QUINN-SAVANNAH

Malgré la brise quasi continue d'Irlande, le soleil brûlait haut dans le ciel, et nombreuses étaient les candidates qui avaient déjà sorti leur maillot et leur serviette de plage pour aller s'étendre sur l'herbe du jardin. Quinn, lui, avait opté pour le jacuzzi, qu'il jugeait moins inutile que la bronzette. Comme quoi, la légende qui disait que les blonds étaient peu subtils était peut-être vraie malgré tout. Au bout d'un certain temps, et de nombreuses allées-venues d'autres candidats, il finit par ne plus prendre plaisir à se faire masser le fessier parles jets d'eau, et s'éclipsa sans bruit de l'immense baignoire. En reculant, il ne fit pas attention à où il mettait les orteils, et au bout de quelques pas, finit par se prendre les pieds dans un corps allongé sur le sol. Il battit des bras, perdit l'équilibre et s'étala sur le dos, les jambes à moitié étendues sur la blonde qui lui avait servi de matelas amortisseur. « Navré mademoiselle, je me relèverai bien pour ne pas que vous ayez à supporter mon, je l'espère, poids, ô combien léger comme la plume, mais je crois que je me suis coincé quelque chose. La vieillesse, voyez-vous... » marmonna-t-il à moitié sonné. Il porta sa main à son dos et grimaça en râlant. « Comme quoi c'était les épicuriens qui avaient raison. Le plaisir c'est bien, l'excès, c'est nul... »

Le temps était radieux, la journée tout simplement parfaite. J'allais une fois de plus me prélasser dans le jardin, sous le soleil d'Irelande. Si cela n'était pas un rêve ? J'étais déjà en maillot de bain -couleur ciel-, à vrai dire je passais le plus clair de mon temps en maillot de bain ici, quand je me décidais à descendre au jardin, j'attrappais rapidement ma serviette qui trainait sur mon lit, et j'étais partie ! Quelques minutes plus tard, mes pieds nus frolaient l'herbe de la pelouse, j'avais reussis à me dégoter une place en plein soleil, au beau milieu du jardin. Je m'étais tranquillement installée sur ma serviette quand quelques minutes plus tard, un blondinet me tomba dessus, j'eus juste le temps de pousser un cri, et de mettre mes mains sur mes yeux, par pur reflexe. Un fois l'homme à terre, je m'autorisais à ouvrir les yeux, je ne le connaissais pas encore. « Je vois que la vieillesse a bon dos..» dis-je un tantinet moqueuse, tout en essayant de me relever mais c'était impossible ses jambes m'en m'empechaient. Je parvins tout de même à me hisser sur mes coudes.

Contrairement à ce à quoi il s'était attendu, des hurlements hystériques de femme dérangée - pas macho pour un sou, le garçon, promis juré -, ce fut un sourire qui accueilli sa chute particulièrement ridicule, qui lui avait d'ailleurs valu quelques rires au loin. « Je vois que la vieillesse a bon dos... » rigola à moitié une voix toute proche. De par l'emboitement plutôt bizarre de leurs deux corps, Quinn sentit la fille se redresser sur un coude, et d'un air penaud, il se déplaça parcimonieusement et prudemment - évitons les épaules déboitées et les côtes cassées - et une fois libre de tout mouvement, s'étala sur le ventre, juste à côté de la blonde en grognant. La joue appuyée sur le bras, le visage tourné vers elle, il répliqua, d'une voix à moitié étouffée : « Vingt-deux ans et déjà des pattes en pâte à modeler... La jeunesse n'est plus ce qu'elle était ! » Il loucha vers son visage qu'il jugea plutôt agaçant, sans pour autant se permettre de se faire une idée toute faite de sa propriétaire. « Et, mais c'est que c'est pas si désagréable que ça d'imiter les méduses échouées, en fait... » ânonna-t-il en s'étirant.

Il arrivait quand même à se bouger, ouf j'étais enfin libre de mes mouvements, il finit par l'étaler à côte de moi, sans aucune..élégance. Je ne pu m'empecher d'être surprise quand je compris qu'il avait deux ans de moins que moi. J'étais encore sous le choc. « Oui tu as raison. En tout cas à mon époque, les jeunes hommes ne s'amusaient pas à écraser les pauvres blondinettes innocences.. » dis-je avec un fin sourire sur mes lèvres. Difficile à croire, mais j'étais plus agée, bien qu'à me regarder, tout le monde avait l'impression que je suis une gamine. Le blondinet lacha une réplique qui me fit éclater de rire. « Et comment t'appelles-tu, homme qui vient de comprendre que c'était agréable de ressembler à une méduse ? » le questionnais-je en le regardant. Je tenais quand même à savoir l'identité du blondinet qui venait de m'écraser pendant quelques minutes.

Apparemment pas rancunière pour un sou, la jeune femme se retrouvait même à faire la causette à Quinn, ce qui lui plut. Les gens qui font la gueule pendant des jours et s'énervent pour un rien, très peu pour lui. Bien que lui-même plutôt lunatique, il s'énervait très peu - mais était, d'après les dires, effrayant lorsque ça arrivait. Il sourit d'un air innocent et désolé en réponse à ce qu'elle lui dit, avant d'éclater de rire à sa propre boutade. « Et comment t'appelles-tu, homme qui vient de comprendre que c'était agréable de ressembler à une méduse ? » La blague s'imposait d'elle-même dans son esprit, et franchit ses lèvres avant qu'il ne puisse envisager ne serait-ce qu'un quart de seconde de répondre sérieusement. « Méduse en vie. » Allongé sur le dos, il gonfla ses joues et commença à faire onduler ses bras sur les côtés. Piètre imitation de son nouveau totem. « Mais c'est Quinn, pour les humains. » Et de son index, il dessina une couronne dans le vide, juste au-dessus de sa tête.

« Méduse en vie. » me répondit-il avant de se mettre à l'oeuvre. Bon il allait falloir faire quelques progrès pour l'imitation, mais c'était déjà pas mal. Je lui souriais, attendant un réponse sérieuse, je ne me voyais pas l'appeller méduse pendant le reste de l'aventure, bien que j'aurais trouver d'une façon ou d'une autre son réel prénom. Je finis par m'affaller à côte de lui, mes cheveux étalés autours de ma tête tel une auréole, et les bras legèrement écartés, on pouvait penser à la position d'une étoile de mer. Il s'appellait donc Quinn, c'était un prénom que j'avais rarement entendu. « Moi c'est Savannah, pour les méduses et humains confondus » dis-je en souriant légèrement.

« Moi c'est Savannah, pour les méduses et humains confondus. » Maintenant qu'il était allongé au soleil, Quinn se sentit vidé. Il n'avait pas ressenti une seule fois la fatigue depuis le début de l'aventure, malgré ses nuits plutôt courtes. Mais là, tout de suite, il eut envie de rester planté là, sous la chaleur du soleil, avec juste la légère brise qui fouettait régulièrement son visage. Il ferma les yeux. « Ravi de te connaître, Savannah pour les méduses et humains confondus. » Puis il rouvrit les yeux. Il refusait de devenir un légume. Difficile à expliquer ce réflexe qu'avait Quinn. Se poser de cette façon était contraire à ses goûts et à sa personnalité. Il était tout simplement incapable de ne pas être constamment en mouvement, même lorsqu'il était fatigué ou qu'il désirait s'allonger.
Bref, il se redressa en position assise et, ses cheveux dégoulinant lui tombant devant les yeux, il se mit à secouer vivement la tête comme un chien qui s'ébrouait, aspergeant de gouttes tout ce qui se trouvait à proximité de lui, y compris Savannah.