Il fait déjà nuit sur le nid d'amour, la première journée est passée sans encombres et l'ambiance de la veille semble être retombée depuis quelques heures. L'épais voile de l'obscurité à maquillé les esprits, laissé place à une certaine quiétude chez tous les habitants qui participe au calme de la maison. Certains (les plus maniaques) s'affairent aux tâches ménagères dans la cuisine, à discuter d'oreilles à oreilles pour garder un maximum de leur conversation privée. D'autres mangent, le mal du pays se fait ressentir pour eux et ils consolent l'absence de leurs proches dans la nourriture. D'autres encore s'occupent de ranger leurs affaires dans le dressing, ils ne réalisent pas, et les plus paresseux au dessus de qui tout cela n'a de but que l'amusement flânent dans le salon. Je prends mes marques, j'avance à tâtons parmi les habitants, je souris à certain, je ris avec d'autres, les échanges se font silencieux et cocasses. Je communique avec le regard, parfois même j'en viens à esquisser un geste de la main, contre l'épaule d'un garçon trop charmeur ou d'une jeune fille pleine d'humour. Le fait est que je ne dévoile pas grand chose de moi-même et de mon quotidien, je tiens à garder ses pièces de mon existence entre les mains du mystère. Et le mystère veut que je m'isole un peu, rien qu'un temps, dans un endroit où je pourrais laisser libre court à la méditation. Bikini, jogging et pull en maille de rigueur, je traverse le jardin d'un pas rapide parce que j'ai oublié mes chaussures à l'intérieur. Mes pieds en sont rouge tant ils sont frigorifiés, alors j'accélère le pas et m'engouffre dans la grange où, je crois, se trouve un jacuzzi dans lequel presque personne n'oserait s'aventurer vu les températures à cette heure-ci. Une bourrasque siffle derrière la cloison, les bulles font le rythme dans la pièce. Je m'avance, satisfaite de constater que personne ne s'y trouve, et me déshabille sans un regard vers le bassin. Un bruit attire mon attention, mais personne ne se profile. Sûrement mon imagination qui me joue des tours. Je m'avance vers les marches, un vent frais balaye alors mon dos, quelqu'un a ouvert la porte et je meurs de froid. « Mon dieu mais ferme, vite! » Je me recroqueville sur moi-même avant de galoper vers celle-ci, fonçant durement dans la personne qui vient de pénétrer les lieux. Je manque de tomber à la renverse mais me rattrape de justesse à la poignet que je claque dans un soupir de soulagement, rouge et frissonnante.

C'était prouvé, dans ce genre d'émission, il était important de se faire remarquer dès le début au risque de passer à la trappe bien trop rapidement sinon. Et à vrai dire, certains candidats l'avaient parfaitement compris, quitte à en faire parfois des tonnes. D'autres au contraire, restaient tellement en retrait que l'on avait tendance à les occulter rapidement, ne se remémorant leur présence que lorsque par miracle, nous les croissions au détour d'un couloir, lors d'une rencontre forte-fuite dans la salle bain, ou alors lorsque quelqu'un évoque son prénom. Pourtant, avec l'expérience, il arrive souvent que les introvertis au premier abord s'avéraient souvent bien plus intéressant que toutes les grandes gueules réunit. Bien sûr, il y avait des exceptions partout et parfois, ils étaient aussi transparent qu'insipide. Si bien que j'avais passé la journée à observer les candidats que j'avais croisé, tentant d'analyser comme je le pouvais leur comportement. Las de me triturer les méninges puisque bien trop souvent en stand-by ces derniers temps, j'avais eu envie de prendre un peu l'air. Installé sur l'un des bancs non loin du cimetière, je vis une jeune femme se rendre à toute vitesse vers la grange à travers le nuage de fumée qui commençait à se former autour de moi dans une sorte de halo mystique. Intrigué par la blonde, je m'étais levé d'un bond pour la suivre. La lumière de la petite pièce où se trouvait le jacuzzi filtrait de dessous la porte, je l'avais ouverte dans un réflexe, sans me préoccuper de la température extérieur qui frisait les zéros degrés. D'ailleurs, j'avais pris le temps d'écraser ma cigarette avant de rentrer, déclenchant une réaction virulente de la part de la demoiselle à qui je n'arrivais pas à attribuer de prénom. Celle-ci me percuta de plein fouet dans la précipitation, surpris, je n'eus même pas le réflexe d'essayer de la rattraper, au lieu de cela, je restais immobile « Euuuh, ça va, rien de cassé ? » Rétorquais-je légèrement pris de court.

Je lève les yeux pour fusiller du regard le jeune homme (puisque c'est un homme) qui vient de faire irruption dans la pièce. Je voudrais l'engueuler, lui demander pourquoi il n'a pas frappé avant d'entré, mais ma bouche s'ouvre dans un silence béant face à son visage. Ses sourcils comme ses yeux sont bien trop intimidants, j'ai l'impression d'avoir plus froid que jamais en me perdant dans le bleu de ses iris. Il semble s'inquiéter de mon état, à vrai dire je ne me souvenais déjà plus que je l'avais percuté quelques secondes plus tôt. Le menton levé, je tente de retrouver un peu de constance et rattache avec dédain mes cheveux tout en tournant les talons. « Très bien, mais je ne te retourne pas la question tu n'as pas l'air de trop souffrir. » C'est à peine s'il s'excuserait par galanterie, ce même si c'est moi qui l'ait agressé. Je souris pour moi-même, sourire qu'il ne peut apercevoir alors que je grimpe rapidement les marches du jacuzzi pour y entrer. L'eau à mes genoux, je me tord sur moi-même pour le regarder de nouveau, et arque un sourcil avant de déposer gracieusement les mains sur mes hanches. « Bah alors, tu es venue pour m'admirer dans mon bain ou pour te joindre à moi? Reste pas planté ici, tu vas prendre racine. » Je ris sans trop y mettre du mien, un simple petit gloussement du fond de la gorge qu'il n'a peut-être même pas perçu tant il est inaudible. Je m'immerge dans l'eau, arrose ma nuque et ma poitrine avant de simplement m'installer dans le siège tourné dans sa direction, mes bras étendues sur la paroi du bassin. « Tu t'appelles bien Connor, n'est-ce pas? »

Si la jolie blonde avait eu un flingue à la place des yeux elle m'aurait sûrement envoyé six pieds sous terre. A croire que je venais de profaner son lieu de culte, je ne voyais pas où 'était le problème étant donné qu'elle m'avait foncé dedans. Poussé dans un élan insoupçonné de gentillesse qui ne me ressemblait que trop peu, j'avais même pris la peine de m'inquiéter de son état, elle était frêle et aurait très bien pu se faire mal. Au lieu de quoi, elle me répondit qu'elle se sentait bien, tant mieux pour elle. « Non en effet, c'est marrant quelque chose me dit que tu voudrais presque je me m'excuse que tu me sois rentré dedans. » Lançais-je un brin provocateur tandis que je m'appuyais contre le battis de la porte qui était désormais close. Je l'observe s'installer dans le jacuzzi sans ne rien ajouter, de toute façon je voulais simplement savoir ce qui l'avait poussé à courir de cette façon jusqu'ici et c'était chose fait : le jacuzzi. Sa question me fit sourire, et à juste titre. « Je voulais simplement savoir pourquoi tu courais jusqu'ici et de toute façon, je n'ai pas de maillot. » Je haussais les épaules, même si ma dernière réplique n'était qu'une excuse de plus. Si bien que je ne bougeais pas de ma place lorsqu'elle me lança d'une manière particulièrement autoritaire que j'allais prendre racine. Pour mon plus grand étonnement, elle se souvenait de mon prénom, quant à moi je n'avais aucune idée de qui j'avais à faire, ce qui je ne me gênais pas à lui avouer. « Yep ! Et toi tu es ? »

« Pas du tout! » Je réponds d'un air indifférent à ses soupçons plus que fondés tout en haussant les épaules. Mauvaise foi. Je le sonde de la tête aux pieds un bref instant, mais mon regard n'a rien d'envieux ou d'aguicheur. Je ne fais que le détailler avec attention, car c'est ce que j'ai l'habitude de faire avec tout le monde, observer du coin de l’œil le visage de chacun, déceler ce qu'il y a de beau en eux. Je note par exemple chez Connor qu'il a la mâchoire particulièrement bien dessinée, tout comme sa silhouette qui m'apparait a priori athlétique. Le candidat est un peu petit par ailleurs, mais cela ne devrait pas poser de problèmes à la plupart des filles de cette maison qui ne mesurent pas plus d'un mètre soixante-dix. Il ne semble pas gêner par l'indiscrétion dont je fais preuve, peut-être qu'il est fréquent qu'il soit ainsi regardé dans la rue. Cela ne m'étonnerait pas. L'écoutant parler, je laisse ma main flirter à la lisière de l'eau du jacuzzi, distraite. « Plus d'un mec dans cette maison se serait pavané à poil sous mes yeux, c'est à croire que tu es loin de l'image de macho que tu dégages... » Je ne pèse même pas mes mots, je doute que le brun ne s'offusque face à un tel constat. S'il cultive cette apparence de playboy c'est sûrement par intérêt, il ne devrait même pas relever mon propos. « Je m'appelle Madeleine. Mais tu peux m'appeler Maddie si tu le souhaites. » Et c'est la première fois dans l'émission que je propose à quelqu'un de m'appeler par mon surnom. J'esquisse un grand sourire plein de sympathie tout en me déplaçant dans le bassin pour venir appuyer mon menton contre mes avant-bras, sur la paroi. « C'est dommage que tu aies oublié ton maillot de bain, l'eau est vraiment bonne... ça fait un bien fou. » Je lance alors tout en soupirant de complaisance, les yeux au plafond. Je ne regarde que très rarement les gens dans les yeux quand je m'adresse à eux directement.

Très bien, j'avais visiblement à faire à une personne de mauvaise foie qui ne voulait pas admettre la vérité. Soit. De toute façon ce n'était pas comme si j'avais songé une seule seconde à m'excuser, par conséquent, je n'avais pas envie de m'étaler sur le sujet. Un léger silence s'installa, mais ce n'était pas un de ces silences pesant qui devait être brisé, au contraire, il était presque indispensable. Pendant ce laps de temps, je la regardais qui m'observait, son regard était loin d'être oppressant, si bien que je ne fis aucun commentaire. De toute façon, les gens avaient l'habitude de m'observer, depuis toujours. Il m'était arrivé à plusieurs reprises de me sentir gêné, lorsque j'étais plus jeune particulièrement, maintenant, plus que flatté, ça me laissait plus indifférent qu'autre chose. « Donc à tes yeux, macho implique forcément que je sois privé d'éducation ? Oh et ne dit-on pas que les apparences sont parfois trompeuses ? » Rétorquais-je presque à voix basse afin d'ajouter une touche de mystère. Certes, la nudité ne me dérangeait aucunement, j'avais d'ailleurs pris ma douche nu ce matin, mais il y avait certaines choses que je faisais pas, comme l'imposer à une jeune femme qui n'avait rien demandé par exemple. Elle ne tardait pas à me révéler son prénom par la suite, m'offrant même un privilège que je sus apprécier. « Et bien ce sera Maddie dans ce cas. » Je répondis sincèrement à ce son sourire avant de finalement quitter mon coin de porte pour m'approcher quelque peu, admirant l'eau très attirante de plus près. « Je n'en doute pas, mais ce serait pas très gentleman de ma part de t'imposer ma nudité vraiment. » Une moue attristé balaya le sourire qui s'était logé depuis peu sur mon visage, tandis que je m'installais sur le rebord du jacuzzi, plongeant même ma main à l'intérieur.

« Je ne demande qu'à être contredis alors. » Je murmure pour toute réponse tout en fermant les yeux. Je profite du bien fait que m'apportent les bulles dans mon dos et contre mon ventre, cet agréable choc thermique qui marque ma peau de légers frissons, entre la température de l'eau et celle, nettement plus fraiche, de l'air. J'aimerai qu'il en profite avec moi, j'ai de la peine à le voir dresser comme un piquet près de la porte. Je l'entends alors s'approcher du jacuzzi avant de s’asseoir au bord de celui-ci, à mes côtés. Je lève un peu la tête, plisse le nez dans la buée qui se dégage de l'appareil et glisse mon regard vers cette main qu'il a plongé dans l'eau, rougissant un peu en l'imaginant nu face à moi. « Ne sois pas si triste, personne ne t'a demandé de te mettre nu. » Je lui dis à mon tour d'une voix latente tout en tendant les doigts vers les siens, les emprisonnant doucement pour le tirer vers moi au fur et à mesure que je m'éloigne de lui. Il n'émet aucune résistance, je pense qu'il me voit venir et je ne cesse de sourire malicieusement alors qu'il commence à pencher dangereusement vers l'intérieur. « N'est-ce pas? » Je renchéris avant de glisser mes deux mains cette fois sur son bras, de façon à lui faire perdre l'équilibre définitivement, tout en douceur. Il entre finalement dans l'eau tout habiller, sans faire de remous ou presque, et je m'approche de lui avant de me mettre sur mes genoux. Je forme un creux avec mes paumes de façon à y faire couler un peu d'eau, et la verse sur son crâne sans un mot. Je me montre étrangement familière - ou plutôt tactile - avec les autres candidats, ce qui n'est pas dans mon tempérament. Partie pour partager leur quotidien pendant quelques semaines, autant balayer sa timidité sur le pas de la porte avant qu'elle ne m'handicape.