Je l'avais blessée, j'en étais a peu près certain, il fallait vraiment que j'apprenne à me taire au lieu de dire des conneries comme ça à tout bout de champs, ou alors que j'apprenne à avoir un peu plus de tact. Je fis la grimace quand elle me demanda si elle avait l'air de jouer et, soupirant d'avoir fait un faux pas, je secouai négativement la tête sans un mot, préférant me taire un instant avant de faire une autre bêtise. Manifestement je ne l'avais pas seulement blessée mais également énervée puisque la jeune femme pris une grande inspiration avant de fermer les yeux un instant, signe qu'elle tentait de se calmer. Le fait est que nous ne nous connaissions pas encore vraiment et pourtant nous nous étions retrouvés dans cette situation, sans jamais savoir comment l'autre réagirait au moindre de nos gestes et de nos paroles. Paroles dans mon cas, gestes dans le sien. Au finish elle avait fait ce que je lui avais demandé, elle avait agi sans se prendre la tête. D'ailleurs elle ne tarda pas à me le rappeler, j'ouvris alors la bouche et répliquai « Si bien sur mais je ne m'attendais pas à ça! Qui s'y attendrait hein ? » c'est vrai quoi, qui s'attendrait à une telle chose ? Bon ok nous étions déjà très proche pour deux personnes qui ne se connaissaient que depuis quelques semaines mais tout de même je ne m'attendais pas à ça. Elle m'annonça alors que, si elle affirmait qu'il n'y avait rien derrière ces baisers, elle serait une piètre joueuse et juste au moment où j'allais répondre elle se leva et rejoignit la fenêtre comme je l'avais fais quelques minutes auparavant en ajoutant que je devait laisser tomber. C'était mal me connaître de me dire ça parce que j'étais de ceux qui ne lâchait jamais prise quand il y avait un soucis à régler. Je me levai alors à sa suite et la rejoignit, elle m’avait tourner le dos mais peut importe. Je restai derrière elle sans la toucher de peur de l’énerver encore plus. « Non je ne laisse pas tomber. » dis-je doucement, finalement je m'approchai d'elle et passai mes bras autour de sa taille, je déposai un baiser sur sa joue « Excuse moi. » je ne savais pas trop quoi ajouter d'autre, quoi dire pour régler la situation, j'avais de plus en plus l'impression qu'elle était insolvable.

Le fait de lui avouer que j’avais agi tel son désir, que je m’étais laissé aller ne sembla pas le surprendre, mais le geste en lui-même, si. Devais-je lui rappeler que tout ceci était un peu de sa faute? « Si, bien sûr, mais je ne m’attendais pas à ça! Qui s’y attendrait hein? » Chez moi, ça n’avait rien de surprenant, même si d’ordinaire, je n’étais pas celle qui faisait ce qui s’apparentait aux premiers pas. La complicité que nous avions développée ne pouvait, à mon avis, ne mener à autre chose que cette fatalité, étais-je la seule à le voir? Fort probablement. Quelle naïve, quelle idiote j’avais été d’agir de la sorte.
Quand je sentais que la situation m’échappait, j’avais pris la vilaine habitude de fuir, de m’éloigner, de m’en aller. C’est ce que j’avais, encore une fois. Je me sentais si instable, émotionnellement parlant, ces derniers jours, si peu en contrôle de moi-même, de ma personne, des mes actes et mes paroles… que de faire face à la situation n’aurait servit strictement à rien. Mon regard était toujours rivé vers l’extérieur, vers cette mer agitée par les vents. Presque une métaphore à la situation houleuse qui nous séparait, Anael et moi. J’étais la mer, et lui le vent, cet élément externe qui m’affectait, me déstabilisait.
Je sentis sa présence dans mon dos avant même qu’il n’ouvre la bouche. Il gardait ses distances. Ça n'allait pas durer. « Non je ne te laisse pas tomber. » fit-il simplement, et je sentis finalement ces bras m’entourée et me serrer contre lui. Ces lèvres frôlèrent ma joue pour y déposer un baiser, mais je détournais légèrement la tête. Je lui avais clairement savoir que je ne jouais pas… mais qu’en était-il de lui? Je n’en savais rien. « Excuse-moi. » ajouta-il, sans que je sache vraiment pour quelle raison il s’excusait. Malgré tous les doutes qui m’avaient assailli, je ne m’étais toutefois pas défaite de son emprise. Pour rien au monde, je n’aurais bougé de là, en fait. Et pour la première fois de la semaine, mon corps se relâcha de toutes les tensions qui l’habitaient. Comme si retrouver le réconfort de ses bras avait suffi à m’apaiser, tout naturellement. Ça n’avait aucun sens, car il était la source même de mes soucis. Il me fallut un moment avant de nouveau ouvrir la bouche pour parler. « Pourquoi faut-il toujours que ce soit compliqué. » laissais-je finalement entendre après un moment de silence qui aurait pu se prolonger encore longtemps. Cette situation, cette relation, avait prit une tournure inattendue. Je ne savais tout simplement plus quoi en penser. À vrai dire, j’étais tout simplement épuisée de toute cette tension qui subsistait entre nous.

Elle finit alors par régir en me demandant pourquoi il fallait toujours que ce soit compliqué. Je ne sais pas si elle sous-entendait entre nous ou quoi que ce soit d'autre mais de toute façon elle avait raison : c'était compliqué et ce peut importe de quoi elle parlait, la vie était ainsi. Parfois les gens avaient de la chance et avaient tout pour eux, d'autre fois on devait se battre pour avancer. Comme moi dans ma vie de tous les jours ou mon seul jour de congé était consacré à l'étude. Comme ces gens qui devait bosser nuit et jour, ceux qui avaient des problèmes dans leurs couples, dans leurs famille, a propos de leur santé. « C'est la vie, elle est ainsi, compliquée. » dis-je d'un ton légèrement fataliste. Un peu trop même pour une personne de nature optimiste tel que moi. Je n'étais pas le genre à penser que tout ne pouvait aller que mal et que le bonheur était une chose réservé aux autres et uniquement aux autres. Non, au contraire et ce malgré ce que j'avais pu vivre sentimentalement parlant ou quoi que ce soit d'autre. « Enfin, je dis ça mais la vie est tout de même belle hein. » ajoutais-je avec un sourire sans lâcher la jeune femme, j'étais bien auprès d'elle et la sentir contre moi m’apaisais, comme si s'était tout ce dont nous avions eu besoin.

J’eus l’impression que ce que je venais de lui dire l’avait amené à réfléchir, car il lui fallut un moment avant de répliquer. Essayait-il de comprendre le sens de celle-ci, de la démystifier? Il est vrai que je n’avais pas été très claire dans mes propos, mais j’en avais assez de me justifier. « C’est la vie, elle est ainsi, compliquée. » Sortant de sa bouche, cette phrase sonnait faux, surement car elle était prononcée sur un ton moralisateur, fataliste. Qui ne lui ressemblait pas, pour le peu que je connaissais de lui. Il dû s’en rendre compte, car il ne fallut que quelques secondes avant de l’entendre à nouveau. « Enfin, je dis ça mais la vie est tout de même belle hein. » J’étais persuadé qu’il avait souris en ajoutant ce commentaire! Je le sentais, rien qu’au timbre de sa voix qui avait changé du tout au tout. Cela réussit à faire naître l'ombre d'un sourire sur mes lèvres. « Oui, c’est vrai. » ajoutais-je seulement, ne sachant pas trop quoi dire d’autres.
Une certaine stabilité, un calme apparent, avait pris place entre nous. Le calme avant la tempête, peut-être? Je l’ignorais, mais j’avais l’impression que le plus gros de ce tumulte était maintenant derrière nous. Cette paix partielle n’était qu’un entre-deux, j’en étais consciente, car il faudrait un jour se pencher sur le véritable problème, mais pour l’instant, du moins, je préférais profiter de cette accalmie ; mettre cette situation au clair pouvait attendre. Néanmoins, il y avait bien une chose que je pouvais faire : j’avais mal agi et Anael ne méritait pas l’attitude que j’avais eue à son égard. Me retournant pour lui faire face, sans chercher à m'éloigner de lui, je posais mes yeux verts dans les siens. J’avais l’impression de m’y encrer comme à une bouée de sauvetage. « Je m’excuse… de ne pas avoir apprécié tes bonnes intentions, ce matin. Je n’aurais pas dû réagir de la sorte. » J’aurais pu m’excuser pour tout le reste aussi, pour mon attitude des derniers jours notamment, mais je choisi de m’abstenir.

Elle approuva ma dernière phrase et je ne trouvai plus rien à redire la dessus, me contenant, pour une fois dans ma vie, de vivre l'instant présent sans penser à ce qui se passerait après. J'étais pourtant comme ça, sans cesse je pensais à l'avenir et ne vivais le présent que dans un but : améliorer mon avenir. Je vivais trop vite, je voulais que le temps passe jusqu’à ce que j'atteigne le but que je m'étais fixé. Ici c'était d'aller le plus loin possible dans le jeu, dans ma vie à Bruxelles c'était de réussir mes études le plus rapidement possible et le mieux possible, je voulais trouver un emploi et enfin bosser pour vivre et ne plus vivre pour bosser. Sauf qu'ici, finalement, je n'avais qu'a me laisser porter par le jeu en profitant des instants comme celui-ci qui seraient sans doute unique, qui pourrait s'arrêter à n'importe quel moment, quand je partirais, ou quand elle partirait. Ou alors et c'était limite pire, jusqu’à la prochaine embrouille. Elle se retourna alors, toujours dans mes bras et s'excusa de son attitude ce matin face à ce que je lui avait préparé pour son anniversaire, je haussai les épaules. « Laisse tomber, fais moi plaisir... profite du reste de la journée. » dis-je en souriant, je posai alors un baiser sur ses lèvres.

Vivre l’instant présent, et ne pas s’inquiéter du lendemain… quelle belle façon de voir la vie. Mais c’était ma façon à moi de vivre la mienne. J’avais passé une partie de ma vie dans le passé, et le futur m’effrayait… Disons que la présence de ma fille suffisait à me faire apprécier l’ici et maintenant sans trop m’en faire. Elle était arrivée par surprise dans ma vie, mais elle m’apprenait à profiter, jour après jour, de ce que la vie avait à m’offrir. Elle m’avait permis d’acquérir la maturité qu’il me manquait pour avancer dans la vie, tout comme cette aventure qui me changerait, elle aussi.
Anael osa les épaules lorsque je m’excusais, comme si tout ça n’avait plus d’importance, désormais. « Laisse tomber, fais-moi plaisir… profite du reste de la journée. » me dit-il simplement en me souriant. Puis il se pencha, et tout naturellement, ses lèvres se posèrent sur les miennes. Je ne m’y étais pas attendu, après tout j’étais celle qui avait posé ce geste à deux reprises au courant de la dernière semaine. Que ce soit lui qui agisse de la sorte allait à l’encontre de toutes les attentes que j’avais pu avoir à son égard. Mais ça me plaisait. J’avais l’impression que ce baiser pouvait signifier tout ce que nous n’arrivions pas à nous dire, les non-dits et les sous-entendus. Mais cela ne les remplaçait pas. Un jour, il nous faudrait avoir une conversation à ce sujet. Pas aujourd’hui, ni même demain. Tant que la situation ne nous y forçait pas, nous pouvions nous en passer.
Il fallut un petit moment avant que je ne mette fin à notre baiser, à croire que ni lui, ni moi, ne nous lassions. Il le fallait bien cependant, car nous ne pouvions pas passer notre journée là… quoique l’idée ait quelque chose de plaisant, quand on y pensait. Non, non, il fallait être raisonnable. Un sourire énigmatique apparu sur mes lèvres. « Je veux bien… faire un effort. Pour toi. » dis-je alors à l’attention d’Anael et sa demande. Je jouais sur les mots, mais pour une première fois en quelques années, j’avais effectivement envie de profiter de cette journée. Le fait qu’il soit à mes côtés n'avait aucun lien avec de ce revirement de situation… promis!
Quel mauvaise menteuse je faisais.

Comme à chaque fois lorsque nos lèvres se rencontraient, il fallait qu'elles se quittent à un moment donné ou à un autre, parce que s'embrasser non-stop n'est pas recommandé, parce que ça deviendrait lassant mais je n'avais pas envie que ça se termine tout de suite. Sauf que Sorcha si puisqu'elle mit doucement fin au baiser mais resta encore et toujours dans mes bras. Situation qui me convenait parfaitement, bien sur. Elle me sourit et promis de faire un faire, pour moi. Cette idée me fit sourire en retour et je finis par la lâcher. « Ok alors première étape, tu dois manger un truc. » dis-je en lui lançant un regard qui voulait bien dire que je n'allais pas lâcher l'affaire, sauter le petit déjeuner était très mauvais, c'était le repas le plus important de la journée parce qu'on prenait toutes les calories qu'on voulait et toutes celles qui nous aiderait à tenir la journée. Sans ça on tombait vite fatigué ou pire, en hypoglycémie. Mais bon je ne pensais pas que ça arriverait à Sorcha, après tout son enfant la regardait à la télévision – sûrement – et elle ne voudrait pas montrer le mauvais exemple, n'est-ce pas 

Je pense qu’il était indéniable de dire que l’envie de rester là, l’un contre l’autre, à s’embrasser, nous avait passés dans l’esprit, à Anael et moi. Ces moments étaient précieux, rares - s'en priver ne constituait même pas une option. Hélas, la réalité était ce qu’elle était. Ce n'aurait pas été raisonnable d'agir de la sorte. Ironique de ma part d'avoir une telle pensée - j'étais de loin la moins raisonnable des deux.
Anael sourit lorsque je lui mentionnais que j’allais faire un effort, pour lui. C'était déjà un bon compromis. « OK alors la première étape, tu dois manger un truc. » Comme il m’avait préparé le petit déjeuner, je n’étais pas surprise qu’il ramène cet élément sur le tapis. D’ailleurs, c’est à cet instant précis que mon ventre décida de se mettre à gronder, signe qu’il était peut-être temps que j’engloutisse quelque chose – j’avais dépassé, depuis longtemps, l’heure de manger, et mon corps avait décidé de me le rappeler. Cela me fit rire. « Je pense que c’est une bonne idée. » fis-je, lui attrapant la main en me dirigeant vers le lit, où je m’installais confortablement, assise en tailleur en son centre. Je vrillais mon regard vers lui, un sourire bon enfant sur le visage. « Il y a quoi au menu, chef? » lui demandais-je, tout naturellement. Laissons-lui le plaisir de se vanter de cette idée géniale qu'il avait eu pour me faire plaisir. Après tout, l'attention qu'il s'était donné pour mettre en place ce petit déjeuner valait la peine que je m'y attarde, et que je le savoure... jusqu'à la dernière goûte! Avec certains bonus en prime.

Le ventre de la jeune femme se fit alors entendre et un leger rire s'achappa de mes lèvres, ce n'était pas pour se moquer bien sur mais c'était tout simplement une réaction naturelle que je n'avais pas contrôle. Elle finit alors par s'asseoir sur le lit et me demanda ce que j'avais préparé. Je passai une main dans ma nuque et haussai les épaules « Bah tu sais, je ne suis pas un grand cuisinier, loin de là, mais je fais bien les crêpes alors... » en effet, sous la petit cloche que j'avais déniché dans un des placard se trouvait une petite pile de crêpes, j'étais a peu près certain qu'elle n'allait pas tout manger mais bon aller faire que quelques crêpes, pas évident, en plus j'ai l'art de toujours TROP doser. J’attendais alors qu'elle finisse de manger, m'approchai, posai un baiser sur sa joue et la laissai ensuite seule, emportant le plateau vide dans la cuisine.

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