline. « Tu n’as pas eu assez du paintball n’est-ce pas ? » Entendez par là qu’un headshot ne lui aura pas suffi. « Mamie est forte en boxe, fais attention. » Je lui adresse un clin d’œil, plus dans la plaisanterie pour le moment. « Et puis j’ai quarante ans merde, j’suis pas foutue ! »

Je ne sais pas d’où me vient cette envie de pousser le vice. Le malin a dû s’inviter dans mon cerveau car malgré la vengeance de Greta, qui est donc le genre de femme à ne pas se laisser abattre par un commentaire désobligeant à son propos, je tiens à remettre le couvert quitte à faire dans la provocation. Ca m’amuse. Elle est tellement grande gueule que je jubile déjà de sa future réaction. C’est tout en finesse que je pousse le pot vers elle, mon sourire n’appelant qu’à une réplique de sa part. Gagné. Je suis contente c’est bon. « J’ai pas envie de finir là-dessus. » Pas sur une défaite de ma part. Ma fierté en a pris un coup quand elle a tiré en plein dans ma tête sans que je n’arrive à répliquer. Car s’il y en a bien une que j’ai galéré à viser c’est Greta. Comme quoi l’arthrose c’est pas pour tout de suite, mémé bouge encore parfaitement bien. « En boxe ?! Tu oserais casser mon nez ? » Je me la joue peste insolente, couvrant mon nez de mes doigts pour le protéger d’éventuelle représailles. « Et t’es forte en pâtisserie aussi ? » Elle n’a rien d’une mamie gâteau, et encore moins d’une mamie tout court en fait, mais ça vaut la peine d’être suggéré juste pour continuer dans ma lancée. Elle n’a que quarante ans, au final elle est plus jeune que mes parents. J’abandonne mon jeu, baissant la garde pour retrouver un air qui m’est plus propre. « Quarante ans ? Ca va t’as encore du temps. » Je balaie l’air d’une main pour justifier la soudaine futilité de son âge. « T’as des enfants ? » La question me vient sans prévenir mais tout à coup la réponse m’intéresse. Je l’analyse les yeux plissés et je mise sur la réponse positive bizarrement.

« Parce que tu crois être capable de me battre ailleurs ? » Je me sens obligée de lui demander, pas certaine qu’elle puisse faire le poids dans un autre domaine. Je ne devrais pas répondre et la rendre heureuse, parce qu’elle trouve son bonheur dans la provocation et que je suis définitivement trop vieille pour me prêter à de tels petits jeux. Impossible pour autant de ne pas réagir, j’ai le goût du défi et la simple idée qu’elle pense pouvoir me tenir en défaite me donne envie de lui fournir la preuve écrasante du contraire. La jeune femme ne s’en sort pas trop mal, elle devrait dispenser des leçons d’insolence bienséante, elle ne manque jamais de respect dans le ton mais parvient habilement à placer ses pions sur l’échiquier avec ce sourire et cette innocence qui agace surement un tas de monde lorsqu’elle l’utilise dans un contexte plus tendu, avec un réel conflit. « Bien-sûr que j’oserais, pas de pitié ! » Je n’ai jamais fait de boxe cela dit, il s’agissait d’un mensonge, je m’en sors plutôt bien pour tirer les cheveux, ça peut compter ? Une fille préfèrerait avoir le nez cassé plutôt que d’avoir des mèches arrachées. Elle continue, lentement, à coup de références à la vieillesse et j’opte pour une réaction qui, à coup sûr ne sera pas celle qu’elle attendait. « Figure toi que oui, je maitrise le fouet comme personne ! » A ma plus grande surprise Salomée perd toute insolence et se met à agir normalement, elle serait presque appréciable dans ce contexte. « J’ai un fils oui, je l’ai eu tôt, au lycée. » Ce qui m’amène à ma prochaine question. « Tu as quel âge toi d’ailleurs ? »

J’arque un sourcil face à la remarque de Greta. D’où elle pense être meilleur que moi dans tous les domaines ? Je lui interdis de me rabaisser comme ça. En plus je suis sûre que j’ai une meilleure condition physique qu’elle et ça n’a pas seulement rapport avec l’âge. « Bien sûr. Achille me fait suivre un entrainement de conquérant chaque matin. » On peut se faire un marathon si elle veut je suis persuadée que je tiendrai plus longtemps qu’elle. En seulement quelques semaines j’ai déjà pu notifier certains changements grâce à mon musclor de partenaire. En attendant le truc de Greta s’avère être la boxe. C’est noté. Mais je n’ai pas envie d’y laisser mon nez. A vrai dire je ne pense pas non plus vouloir d’un quelconque combat. « C’est cruel. » Je m’indigne calmement à l’aide de mon expression favorite tout en l’observant. Je l’imagine parfaitement capable de faire ça. J’ouvre la bouche à sa référence, prenant une longue inspiration. Habile la dame, on voit qu’elle a l’habitude. « Ca peut être utile j’imagine. » Au-delà de ses sous-entendus Greta a piqué ma curiosité. Elle a donc un fils. D’accord. Sûrement a-t-elle déjà dû le dire que je n’ai pas retenu l’information. « Il s’appelle comment ? » Que je mette un nom dessus à défaut d’y mettre une tête. « 21 ans. » Je m’attends à une pluie de moquerie puisqu’après Colin ici c’est moi la plus jeune. Je suis honnêtement très surprise, je pensais que cette émission attirait un publique plus jeune et par conséquent des candidats de ma tranche d’âge. «Tu vas me dire que j’ai encore tout à apprendre ? » Je demande simplement puisque c’est le genre de chose auxquelles on peut s’attendre dans ce contexte-ci.

Achille semble être en passe de devenir le coach sportif de l’intégralité de la maison. Salomée n’est pas la première à me faire remarquer qu’elle a obtenu un coup de main de la part de monsieur muscles. A l’avenir je songerais à aller le voir pour obtenir un petit coup de main à mon tour même si je n’en ai pas plus besoin que cela, la danse étant largement suffisante pour que je puisse me muscler au quotidien et ne me relâcher physiquement. « Il a une bonne âme ! » Je me contente de faire remarquer en souriant, Achille est d’une gentillesse assez surprenante, je l’imaginais plus con que cela mais il figure parmi mes surprises de la saison, ceux que j’avais mal jugé. « Merci ! » Je me contente de répondre avec un grand sourire lorsqu’elle admet une certaine cruauté à ce que je pourrais lui faire ou non. Je ne toucherais jamais une jeune fille, elle est tellement jeune qu’on a plutôt envie de la prendre sous notre aile et de lui apprendre quelques trucs si c’est possible. « Tu n’as pas idée ! » Cette conversation à double sens est assez amusante, cuisine, sadomasochisme, sexe, domination ? Difficile de savoir sur quel sujet nous sommes réellement en train de papoter. « Il s’appelle Jagger ! » 21 ans, elle n’est pas loin de mes estimations, un petit peu plus âgée, elle fait tellement jeune, tellement innocente. « Non, je ne me la jouerai pas vieille génération qui pense tout savoir et qui, cerise sur le cheesecake, pense que les jeunes ne connaissent rien à la vie. » Je suis plutôt du genre à penser que nous sommes ceux qui avons l’occasion d’apprendre à leur contact, leur fraicheur, leur manière de penser souvent différente de celle que nous avions à l’époque. Ils offrent sans le savoir un enrichissement que je privilégie au quotidien. « Tu viens d’où ? » Je lui demande, intéressée à l’idée d’en apprendre davantage sur elle.