J’écoutai attentivement ses premiers mots. Elle ne tarderait sûrement pas à le croiser dans le château. Nous étions nombreux c’est vrai, mais pas au point de ne pas nous parler de toute l’aventure. Et je jugeais qu’elle resterait sans doute longtemps, du moins je l’espérais beaucoup. Sa remarque concernant les petits vieux m’arracha un nouveau rire. Je l’imaginais cette fois en haut de l’escalier, prête à pousser le pauvre Lord pour lui briser la nuque. « C’est vrai, mais s’il est généreux t’as pas besoin de l’aider à mourir. Ceci dit un accident est si vite arrivé . . . » J’avais une tante qui était une croqueuse de diamants. Elle s’était mariée quatre fois avec des vieux shnoks, et à chaque fois elle avait touché le gros lot. Elle avait été inquiétée par la police, mais elle ne cessait de répéter qu’elle avait le don de voir la mort. Mon œil ouais. N’en pêche que ça avait marché quand elle avait prédit à l’un des flics son décès imminent et qu’il avait fait une crise cardiaque une semaine plus tard. Peut-être bien que lui aussi, elle l’avait un petit peu aidé ! M’enfin, j’aurais davantage parié sur un gros coup de chance. Il était assez gros et mangeait gras à longueur de journée, moi aussi j’aurais pu prédire sa mort. Bref. Lorsqu’elle s’indigna de devoir accourir je plaçai mes mains devant moi. « T’as raison, se faire désirer c’est une meilleure technique . . . » Je lui souris avant d’entendre la suite, la gratifiant d’un clin d’œil redoutable. La signification était plus ou moins : toi et moi ça peut marcher baby, ouais. Reprenant un visage mécontent, je plaçai mes mains sur les hanches en me redressant. Fallait pas parler comme ça, non. De plus en plus de monde avait cette conception de l’amour, et c’était triste à en pleurer. Juliette était peut-être une naïve abrutie même pas capable d’organiser sa propre mort, mais elle avait pour Roméo un amour sincère et pur qui me faisait rêver. « Roh, mais tu dis ça parce que tu n’as pas encore rencontré le mec à la hauteur chérie. C’est parce que tu as eu une mauvaise expérience ? » L’interrogeai-je soudain, comme si je venais d’avoir une révélation. Généralement les gens blasés l’étaient pour une bonne raison, c’était probablement son cas à elle aussi. « Moi j’y crois, enfin je pense que tu peux aimer quelqu’un, vraiment. Je n’dis pas que ça durera toute la vie ou quoi, mais c’est possible. » En dépit de tous les crétins qui avaient croisé mon chemin –dont celui qui m’avait traité de cinglée frigide-, je ne perdais pas espoir pour le reste de l’humanité. Parce que me concernant, c’était peine perdue. « Personnellement je n’ai pas le temps pour une vraie relation, j’ai d’autres chats à fouetter. Je m’en fiche de finir vieille fille, je serais probablement la maîtresse de quelqu’un . . . » Car qui d’autre voudrait du genre de relation que je pouvais offrir, soit un coup de temps en temps à l’abri des regards, sans officialité ? Je soupirai. J’avais promis à ma sœur de changer, d’abandonner un peu la bonne cause pour me consacrer à ma vie privée, mais ce n’était pas si simple. Une fois sortie de cette maison, tout changerait à nouveau et redeviendrait comme avant. Il n’y avait aucune raison pour qu’il en soit autrement.

« C’est vrai, mais s’il est généreux t’as pas besoin de l’aider à mourir. Ceci dit un accident est si vite arrivé . . . » Je soulignais que j’avais raison par un « ah » que l’on pourrait compléter par un « t’as vu ! ». La plus part des croqueuses de diamants doivent être bien gâtées et pourtant, pas mal de leurs maris meurent comme par hasard et on met ça sur le compte de la vieillesse. Moi, rien qu’à l’idée d’être la femme d’un vieux me dégoûtais, même pour l’argent je ne pouvais faire ça… finalement je n’étais pas assez vénale pour ça. « T’as raison, se faire désirer c’est une meilleure technique . . . » Je me mordillais l’intérieur de mes joues, avant de rire au clin d’œil qu’elle venait de me faire, puis alors qu’elle m’était ses mains sur ses hanches, je l’imitais, en prenant un air semblable au sien. « Roh, mais tu dis ça parce que tu n’as pas encore rencontré le mec à la hauteur chérie. C’est parce que tu as eu une mauvaise expérience ? » Je soupirais en retombant sur le dossier du fauteuil. Je roulais des yeux, il fallait bien le dire à un moment ou à un autre de toute manière ; alors je regardais Sixtine en relevant un sourcil. « Je n’ai jamais eu d’expérience… » J’avais déjà été dragué, mais ces garçons ne m’intéressaient pas du tout, alors oui, je n’ai même jamais eut de petit ami. Quand mes amies comptaient leurs ex-petits amis, moi je ne pensais à rien d’autre qu’à la danse. Je n’étais donc nullement blessée, à moins que je me voilais simplement la face, frustrée de ne pas connaître ce sentiment que je considéré pitoyable. « Moi j’y crois, enfin je pense que tu peux aimer quelqu’un, vraiment. Je n’dis pas que ça durera toute la vie ou quoi, mais c’est possible. » En l’écoutant parler, je ramenais mes jambes près de mon corps, que j’encerclais avec mes bras. Mon menton posé sur mes genoux. « C’est tout à ton honneur d'y croire… » Répondis-je en esquissant un sourire. Je commençais à apprécier réellement Sixtine. Malgré nos divergences sur l’amour, elle avait ce petit grain de folie que j’enviais à beaucoup de personne. « Personnellement je n’ai pas le temps pour une vraie relation, j’ai d’autres chats à fouetter. Je m’en fiche de finir vieille fille, je serais probablement la maîtresse de quelqu’un . . . » Je faisais oui de la tête ; j’étais totalement d’accord avec elle. « Finir vieille fille n’est pas une fatalité, je vais le devenir moi aussi, mais en ce qui me concerne, je ne serais la maîtresse de personne ! » Je souriais en baissant un peu la tête. « Et qu’est-ce qui te prends autant de temps ? »

Oh. La boulette ! Ou pas, finalement je ne voyais pas pourquoi cela dérangerait quelqu’un. Cependant la plupart des personnes ne désirait pas particulièrement révéler à la ‘‘terre entière’’ qu’elles étaient vierges. Mais le fait qu’elle me le confie me fit plaisir, après tout n’était-ce pas une petite marque de confiance ? Pas sûr qu’elle l’aurait dit face à Moore qui se serait empressée de la gratifier d’une charmante réflexion sur ce détail. Personnellement je m’en foutais éperdument, ça avait même quelque chose de charmant. C’était comme une sorte de gage de pureté. D’ailleurs ne disait-on pas que les garçons recherchaient parfois cette caractéristique en « s’attaquant » à des filles plus jeunes ? Bref. Je m’approchai de son oreille, posant mes mains sur ses genoux. Avec l’une d’elle, je recouvris mon micro, juste par précaution. « Est-ce que tu préfères les filles ? » lui glissai-je discrètement, histoire que ça reste entre elle et moi. Je pouvais légitimement me poser la question, par contre pas sûr que cette fois elle me lâche le morceau si c’était effectivement le cas. J’ancrai mes yeux bleus dans les siens, guettant toute réaction susceptible de la trahir. Je me reculai ensuite, écoutant la suite de ses paroles. « Oh ne dis pas ça, on va y remédier hein » lui lançai-je avec un clin d’œil et un sourire espiègle. « Je ne te laisserai pas finir vieille fille, d’autant plus que tu dois avoir de nombreux prétendants avec une bouille pareil. » Je lui pinçai la joue quelques secondes, comme les vieilles femmes font avec les enfants, puis je me mis à rire. Honnêtement ça m’étonnait qu’elle ne soit jamais sortie avec un garçon. Elle avait du se faire draguer un paquet de fois, n’avait-elle pas accepté juste pour essayer ? « Y’en a pas un qui te tente dans ce château ? Allez, dis-moi tout » la taquinai-je. Je m’écartai à nouveau d’elle, croisant les jambes. « Je suis chauffeur de bus, principalement, mais dès que j’ai du temps libre je jette des œufs sur les bagnoles des grands magnats du pétrole et je m'allonge sous les rouleaux les bulldozers qui veulent détruire un parc pour un MacDo » Je tournai mon poignet afin qu’elle puisse apercevoir les inscriptions gravées sur l’un de mes bracelets porte bonheur. Le nom de mon association y apparaissait. « L’écologie l’emporte sur n’importe quel homme dans mon esprit. C’est ma malédiction » plaisantai-je en haussant les épaules.

Ma virginité n’était pas un secret, puisque j’en avais parlé dans mon « interview » pour Cupidon. Je me moquais bien des avis des autres et de, peut-être, leurs moqueries. De toute manière, je savais bien que je n’étais pas la seule sur terre à être vierge à vingt-deux ans. Je savais bien aussi que certaines étaient des salopes depuis leur quinze ans et il n’y avait pas de quoi être fier de ça. Je vis Sixtine s’approcher de moi, ou plus particulièrement de mon oreille. Je me demandais réellement ce qu’elle allait faire, restant droite sur le fauteuil. Elle était assez proche, c’étais assez bizarre pour moi. « Est-ce que tu préfères les filles ? » J’éclatais de rire, mais d’un rire nerveux. En fait, j’étais très nerveuse, mais je n’aimais pas les filles. J’en étais certaine… enfin… Je faisais un non de la tête « Non non, je… j’aime les mecs ! » Là, j’étais complètement perdue ! En plus elle ne faisait que me fixer, ce qui accentua ma gène. « Je ne te laisserai pas finir vieille fille, d’autant plus que tu dois avoir de nombreux prétendants avec une bouille pareil. » Han ! J’avais horreur que l’on me traite ainsi : on me dit souvent que je fais jeune pour mon âge et maintenant elle se prenait pour un grand-mère, pinçant la joue de sa petite fille. « Pas autant que tu penses croire ! » J’avais eu quelques prétendants, mais aucun n’avait reçu un oui de ma bouche. Aucun, vraiment, je ne mentais pas. « Y’en a pas un qui te tente dans ce château ? Allez, dis-moi tout » En fait, je n’avais pas encore eu l’occasion de rencontrer beaucoup de garçon. En fait, je n’avais eu l’occasion de parler à Lukas, un peu Lhoas et… c’est tout. Les autres m’étaient inconnu et, pas franchement à mon goût non. « Franchement non, aucun… » Quand elle s’écarta, j’eu souffle de soulagement. C’est qu’elle est assez forte pour me mettre mal à l’aise, la Sixtine. Finalement, je lui demandais ce qui lui prenait autant de temps. « Je suis chauffeur de bus, principalement, mais dès que j’ai du temps libre je jette des œufs sur les bagnoles des grands magnats du pétrole et je m'allonge sous les rouleaux les bulldozers qui veulent détruire un parc pour un MacDo » C’était marrant, je ne l’a voyais absolument pas conduire un énorme bus, par contre, je l’a voyais très bien avec une pancarte et crier au début d’une manifestation contre la pollution. Elle me montra un bracelet. « L’écologie l’emporte sur n’importe quel homme dans mon esprit. C’est ma malédiction » Je baissais les yeux. C’était comme moi et la danse en fait. « Tu dois être une boss alors, pour les slogans de manif ! » je rigolais un peu, avant de reprendre mon sérieux. « Je pense que l’écologie vaut plus de se battre que l’amour. Toi c’est l’écologie et moi c’est la danse qui l’emporte sur les hommes… » Je me levais en parlant. « Par contre, je ne suis pas comme toutes les autres danseuses. Je mange tout le temps ! Tu veux venir à la cuisine avec moi ? » Peut importe sa réponse, je me dirigeait la porte de la salle.

Hm hm, elle était louche la petite Oona. Je repérai son rire légèrement nerveux sans insister. Après tout si elle ne voulait pas me confier sa sexualité, je n’allais pas m’immiscer dans sa vie privée. D’un autre côté peut-être n’en était-elle pas certaine, étant donné qu’elle n’était jamais sortie avec personne. M’enfin, ce genre de choses on le savait souvent, même si on n’osait pas se l’avouer. Bref. Je l’écoutai, étonnée lorsqu’elle m’affirma qu’elle n’avait pas tant de prétendants que ça. « Ben moi je t’aurais courtisée, crois-moi. » lui signifiai-je avec sérieux et sincérité. Bon une fois avoir entendue sa voix j’aurais peut-être hésitée un peu . . . non je plaisantais ! Quand elle m’affirma n’avoir repéré personne je décidai de lâcher l’affaire. La pauvre, elle suait sous mes questions intrusives et peut-être un peu trop personnelles. Je sentis un soulagement lorsque je m’écartai, et je me demandais si c’était parce qu’elle n’aimait pas trop le contact rapproché, ou si c’était mes questions qui l’avaient vraiment gênée. Je n’avais pas l’habitude de prendre des gants pour aborder n’importe quel sujet, peut-être aurais-je dû c’est vrai, mais je n’avais pas pensé que ça pût embarrasser quelqu’un. J’appréciai en tout cas qu’elle partage mon point de vue à propos de l’écologie. Elle c’était la danse, chacun son truc. « Je vois qu’on partage ça ! » Pour une fois que je rencontrais quelqu’un qui ne me prenait pas pour un cas désespéré et ne m’accusait pas de m’occuper de la Terre pour ne pas avoir à affronter une vraie relation, ça me soulageait drôlement. Elle me comprenait, puisqu’elle ressentait la même chose. Je riais à sa remarque sur la nourriture, heureusement elle n’était pas anorexique. « Non tu es gentille, je pense rester un peu pour répéter le texte du jingle, faut que ce soit au point pour quand les producteurs s’adresseront à nous ! » Je lui envoyai un clin d’œil, suivant son départ. J’espérais qu’on se reverrait rapidement, et si ce n’était pas le cas alors je provoquerais le destin.