Le début d'après-midi avait sonné. J'avais toujours autant de mal à aller vers les gens, de faire connaissance et de leur parler. Pourquoi mon attitude aurait-elle changer d'ailleurs ? J'avais toujours cette peur en moi qu'il se passe quelque chose, que je m'en prenne encore plein la gueule. Pourtant l'entrée dans le nid s'était extrêmement bien déroulé. J'avais fais la rencontre de Moore et de son franc parler ainsi que de Oona ma partenaire. Depuis, j'étais resté assez solitaire. Canne en main, j'avais retenu que la salle de musique se situait au sous-sol. Je descendis finalement les escaliers (non sans grande difficulté) mais j'arrivais en bas sain et sauf. Je ne connaissais pas encore très bien les lieux. Il faudrait attendre encore quelques jours voire quelques semaines pour que je m'adapte à ce nouvel environnement. J'entrais donc dans la salle de musique. Cette salle serait la mienne. J'en étais sûr. Pour un musicien, il n'y avait pas mieux. Je me déplaçais grâce à ma canne et lorsqu'elle percuta ce qui semblait être un piano, je m'installais sur le tabouret et la déposait à mes pieds pour effleurer de mes doigts les touches de cet instrument. Je commençais alors à jouer puis je mis à chanter Yoü and I de Lady Gaga. Cependant, je fus rapidement interrompu par un bruit qui me surprit dans ce petit moment qu'était le mien et où je pouvais me retrouver. « Y'a quelqu'un ? Qui est là ? » Demandais-je simplement.

Première journée, première après-midi. Après une nuit bien agitée et quelques heures de sommeil, je découvre les lieux. Un château splendide spécialement rénové pour l’occasion. Ca fait limite comte de fée. Ou château hanté aussi. Si ça se trouve y’a des fantômes ? Nonnnnnn ! D’un coup je vois le château sous un autre angle. J’ai tout de suite moins envie d’y passer les jours à venir. Bref. En attendant, me voilà, au sous-sol, adossé à un mur et avec une clope allumée entre mes doigts. Je ne suis pas sur d’avoir le droit de fumer ici mais au pire je m’en fou. Je suis tellement calé ici, à laisser vagabonder mes pensées. Tout à coup, la réalité me rattrape quand j’entends quelques notes de pianos et une jolie voix masculine se hisser à mes oreilles. Je décide alors de m’approcher du mélodieux son en entrant dans la salle de musique. Puis, sans rien dire, je me cale dans un coin de la pièce. Zut. Ma clope me glisse des doigts. Un « merde ! » s’échappe alors de ma bouche tandis que j’essaye de récupérer par terre cette dernière. Je crois que ça perturbe le musicien en plus puisqu’il s’arrête de jouer. Non mais quel boulet je suis ! « Vas-y mec continues ! » Ouai, bon, à présent, ça m’étonnerait que le jeune homme se remette à jouer. « T’es musicien je suppose ? T’as vachement de talent mon gars ! Bon Lady Gaga c’est pas ce que je préfère mais tu te débrouilles comme un chef ! » Je sais pas si c’est la fatigue qui me fait jacter mais en tout cas je ne lui laisses pas le temps d’en placer une. Dommage.

Surpris, j'arrêtais de chanter et surtout de jouer sur une fausse note. Quelqu'un venait d'entrer ou quelqu'un s'était montré. « Vas-y mec continues ! » J'avais ma réponse. Il m'écoutait déjà depuis un moment. Depuis le début peut-être ? Je me sentais gêné. D'habitude, j'étais seul chez moi et, là, je devais vivre avec trente colocataires. Donc forcément, j'étais dans l'obligation d'en croiser un ici, dans mon antre, dans ma salle de musique. « T’es musicien je suppose ? T’as vachement de talent mon gars ! Bon Lady Gaga c’est pas ce que je préfère mais tu te débrouilles comme un chef ! » « Oui, c'est ça. Je me débrouille. » Lui répondis-je. Je n'avais pas l'habitude des compliments. Je me dévalorisais assez souvent devant les autres. « T'écoutes quoi comme genre de musique ? Je pourrais peut-être faire en sorte que ça nous plaise à tous les deux. » Quand j'avais un instrument enter les mains, j'étais plus confiant qu'autre part. J'étais dans mon monde. J'étais face à ce que j'aimais. J'étais le maître de la situation. Alors je n'avais aucun mal, ici, de me dévoiler et d'être un peu moins renfermé que dans toutes les autres pièces du nid.

Ok, en un instant j’ai l’impression de cerner la personne qui se trouve en face de moi, c’est assez flippant d’ailleurs. J’ai comme l’impression que le candidat ne se fait pas confiance et a tendance à se dévaloriser. Après peut-être que je me trompe à son sujet. En tout cas, il a une voix très plaisante et agréable. Quant à son physique, je ne peux pas trop le juger puisqu’il est dos à moi. C’est plutôt étrange d’ailleurs. Il me parle mais ne prends pas la peine de se tourner vers moi. Soit il est ultra-timide, soit il est défiguré. « Du reggae principalement. Mais je sais apprécier tout style de musique. » "Que ça nous plaise à tous les deux ?" Gné ! Cette phrase me revient en tête. Je me demande alors si c’est une technique de drague. Car ouai, après tout, il y a peut-être des gays dans l’émission. Je sais pas. C’est bizarre. Je n’en ai jamais rencontré. Ou si. Dans une autre vie. Des mecs en manque de sexe et se satisfaisants entre eux. Bref. Passons les détails. « Dis-moi, t’aimes les garçons ? » Oh et puis zut ! J’ai envie de savoir. Autant y aller cash. Quoi que ma question parait assez enfantine. « Sinon, si tu me chantes du Bob Marley ?» Ouai. Revenons-en à la musique. Ça vaut mieux je crois.

Le reggae... J'en connaissais bien évidemment quelques chanteurs mais je devais bien avouer que ce n'était pas un style de musique qui me plaisait réellement. J'étais plus concerné par ce qui touchait au pop rock, à la pop, au rock, au classique de pat ma formation de musicien, au jazz également. Mais le reggae, c'était une tout autre histoire. « Dis-moi, t’aimes les garçons ? » « Je...Heu...Pourquoi ? » Lui demandais-je alors en délaissant le piano pour poser mes mains le tabouret où j'étais assis. Surpris qu'on me pose cette question, je ne savais quoi répondre. Sachant que j'étais puceau et que je ne connaissais encore rien à l'amour et encore moins au sexe. Je me sentais gêné. Je devenais même légèrement rouge de honte. Heureusement que mon interlocuteur était dans mon dos. « Sinon, si tu me chantes du Bob Marley ? » La pression redescendit lentement. « Désolé, je ne connais pas grand chose en reggae. Autre chose à proposer ? »

Mon interlocuteur m’intrigue assez. Je suis pas du tout curieux pourtant. Allez chercher l’erreur. Avec le contexte du jeu et des secrets, je me sens néanmoins obligé de connaître un minimum les candidats. Imaginez, je suis encore là dans cinq semaines et je connais personne, ça la fouterai mal. Bref. Je fais mine de m’intéresser au jeune homme ou je m’y intéresse vraiment. Je sais pas trop. En tout cas, il chante vraiment bien. Il a du talent, c’est incontestable. « Ok t’aimes les mecs. C’est pas une tare t’inquiète. Simple question. » Ma déduction ne reflète peut-être pas la réalité mais en tout cas, il n’a pas dit non quand je lui ai demandé s’il aimait les garçons. Limite je m’en fou. C’est pourquoi, je reviens direct sur la musique et je lui demande de me chanter du Bob Marley. Là, il m’annonce ne pas bien connaître. IL EST SERIEUX ?! Bon. Passons. « Pas spécialement. Je connais pas très bien les musiques actuelles. Du bon vieux rock limite ? Je sais pas. Joue ce dont t’as envie. Je vais peut-être te laisser remarque. » Ouai après tout, je suis assez-couille. Le pauvre gars était tranquille avant que j’arrive et que je l’embête avec mes questions.

La réflexion du candidat me laissa sans voix. « Ok t’aimes les mecs. C’est pas une tare t’inquiète. Simple question. » Moi-même qui ne savait où me placer, il m'avait déjà rangé dans une catégorie. Je ne savais pas quoi dire. Était-ce si évident pour lui alors que ça ne l'était pas du tout pour moi ? Retournons à la musique, c'était beaucoup mieux et surtout beaucoup moins gênant. « Pas spécialement. Je connais pas très bien les musiques actuelles. Du bon vieux rock limite ? Je sais pas. Joue ce dont t’as envie. Je vais peut-être te laisser remarque. » « Non, tu peux rester. » L'interpellais-je alors d'une petite voix. Pour une fois que mon public était autre que mon frère ou ma famille, j'en étais plus que ravi. Mes doigts revinrent alors effleurer les touches du piano. Je tapais sur quelques notes avant de me décider quoi chanter et jouer. Je me lançais finalement a capella sur une chanson du groupe Queen : Bohemian Rhapsody. Quand l'instant arriva, je me mis également à jouer. J'espérais simplement que ce morceau plairait à mon unique spectateur. Je me lançais alors corps et âme dans cette chanson que j'aimais beaucoup.

Le candidat, que je suppose gay, ne connaît pas assez bien le reggae pour m’en jouer. Dommage. Je me propose alors de le laisser tranquille. Après tout, je dois le faire chier avec mes questions. Bah visiblement non. Il me dit de rester. Puis, il commence presque aussitôt à me jouer du Queen. Bon sang ! Il s’attaque à du lourd là. J’écoute alors, admiratif. « Impressionnant ! » Je ne sais pas tellement quoi dire d’autre. Je ne suis pas doué pour les compliments mais je dois admettre que sa performance m’a scotché. « T’as réussi à redresser mes poils, ce n’est pas donné à n’importe qui ! » Ouai. Rares sont les moments où une voix d’homme a réussit à me donner des frissons. Rien que pour ça, je respecte à fond le mec qui se trouve devant moi. Ce même mec, au visage encore inconnu. D’ailleurs, puisque celui-ci ne se retourne pas pour me parler, je décide de prendre les devants et de bouger pour me placer contre le piano, à côté de lui. Ça sera plus simple et plus agréable de lui parler en face. Là je suis plutôt surpris. Je ne m’attendais pas vraiment à un physique tel que le sien. C’est un beau garçon. Évidemment, je ne remarque pas tout de suite son handicap. « Sonny. » Il a bien mérité que je me présente à lui et que je lui serre la main après tout.

Queen. Un groupe phare des années de mes parents et il restait aujourd'hui encore un groupe culte. J'aimais leur chanson, j'aimais surtout ce qu'elle racontait. A cette époque, il écrivait au moins pour dire quelque chose et cette chanson particulièrement raconté une histoire. Une histoire touchante et tout aussi horrible à la fois. « Impressionnant ! T’as réussi à redresser mes poils, ce n’est pas donné à n’importe qui ! » Je souris bêtement sans que le candidat ne le voit. Je n'étais pas habitué au compliment sur mon travail. Je n'étais qu'un petit musicien qui s'en sortait avec les quelques cours qu'il arrivait à donner aux citoyens de sa ville. Pire encore, la moitié des élèves que j'avais (c'est-à-dire une voire deux personnes lorsque le dernier venait à ses cours) arrivé tout droit d'un village voisin. Mon histoire n'était pas drôle et je n'osais en parler. Je gardais tout ça au fond de moi pour ne pas faire du mal à ma famille et surtout à mon frère que j'adorais plus que tout et qui avait toujours été là pour moi depuis ce jour... « Sonny. » Perdu dans mes pensées, je ne l'avais pas entendu s'approcher. C'était bien la première fois. Je relevais simplement mon visage. « Lukas. » Lui répondis-je en fixant simplement le mur que j'avais en face de moi. Je déposais alors mes mains sur mes cuisses. Je ne savais pas quoi ajouter.

Ne pas parler en face des gens, c’est selon moi une preuve de non-confiance en soi ou de lâcheté. C’est pourquoi, n’en pouvant plus de parler à un piano, je décide de me déplacer et de découvrir le candidat physiquement. Je dois avouer que je suis impressionné. Je ne m’attendais pas à ce physique là pour le jeune homme. Je me présente alors à lui. Chose que je n’ai pas pour habitude de faire. « Content de faire ta connaissance Lukas. » Alors que je m’apprête à lui serrer la main. Je capte que quelque chose cloche chez lui. Mais impossible de définir immédiatement quoi. Zut. Puis là. Mon cerveau fait tilt. Le jeune homme est aveugle. Nonnnn. Je ne m’en remets pas. J’aurais jamais imaginé que la production puisse intégrer un candidat avec un handicap tel que celui-ci. « Dit, t’es aveugle depuis que tu es né ? » Je déteste la curiosité mais là c’est plus fort que moi. Cette question me turlupine. « Non, me réponds pas. Ca me regarde pas. Désolé. » Finalement, ma conscience me rattrape. Là, maintenant je dois passer pour un con. Je suis d’ailleurs un peu mal à l’aise.