Putain de merde, il fallait lui donner quoi, à ce con, pour qu'il dégage? Elle avait baisé avec lui, s'était déhanchée contre lui, qu'est-ce qu'il lui fallait de plus, bordel? Ça commençait un tout petit peu à l'agacer quand même. Parce que quand elle voulait être seule, elle aimait pouvoir l'être. Elle voulait bien accepter, durant une majeure partie de la journée, la compagnie insipide et énervante de ses camarades, mais quand elle avait vraiment besoin de se retrouver seule avec elle-même, comme à cet instant, elle apprécierait qu'on lui foute la paix. Parce qu'elle avait besoin d'un minimum de liberté. La liberté, c'était essentiel pour elle. Déjà qu'elle n'était plus aussi libre en étant dans ce putain de jeu, si elle ne pouvait même pas libérer un peu son esprit, elle allait finir par tuer quelqu'un. Quoique, c'était peut-être ça qu'on voulait d'elle...? A méditer. Elle avait donc dansé, pas à gaieté de cœur, mais soit. Elle l'avait ensuite gentiment prié de dégager son cul de cette putain de pièce eeeet.... il refusa. Il se foutait de sa gueule, c'était pas possible. Soupir. Il déblatéra alors sur le fait qu'ils se ressemblaient. Ah. Première nouvelle. Non merci, pour la ressemblance, elle repasserait. Différente des autres? En même temps, ce n'était pas nouveau qu'elle l'était. Dieu merci. Que personne ne puisse la comprendre, ça aussi, elle avait l'habitude. Vu le comportement des autres, c'était impossible qu'ils arrivent à comprendre sa vie ou ne serait-ce que sa présence dans ce jeu. Puis il termina sur le fait que l'air menaçant ne marchait pas sur lui. Tant mieux pour lui hein. Ça lui faisait de belles jambes, à la blonde, de savoir ça. « D'accord, super. C'est bon, t'as fini? » demanda-t-elle d'un air blasé, arquant un sourcil. C'est pas qu'il la faisait chier mais... oh, si, attendez. En fait, si, il la faisait chier. Alors, s'il voulait bien dégager, elle pourrait rallumer sa musique. Allez, adieu, bonne fin de vie. Qu'il lui foute la paix, merde.

Ce qui était bien avec Jackson, c'est qu'il était tout sauf un emmerdeur. Non, c'est pour rire. En fait, il excellait dans ce domaine. Si au départ faire chier les autres n'avait été pour lui qu'une étrange envie, c'était devenu bien plus que cela avec le temps. Aujourd'hui, il ne pouvait clairement plus sans passer. Parce que sans ça, il ne serait plus grand chose en fait. Cela faisait désormais partie de son identité, que cela plaise ou non aux autres. Et l'avis des autres, il s'en carrait comme de l'an un. Alors tout allait bien. Toutefois, il fallait comprendre qu'il ne décidait pas de jouer la carte du chieur professionnel avec tout le monde. Non. Seulement avec ceux qui représentaient un tant soit peu d'intérêt à ses yeux. Les autres, il les ignorait traditionnellement. A quoi bon s'efforcer de s'acharner sur quelqu'un qui n'en vaut même pas la peine ? Siomha, elle, l'intéressait fortement. Pas par son physique, mais par sa personnalité. Elle représentait quelque chose d'assez étrange, d'énigmatique, de mystérieux. Et c'est ça qui lui plaisait. Ça le changeait de tous ces crétins finis en lesquels on pouvait lire comme dans un livre ouvert. Pourri le livre, la plupart du temps. Avec elle, c'était tout autre chose. Et c'était ça qui était plaisant. Alors là où elle voyait un acharnement pur et simple, il fallait voir une certaine fascination. Attention, il ne lui vouait pas un culte. S'il ne croyait pas en Dieu et qu'il ne vouait aucun culte à qui que ce soit, ça n'était certainement pas pour le faire avec la jeune femme. Pour autant, il s'intéressait fortement à son cas. Il ne le disait pas directement, mais c'était bien le cas. D'où sans doute son petit monologue à l'intention de la blonde. Il se considérait comme assez similaire à elle, d'un certain coté. Tous deux n'étaient pas franchement banaux, possédaient de la personnalité - ou du moins du caractère - à revendre, passant pour de profonds associables et semblant se satisfaire de la vie qu'ils menaient. Jackson avait pris la peine d'observer sa camarade. N'allez pas croire qu'il était capable de tirer de pareilles conclusions avant d'avoir un minimum "enquêté". D'une manière générale, les autres ne l'intéressaient pas. Leur vie importait peu et il ne cherchait pas à les connaitre. Là, c'était quelque peu différent. Parce que Siomha était différente. Et si il crut judicieux de rebondir sur le fait qu'effectivement elle ne lui faisait pas peur, ça n'était aucunement le but de cette intervention. Il souhaitait indirectement lui faire comprendre - plus ou moins maladroitement, comme d'habitude - qu'elle avait beau se cacher derrière toutes sortes de façades, il n'était pas aussi dupe que les autres. Il la connaissait à peine, mais avait paradoxalement le sentiment de connaitre certaines choses la concernant. Il ne saurait pas l'expliquer. Encore une fois, c'était peut être lié au fait qu'il s'identifiait plus ou moins à la jeune femme, à sa façon d'être. Comme il s'y était attendu, elle le pria de déguerpir. Cela n'avait rien d'étonnant. Lui même aurait réagit de la même manière à sa place. « Je t'exaspère, n'est-ce pas ? » fit-il simplement. Là, il s'attendait à une réponse brève mais catégorique. Peut être dans le genre « Non, tu crois ?! » C'est ce qu'il aurait répondu, pour sa part. Probablement que le simple fait qu'il lui pose la question l'exaspérerait, d'ailleurs.

Qu'est-ce qui était le plus pénible ? Que Jackson pense sérieusement avoir décrypté une partie de la personnalité de Síomha ? Ou qu'il fasse justement abstraction de tout ce qui était le plus important ? Tout comme le reste de candidats en avaient fait de même. Oui, ils avaient tous bien vite oublié tout ce qu'ils pouvaient savoir facilement sur la blonde, rien qu'en la regardant. Ils avaient oublié de voir des qualités dans sa personnalité, préférant ne voir que des défauts. Ils avaient sérieusement pensé l'avoir cernée, avoir compris qui elle était et tout ce qu'elle représentait. Ils avaient mis une étiquette, lui avaient collé une réputation à la peau sans même se rendre compte que la belle était mille fois plus que cela. Ils n'avaient pas cherché à comprendre et pourtant, ils prétendaient tous vouloir en savoir plus. C'était sans doute pour cela qu'elle restait fidèle à elle-même et qu'elle ne disait rien sur sa vie ou sur son caractère. Tant qu'ils n'auraient pas compris le principal, ils ne mériteraient pas d'en savoir plus. Et même si, dans la situation présente, Jackson pensait avoir compris la moindre chose sur Síomha, il n'avait pas compris le principal, le plus évident, le plus facile à deviner sur sa personnalité. Puisque si c'était le cas, il ne serait pas là, pas maintenant. Il ne l'obligerait pas à l'écouter ou à éteindre sa musique. Il décamperait. S'il comprenait vraiment Síomha, alors il partirait. Puisque s'il la comprenait vraiment, il saurait que la seule chose à laquelle elle tenait dans la vie, c'était à sa liberté. Sa liberté d'expression, sa liberté de mouvement. Juste sa liberté. Pouvoir être libre comme l'air, faire ce qu'elle souhaitait quand elle le souhaitait, sans avoir à se soucier des moralités ou des « qu'en dira-t-on? ». S'il la comprenait vraiment, il saurait que le mieux pour lui serait de partir puisqu'elle ne voulait apprendre à connaître personne. Elle ne voulait pas savoir la moindre chose sur lui, sur sa vie ou sur les éventuelles ressemblances avec la blonde. Mais visiblement, il ne savait rien du tout. Absolument rien. Puisqu'il restait là, à lui parler. Et si vraiment, si enfin il comprenait, il s'en irait de lui-même. Puisque Síomha ne fuyait jamais, ne quittait jamais une pièce en première, ne s'en allait jamais la première. Elle laissait bien les autres le faire. A chaque fois. C'était les autres qui partaient. « Il m'en faut bien plus que cela pour être exaspérée.» affirma-t-elle alors. Et c'était vrai. Il lui en fallait beaucoup plus pour être à bout, bien qu'il commençait doucement à l'agacer. « Cela dit, je prévois de te frapper dans à peu près trente secondes si tu ne décampes pas. » Voilà qui était dit. Et qui était on ne peut plus vrai. Si elle devait le dégager d'ici à coup de pieds au cul, elle le ferait. Toujours est-il qu'il quitterait cette pièce pour vaquer à d'autres occupations pendant que Síomha continuerait sa vie et ce qu'elle faisait avant qu'il n'arrive pour la déranger. Point.

Oui, Jackson devait très probablement lui taper sur le système. Et sans doute n'avait-il pas eu l'idée du siècle en voulant comprendre la jeune femme, sa façon d'être, sa personnalité. Il se reconnaissait en quelques sortes en elle, c'est vrai. Pour autant, et puisqu'il s'agissait de Siomha, il aurait probablement mieux fait de garder ça pour lui. Sur le coup, il n'avait pas tellement réfléchi. Ce n'est que quelques instants plus tard qu'il commença à regretter cette interprétation. A quoi cela lui avait-il servi de lui sortir ce discours pour le moins brouillon, hein ? A rien. Si ce n'est à donner une raison supplémentaire à la jeune femme de le maudire. Et justement, il avait par la suite supposé qu'il l'exaspérait. Si ça n'était pas le cas, il n'était probablement pas bien loin. Car il savait quand il agaçait profondément les gens. Déjà, cela arrivait très souvent. Car il exaspérait tout autant que les autres pouvaient l'exaspérer. Mais ici, Siomha semblait vouloir lui assurer qu'en réalité, il lui en fallait bien plus pour l'être. Donc, il ne l'exaspérait pas ? D'accord. Mais probablement qu'elle rêvait malgré tout secrètement de le décapiter avec les dents. Tandis qu'il ne réagit pas à sa première déclaration, il laissa apparaitre un sourire légèrement amusé suite à la seconde. Alors comme ça, elle prévoyait très sérieusement de s'en prendre à lui physiquement de manière imminente s'il ne se décidait pas à déguerpir de là ? Ouh, il avait de quoi trembler. Sérieusement, elle ne l'impressionnait pas. Il pourrait tout à fait se défendre, s'il le pouvait et le voulait. Ainsi donc, il n'avait pas franchement l'impression de courir un quelconque danger. Pour autant, il avait bien saisi qu'il ne servait plus à rien qu'il demeure dans cette pièce. Il n'avait plus rien à y faire, alors sans doute était-il effectivement préférable qu'il sorte de là. « Tu n'auras pas à recourir à la violence » lui adressa-t-il alors. Là dessus, il avança vers la porte. Mais avant de disparaitre, un prit la peine de se retourner vers sa camarade, le temps de lui lancer : « Et vas-y molo avec la musique, si tu tiens à tes tympans » avant de disparaitre pour de bon. Ouais, Jackson pouvait être un chieur jusqu'au bout. Tout un art.

Síomha ne souhaitait pas qu'on arrive à la cerner. C'était tout. Que personne n'essaye, il n'y avait clairement rien à comprendre. Elle n'était pas là afin de changer ou d'avoir un quelconque avis sur sa vie ou sa personne. Tout comme elle n'était pas ici afin de parler avec des gens ou en rencontrer d'autres. Non, vraiment, elle s'en foutait comme de sa première chemise, des autres. C'était tout pour sa gueule, c'est tout. Alors, merde, qu'on lui foute la paix. Elle ne demandait rien à personne, pourquoi fallait-il donc qu'on vienne lui chercher des noises? Et elle n'en avait que faire que Jackson se retrouve un peu en elle ou qu'il la comprenne ou peu importe quelle autre connerie. Elle voulait être seule, là, maintenant. Donc s'il pouvait dégager, ça serait sympa. Et elle serait même capable d'utiliser la violence si jamais il ne souhaitait pas partir de son plein gré. Parce qu'elle voulait bien être gentille deux minutes, mais au bout d'un moment, faut arrêter. Si bien qu'elle le menaça à nouveau et enfin, il décida de partir. Enfin. Merci Seigneur. Bon débarras, tiens. Soupir. Pas d'agacement cette fois, mais de soulagement. Parce que ça faisait du bien de pouvoir se retrouver seule à nouveau. Quant à son conseil de ne pas mettre la musique trop forte, elle n'en avait que faire, chose qu'elle prouva très bien en alluma de nouveau la chaine hi-fi, laissant la musique se déverser à plein volume. Et une fois qu'il eut passé la porte, elle recommença à danser. Sensation très agréable.

Sujet terminé.