C'était désormais mon moment, le moment que j'attendais. Je voulais faire court, pas trop long ça ne servait à rien en fait. Je trouvais que c'était inutile de faire dans le long. « Bon je ne tiens pas à ce qu'après avoir dévoiler mon secret on s'apitoie sur mon sort et ni pour attirer la compassion envers moi. » dis-je avec un léger sourire aux autres candidats. C'est vrai qu'il y avait des secrets très forts. Comme celui de Greta par exemple qui était très touchant. « Donc en dehors du fait que j'ai toujours été considéré comme un mec maladroit, qu'on m'a toujours assimilé à un mec assez simplet et bien voilà. » Je m'emmêlais un peu les pinceaux quand même. Ou je disais n'importe quoi. « Mon frère Tyler est atteint de la trisomie 21, du moins était. C'était un enfant plein de vie, qui était plus vieux que moi et avec qui je m'entendais bien. Même super bien, je ne voyais pas son handicap. Personnellement je le considérais comme un garçon parfaitement normal malgré la maladie qu'il avait. J'ai toujours été proche de lui, c'était mon meilleur ami, mon confident, c'était un peu comme ma moitié et j'avais une relation fusionnelle avec lui. » dis-je en tentant de garder une voix neutre. « Tyler était fan de l'émission Fake Lover. Il la regardait toujours et comme moi j'étais là et bien je la regardais avec lui. Il me disait toujours. Va-y Cody tu dois y participer. Allez ! Tu penses pas que tu aurais ta chance dans cette émission ? Mais moi je n'en avais pas l'envie. Je me disais que j'étais mieux avec lui, que j'étais mieux le temps qu'il était là. » dis-je en affichant un sourire en repensant aux moments que j'avais passé avec lui. Je me rappelais de lui, de sa joie de vivre, du fait qu'il était sans doute plus vif d'esprit et plus intelligent que n'importe qui. Du moins c'est ce que je pensais. « Pour moi il était plus intelligent que les autres. Il avait une vision différente du monde, il arrivait à voir ce que les autres ne percevaient pas. Il avait vraiment un truc spécial. » dit-il en souriant à nouveau. Et dire que c'était terminé. Que tout était fini. « Malheureusement il y a maintenant deux ans, Tyler s'est éteint. Il est mort et ça a vraiment été pour moi une horrible déchirure. J'ai mis du temps à m'en remettre, je perdais la personne la plus importante de ma vie. Je crois que ça m'a vraiment atteint, c'était juste horrible. » Rien que d'en parler j'avais mal. Rien que d'en parler ça me faisait souffrir et en même temps pleurer ne servirait à rien. « J'ai alors repensé à ce qu'il me répétait sans cesse. Ce qu'il me disait à chaque fois. Et je me suis dis que je devais participer à Fake Lover pour lui. Mon secret est donc : Je participer à Fake Lover pour respecter la dernière volonté de mon défunt frère. » Voilà je venais de me libérer de mon secret, d'un poids, j'avais respecté sa volonté on va dire. « Et malgré tout, malgré que je n'ai pas été au bout je sais que l'important c'est que j'ai respecté sa volonté que je participe à l'émission et que si lui aurait pu la faire il l'aurait fais. Et je suis vraiment content d'être venu. Il avait raison, à croire qu'il a toujours raison. » C'était le clap de fin à l'explication de mon secret. C'était dur quand même. Mais ça faisait du bien.

D'un oeil distrait, elle avait observé son portrait apparaître sur l'écran, détournant immédiatement le regard, incapable de faire face à son image. On pourrait croire que la salvadorienne préparait ce moment depuis des semaines, notant scrupuleusement le moindre détail de son discours, ponctuant ses phrases d'annotations sur la manière dont elle devait se tenir ou même parler. Pourtant il n'en était rien, elle se lançait dans cette révélation à l'aveugle puisqu'elle était incapable de coucher sur du papier le secret avec lequel elle s'était rendu dans l'émission. Enola redoutait ce moment, plus que les éliminations qui étaient soudainement devenue secondaires à l'annonce de son prénom. La brune s'accorde quelques secondes pour réfléchir à une entame de discours potable. Son regard dérive aux quatre coins du plateau cherchant un regard auquel se raccrocher pour ne pas se retrouver submergée. Elle pourrait se gifler mentalement de paraître aussi faible et si peu sûre d'elle devant ses camarades, devant les caméras. Relevant la tête bien haut, Enola prend une grande inspiration afin de s'atteler à une tâche qui lui parait bien plus difficile que prévue. « Certaines personnes ici semblent penser que mon secret est directement lié à mon mariage. Disons qu'il en a été le vecteur mais pas la cause, pour cela il faut remonter quelques temps avant la cérémonie pour comprendre ce qu'il m'est arrivée » , entame-t-elle, articulant scrupuleusement les moindres mots de son discours de peur de laisser le stress augmenter considérablement son débit de parole. « Mon secret, ce n'est pas quelque chose que j'aime crier sur tous les toits. À vrai dire je ne suis plus que la seule gardienne de ce secret à ce jour puisqu'Adam n'est plus. C'est ... c'est la première fois que je vais pouvoir parler de ce qui m'est arrivé sans craindre que je ne m'effondre. » . Ce qu'elle faisait là ce n'était pas pour le jeu ou le divertissement, elle le faisait avant tout pour elle et personne d'autres. C'est en quelque sortes la dernière étape de sa thérapie, la dernière chance pour se remettre sur les rails. « Le Salvador n'est pas le pays le plus sûr du monde et pourtant c'est là que j'ai grandis, au milieu des violences, des guerres de gangs et des traffics de drogue. J'étais la petite dernière entourée de mes quatre grands frères. Lorsque j'ai grandis, la question d'un mariage parfait sous toutes ses coutures s'est posé, je n'avais pas trente-six mille choix : Je devais à tout prix éviter un mariage avec les narcos, j'avais déjà perdu un frère dans cette spirale infernale de la violence. C'est à l'âge de dix-sept ans que je l'ai rencontré et que l'idée d'un mariage blanc a germé dans l'esprit de mes géniteurs. » . Une intention louable de la part de ses parents qu'elle n'avait d'autres choix que d'accepter si elle voulait leur faire plaisir. « Je me souviens que mon père était fou de joie en apprenant qu'un américain traînait dans le coin, il voulait une vie meilleure pour moi et les Etats-Unis était un eldorado pour un bon nombre de salvadoriens. J'étais loin d'être la plus laide dans mon village alors mes parents se sont arrangés pour que mon chemin croise celui de ce « gringo » un maximum, il fallait que je l'amadoue, que je le séduise mais je ne faisais rien de tout cela. Je n'avais que dix-sept ans, j'étais une novice en matière de séduction, j'ignorais même tout des hommes. Lors de nos rencontres nous ne faisions que discuter de tout, de rien, de la pluie et du beau temps. Il disait être soldat, en mission dans ce pays gangrené par la violence même si avec le temps je me demande si ce n'était pas qu'un mensonge de plus » confesse-t-elle alors que son regard papillonne aux quatre coins du plateau. Paniquée à l'idée de poursuivre son discours. « Nous nous entendions bien, trop bien avant que mes parents ne se mêlent de cette histoire. Décrétant que les choses avançaient trop lentement, mes parents se sont décidés à le rencontrer pour lui soumettre une proposition de mariage. Une proposition qu'il a refusé tant cela lui paraissait inconcevable. Adam s'était senti insulté par cette offre qu'il jugeait dégradante autant pour moi que pour lui avant de mettre les voiles » . La jeune Enola avait beau s'être attachée à ce garçon, elle ne s'en était pas moins sentie soulagée quand il avait refusé cette proposition. Et ce même si cela signifiait qu'il ne souhaitait plus passer du temps avec elle, la salvadorienne était certaine de pouvoir s'en remettre, après tout ils n'étaient pas des amants. « J'aurai ... préféré que l'histoire s'arrête là mais ce ne fût pas le cas ... » . Elle poursuit fébrile, ses doigts venant triturer l'alliance qu'elle arborait toujours à sa main gauche. Une relique dont elle était incapable de se détacher malgré tout. « Adam est venu à moi un soir, me sortant des mes rêves pour ... discuter. Naïve, je me suis laissée sortir du lit alors qu'il m'attirait en dehors du village. Je ne savais pas, je ne savais rien, j'étais bien trop crédule pour me rendre compte qu'il n'était pas dans son état normal ce soir-là. Je revois encore ses yeux injectés de sang se poser sur mes courbes et son haleine alcoolisée darder ma peau ... Adam ce n'était pas quelqu'un de bien, il l'a prouvé ce soir là » . Elle laisse entendre puisque l'horrible vérité était bien trop dure à avouer à ses camarades. Enola n'arrivait pas à mettre de mots sur ce qui s'était passé cette nuit-là, il avait abusé d'elle, de son corps et de sa naïveté. Elle marque un temps d'arrêt, histoire de reprendre son souffle, de calmer la vitesse excessive de son rythme cardiaque. Enola n'avait jamais été aussi vulnérable depuis le début de son aventure, ils avaient à faire avec une autre partie de la salvadorienne, celle qui demeurait encore fragilisée par ce qui lui était arrivée il y a neuf ans de cela. « Je ne l'ai revu que des semaines après ce ... » . Elle poursuit avant de s'arrêter net, encore trop fébrile pour que le mot qui brûle ses lèvres ne franchisse la barrière de sa bouche. « À genoux ... il s'est mis à genoux pour me supplier de lui pardonner. Je suis restée stoïque, je n'ai rien dis et face à mon silence il a repris ses esprits pour rejoindre mes parents et leur annoncer qu'il ... qu'il acceptait le mariage blanc. » . Pas d'attaque pour affronter les regards affolés de ses camarades, la salvadorienne continue de triturer son alliance qui lui semble beaucoup plus lourde maintenant que la vérité sur l'horreur de son mariage avait été révélé. Elle l'avait dit à @Achille, son secret était malsain à l'image de son union avec Adam. S'il n'avait pas su interpréter cette indice sur le coup, peut être qu'il prenait tout son sens maintenant. « Mes parents étaient fous de joie. Je ne pouvais pas tout annuler, ils ne me l'auraient jamais pardonné. Ils voulaient que j'ai une vie meilleure à des milliers de kilomètres du Salvador, je ne pouvais pas risquer de leur faire autant de peine » se justifie-t-elle en posant son regard sur @Naveen qui était sûrement le seul en mesure de comprendre sa décision car ce genre de choses arrivent malheureusement bien trop souvent dans son pays. Elle ne s'attend pas à ce qu'il approuve, car elle-même ne le fait pas, mais juste qu'il comprenne que la pression parentale et la peur de décevoir avait motivé son choix. « J'ai pris le temps de panser mes plaies pendant un an et de camoufler mon mal-être derrière une montagne de sourire. Je devais jouer les filles heureuses, solaires, rayonnantes et dans l'attente que son fiancé ne vienne la chercher. Le jour de ma majorité, Adam est revenu et les choses étaient ... différentes » avoue-t-elle à demi-mot en baissant la tête quelques instants. « Je ne sais pas si c'est un ... trouble de l'attachement ou si c'est juste un sentiment naturel mais je ... j'ai réussi à lui pardonner. Je suis partie avec lui sans réfléchir dans un pays que je ne connaissais pas pour faire plaisir à ma famille » . Reprenant son souffle, elle se rassure en se disant que la fin de sa révélation est proche, qu'il ne lui restait que l'intitulé à révéler à la caméra. « C'est lui qui m'a tout appris de l'anglais, il m'a aidé à m'élever socialement, c'est lui qui m'a trouvé ce travail, il était là quand j'étais seule alors bêtement j'ai fait en sorte d'oublier tout ce qu'il m'a fait et puis ... voilà. Mon secret est : je suis tombée amoureuse de mon violeur . Je ne pourrais pas me l'expliquer mais le révéler fait parti de la dernière étape de ma thérapie personnelle. J'ai la nette impression d'avoir fait la paix avec moi-même dans cette aventure et j'ai maintenant la lucidité pour me dire que j'étais bien trop naïve. La Enola d'avant, je la déteste autant que je l'aime ... comme Adam. » achève-t-elle avant de se rassoir dans son fauteuil et d'éviter les regards trop insistants de ses camarades.