Jackson

J'avais le goût du risque, toujours demandeur d'aventures nouvelles. Voilà pourquoi j'avais décidé de faire un petit tour du côté des falaises, en haut desquelles j'avais une vue imprenable sur la mer. Un paysage vraiment fantastique, qui me faisait oublier la hauteur du truc. Bah ouais, un faux pas et hop. On pouvait vite se casser la gueule et s'écraser cent mètres plus bas si on ne faisait pas attention. Et ça n'était pas quelques fils barbelés qui empêcheraient quelqu'un de tomber. J'étais planté au bord, comme un piquet. Je me laissais tanguer et pousser par le vent, sans pour autant perdre mon équilibre. Disons surtout que loin de moi l'envie de me taper la gueule sur des rochers, et qu'on retrouve mon cadavre quelques jours plus tard lors d'une virée champêtre. J'étais peut être étrange, mais absolument pas suicidaire. Merci bien je tenais à ma vie, avec toutes les petites merdes qu'elle pouvait contenir. Et alors que je croyais être tranquille en haut de ses falaises, devant un paysage qui manquait de me couper le souffle, tout fut gâché par un bruit de pierres roulant sur le sol. De toute évidence quelqu'un s'avançait et vers moi et ce quelqu'un avait manqué de se casser la gueule. Je me retournai alors vers cette personne, et découvris qu'il s'agissait de Jackson. Décidément, je n'arriverais jamais à me débarrasser de c'te petit con d'albinos. « Wow te casse pas la gueule quand même, hein. Vas pas écorcher ce visage déjà pas mal amoché par Dame Nature. » Si monsieur se croyait irrésistible, il ne l'était aucunement. Nan mais franchement il fallait être aveugle pour lui trouver du charme. Ce qui me faisait penser que je devrais lui présenter Lukas... Bref, le voyant s'approcher de moi avec une démarche des plus assurées, je craignais maintenant pour ma vie. « Oui alors je t'arrête direct. Si t'as prévu de me pousser dans la vie, je peux t'assurer que je ne serai pas le seul à tomber. Si je tombe, tu tombes avec moi. » Qu'est ce qu'il croyait, l'autre ? Qu'il pourrait tenter de me tuer comme si de rien n'était et faire croire ensuite à un accident ? Alors là il rêvait les yeux grands ouverts, ce pauvre garçon. Je n'avais de toute manière pas prévu de mourir aujourd'hui, alors...

Pourquoi se rendre aux falaises à cette heure-ci de l'après midi ? Et bien, pourquoi pas ? Ça n'était pas nécessairement l'endroit où Jackson se plaisait le plus ici - en même temps, il n'y en avait sans doute aucun - mais il avait grand besoin d'air afin de s'échapper de cet environnement étouffant qui commençait à devenir toxique pour lui. Vous comprenez, trop de cons confinés dans un même espace, c'était clairement pas bon pour sa santé. Ainsi donc, le grand blond se rendit jusqu'aux falaises, d'un pas hâté. Mais quand il fut relativement haut, il se prit malencontreusement les pieds dans des putains de cailloux qui, vraiment, n'avaient rien à foutre là. Fort heureusement, il parvint à garder un minimum d'équilibre afin d'éviter une dégringolade. Mais alors qu'il reprenait doucement ses esprits, une voix forte et grave s'adressa à lui. Et merde, c'était l'autre poilu. « Putain, je savais pas qu'il y avait des yétis dans la région » lança alors Jackson, assez contrarié de se retrouver face à l'un des types les plus cons de l'aventure. « Et puis, j'y peux rien si je fais cet effet là aux pierres » reprit-il, toujours avec une modestie flagrante, bien évidemment. Il ne pensa même pas utile de rebondir sur l'allusion à Dame Nature. A ses yeux, c'était de la jalousie pure et simple, voilà tout. Jackson s'approcha finalement de Ruben. Non, rectification, il s'approcha du bord. Il n'y pouvait rien si le grand benêt s'y trouvait. « Ma parole, t'es encore plus con que t'en as l'air. » Parce que là, c'était grave. Qu'il s'imagine qu'il était prêt à le pousser dans le vide, comme ça, sans raison ... N'importe quoi. Plutôt mourir que de poser ses mains sur cette étrangeté de la nature, hein. « Et je veux pas d'ennuis avec ton petit copain, tu sais » renchérit-il, presque naturellement. Que Ruben le prenne comme il le veut, ça lui était égal. Il avait assez de flaire pour reconnaitre un homo quand il en avait un en face de lui, eh ouais. D'autant plus un homo refoulé, vous pensez bien.

J'aurais vraiment préféré me retrouver seul, au bord de ces falaises, mais le destin avait fait que l'autre con de Jackson avait aussi décidé de s'y rendre au même moment que moi. C'était bien ma veine. Je ne pouvais déjà pas le supporter dans le nid, mais si en plus je devais me retrouver nez-à-nez avec lui lorsque je m'évadais un peu de toute cette agitation... Jackson avait visiblement un pois-chiche à la place du cerveau. Remarquez vu sa couleur de cheuveux... Après avoir manqué de s'étaler par terre à cause de trois malheureux petits cailloux qui s'étaient mis en travers de son chemin, monsieur se permis une blague des plus douteuses dont je commençais à avoir l'habitude. « Putain, je savais pas qu'il y avait des yétis dans la région » C'était lourd, à force, d'essuyer toujours les mêmes remarques débiles sur mon physique. Ma parole, ils étaient tous jaloux de ma virilité affirmée, ou quoi ? « Et si. Et d'ailleurs il parait qu'ils sont très dangereux. Je m'éloignerais un peu si j'étais toi bonhomme. On dit qu'ils bouffent les blonds prétentieux qui font de la gonflette... » Loin de moi l'envie de bouffer Jackson. Je voulais juste le conforter dans son humour de gamin de primaire. J'avais peut-être pas beaucoup d'efforts à faire pour être aussi con que lui, mais je savais quand même que j'avais toutes mes capacités intellectuelles, ce qui n'était pas son cas. « Et puis, j'y peux rien si je fais cet effet là aux pierres » Oui, bien sur, on y croit tous. Il ne devait déjà pas faire d'effet à une femme, alors à des pierres... Cette remarque ne manqua d'ailleurs pas de me faire sourire. « Si tu veux mon avis ces pierres ont plutôt une dent contre toi. » Tout comme j'avais une dent contre lui. « Ma parole, t'es encore plus con que t'en as l'air. » Si on pouvait plus rigoler. Autant ce garçon s'amusait à faire des blagues vraiment pourries, autant il n'avait vraiment aucun humour. C'était désolant. « Nan mais mec, relax... Si tu saisis pas l'humour, je peux rien faire pour toi. Je serai déjà loin bien avant que tu t'approches du bord. » Comme si il allait avoir l'occasion de me faire tomber de ces falaises. Si je lui prenais le bras, je lui brisais. Alors bon, j'avais un peu du mal à l'imaginer me pousser en arrière, à mon insu. « Et je veux pas d'ennuis avec ton petit copain, tu sais » Non pas possible. Ce n'était quand même pas Mr Malabar qui venait de dire ça ? On croyait rêver, là, vraiment. « Hey mais mon gars, tu dis de ces conneries. Tu t'es regardé ? Toi t'es complètement métrosexuel et c'est moi le gay dans l'histoire ? Y'a quand même une différence de virilité là, non ? » Fallait le regarder aussi, poser comme un top model devant moi. Il n'avait vraiment aucune virilité, mais alors aucune. De nous deux, si il y en avait un qui passait pour gay, ce n'était assurément pas moi.

Parmi tous les abrutis que comptait ce jeu, le grand brun aux sourcils broussailleux n'était pas en reste. Il devait probablement être l'un des pires, au fond. Et vu que le niveau n'était déjà pas des plus hauts, c'était dire combien ce mec était détestable. Et il aura suffit d'une remarque de la part de Jackson pour que Ruben parte dans un délire franchement inquiétant. « Si tu me touches, je te transforme en madeleine. » Le gâteau, hein. Remarquez, Ruben pouvait difficilement être plus laid qu'à cet instant précis, alors à quoi bon se retenir de lui arracher les bras et les jambes, hein. En attendant, il est vrai que Jackson avait manqué de se chuter à cause de deux ou trois cailloux. Mais franchement, à qui cela n'était-il jamais arrivé ? Était-ce si surprenant de constater que même un gars tel que lui, qui frôle tout de même la perfection, pouvait parfois risquer une chute ? « Faudrait déjà qu'elles en aient » répondit Jackson, après un roulement d'yeux qui en disait long sur son présent agacement. Puisque Ruben était décidément plus con que con, autant l'enfoncer dans sa connerie. Si il pouvait s'y noyer, ce serait d'ailleurs le pompon. « Je n'ai pas d'humour et j'en suis navré » rétorqua-t-l ensuite, affichant un sourire des plus hypocrites sur son visage. Effectivement, Jackson n'avait pas d'humour, ou disons, très peu. Mais c'était pour l'effet de dramatisation qu'il avait dit ça, vous comprenez. Et voilà qu'après un simple commentaire de la part de Jackson, le Yéti s'emballait. « Remets-toi, je parlais simplement de ton Mr Bubble. Après, si tu t'en senti visé par une quelconque insinuation homosexuelle, c'est que t'es pas en accord avec toi même ... » Oui, plutôt que de répondre à des critiques qui n'avaient même pas lieu d'être, Jackson préférait se foutre de sa gueule, clairement. Parce que, soyons clairs, il avait véritablement insinué que Ruben était gay. Mais vu l'âge mental que semblait afficher le principal intéressé, il pouvait bien se jouer un peu de lui.

« Si tu me touches, je te transforme en madeleine. » Lorsque l'albinos sortit cette phrase à laquelle personne ne pouvait croire ne serait-ce qu'une seconde, je laissai échapper un rire franc. En fait, j'avais pitié de lui. Je le voyais là, devant moi, vraiment sur de lui et de sa force. Cela en devenait pitoyable et je ne pouvais imaginer une seconde qu'il puisse, comme il le disait si bien, me "transformer en madeleine". « Oula attends je vais mettre mes lunettes pour voir ça. » Traduisez : "bien sur bonhomme, on y croit tous très fort." Il n'était pas crédible pour un sou dans le role du mec qui menaçait de te réduire en bouillie. Même moi je ne l'étais pas, alors lui... « Faudrait déjà qu'elles en aient » Ah nan mais là, on pouvait difficilement avoir moins d'humour que Jackson. Il croyait m'apprendre quelque chose, en me signifiant que les pierres n'avaient pas de dents ? Mais bon dieu qu'allions-nous faire de lui ? Son cas était-il désespèré ou il y avait-il encore un espoir ? « Ha ha. Très drôle. » Mes paroles étaient tout à fait ironiques, et je me forçais presque à les prononcer. Je devais juste souligner l'incroyable humour dont Jackson pouvait faire preuve. C'était si drôle que j'en avais presque mal au ventre. Ha ha ha. « Je n'ai pas d'humour et j'en suis navré » Encore une chose que Mr Malabar croyait m'apprendre. « T'en es conscient, c'est qu'on peut peut-être encore quelque chose pour toi en fait. » Oh non, malheureusement je pensais bien que Jackson était irrécupérable. Le blondinet avait sous-entendu, ou du moins insinué, que j'étais gay. Si il se défendait de cela, c'est en tout cas ce que j'avais saisit. « Remets-toi, je parlais simplement de ton Mr Bubble. Après, si tu t'en senti visé par une quelconque insinuation homosexuelle, c'est que t'es pas en accord avec toi même ... » Ce gosse méritait une trampe tellement il était énervant. Ses paroles, ses mimiques, ses gestuelles... tout m'agaçait au plus haut point. Mes poings me démangeaient. « Je te remercie mais je suis parfaitement en accord avec moi-même. J'ai sans doute bien plus confiance en moi que tu as confiance en toi. » Qu'est ce qui me faisait penser cela ? Et bien, souvent, les personnes qui en faisaient trop cachaient en fait un manque de confiance en elles évident. C'était probablement le cas de Jackson, qui jouait les gros durs et qui n'avait plus une once de crédibilité d'ailleurs.