Il s'est endormi aux environs de quatre du matin, le nez fourré dans son bouquin. En se réveillant, il a senti une douleur au niveau de la nuque. Il tente de le masser pour détendre les muscles de son cou. Cela ne fait que d'atténuer la douleur. Ne serait-ce que pour quelques minutes. Un lendemain de prime comme un autre. Il se lève, range son livre et fait le lit en deux-trois mouvements. Ce même lit qu'il a partagé avec une certaine rousse. D'ailleurs, cette dernière a disparu sans laisser de trace. Même pas un au revoir. Il comprend sa décision, mais sa sœur a-t-elle été mise au courant au moins ? Il s'inquiète car Jade est fragile. Tout ce dont elle a besoin, c'est qu'on la rassure, qu'on la réconforte pour compenser. Et bien sûre, rien de mieux que l'amour fraternel pour cela. En attendant, elle est entourée des gens qui l'apprécient, qui l'aiment dont Lino fait parti. Il se dirige vers la salle de bain, fatigué. Il rentre dans la pièce, se désape, prend une douche. L'eau froide est bon pour le corps, il paraît. Surtout, le meilleur remède contre la fatigue. Il finit de se laver, enfile des vêtements propres et secs puis sèche ses cheveux avec la serviette. Du coin de l'oeil, il remarque la présence d'une silhouette sur le seuil de la porte. Il reconnaît les traits de Jade. Il retire la serviette lorsqu'elle s'approche de lui. Arrivant à sa hauteur, il pose une main sur le sommet de son crâne. « Tu tiens le coup ? », qu'il lui demande avec douceur. L'heure est aux réconciliations. Jade a bien besoin d'un ami, d'un confident, une épaule sur laquelle pleurer. Il ne sait pas si il est la bonne personne pour cela. En tout cas, il ne la laisserai pas tomber. Pas cette fois. Il compte bien se rattraper et de lui demander son pardon.

Éveillée dans mon lit, je n'ai pas encore trouvé la force de m'en extraire. Mes prunelles frôlent un poignet vide de montre, par automatisme. Dans le doute, il faudrait idéalement que je me mette en mouvement. D'un pas quasi robotique, je me rends jusqu'à la salle de bain où je croise le regard de Lino. Il veut s'assurer que je vais bien. Je lui offre un sourire assez évasif en poussant un léger soupir. Je m'accroupis pour m'emparer de ma trousse qui contient mon traitement antipsychotique pour la journée. « Je ne vais pas m'effondrer je te rassure » je lui réponds parce que s'il s'imagine ça, je vais bien. Je ne compte pas non plus pleurer sa disparition qu'on se le dise. Je ne sais pas comment ils me perçoivent, mais parfois, ça fait peur... J'ai l'impression d'être vue comme une petite chose fragile qu'ils tentent de manipuler sans trop brusquer entre leurs doigts. Je ne sais pas où est Scarlett, mais il m'est arrivé de ne pas calculer ma soeur pendant des mois lorsque j'avais des représentations toutes les semaines, alors oui, je vais survivre. Oui, je suis un peu blessée de son départ, ou plutôt de sa disparition parce que j'aurai aimé qu'elle ait le respect, la décence de me prévenir au lieu de me mettre devant le fait accompli, mais c'est tout. Non, je ne cautionne pas son geste, alors non, je ne vais pas pleurer son départ, en m’apitoyant parce que je suis en colère contre elle. Je pourrais vraiment la détester lorsqu'elle m'oblige à subir, me reléguant au rang dégradant de spectatrice. « Et non, je n'étais pas au courant de son départ » je précise simplement en haussant les épaules parce que c'est la question que quasiment tout le monde se pose lorsqu'ils me croisent. Je finis par compter les cachets au creux de ma main afin de tenter de m'assurer que je n'oublie rien. Je remplis un verre d'eau pour les avaler, et oublier.