W/ RUBEN

C'était plutôt con, mais Milan venait d'entendre un des soundtracks de Death Note, un de ces putains de mangas qu'il adorait, parce qu'à ses yeux il n'y avait pas d'âge pour lire des mangas, et du coup, il avait une furieuse envie de pomme. Pour la petite histoire, dans Death Note, ça grouille de dieux de la mort, qui raffolent des pommes du monde des humains. Et du coup, entendre l'un des sons qui venaient tout droit de l'animé, ça lui avait fait penser aux dieux de la mort, et aux pommes. Et voilà qu'il avait envie d'une pomme. C'était le genre d'événement incroyablement con et inutile qui pouvait se produire dans le nid de Cupidon. Parce qu'à part si vous faisiez partie du clan des big heads, bah vous meniez une vie assez tranquille, rythmée de pommes et de mangas. Bref, Milan se dirigeait tout simplement vers le cellier, dans lequel il était à peu près certain d'y trouver le fruit défendu, par expérience. Il semblait que Ruben ait eu la même idée que lui, car tous deux se retrouvèrent devant la porte du cellier au même moment. Eh bah. Un sourire railleur aux lèvres, Milan attrapa la poignée, ouvrit grand la porte et exécuta une courbette exagérément révérencieuse. « Mon seigneur » dit-il, comme les valets le faisaient toujours quand ils faisaient entrer leur maître quelque part. Oui, parce que Ruben, c'était le chef de l'équipe dont faisait partie Milan, aux dernières nouvelles, du moins.

Fallait bien l'avouer, se ruer dans le cellier deux heures seulement après avoir déjeuné, c'était signe d'un profond mal-être... ou d'une gourmandise difficilement dissimulable. Oh et puis merde, j'assumais pleinement le fait que j'avais sans cesse faim, depuis mon entrée dans ce nid. Et devinez quoi, contrairement à certains candidats dont je tuerais le nom mais qui à coup sur se reconnaitrons entre ses lignes, je n'avais pas pris un gramme ! Pas un gramme en plus d'un mois les amis, moi je dis que ce serait dommage de se priver de petits gâteaux à quatorze heures quand on a un métabolisme comme le mien. Enfin bref, là n'était pas le propos. Le fait était qu'une fois de plus, la faim m'avait gagné aux alentours de quatorze heures, et comme à mon habitude j'allais me rendre dans le cellier le plus discrètement possible afin d'y dérober une boite de gâteaux... ou un pot de pâte à tartiner, on verra bien ce qui s'offrirait à moi après avoir passé la porte. Sauf qu'aujourd'hui, tout ne se passa pas comme prévu. Moi qui avait voulu être le plus discret possible pour que personne ne me surprenne en mode gros goinfre, je ne tardais pas à tomber nez-à-nez avec Milan, qui de toute évidence avait lui aussi prévu de se rendre dans le cellier. Bon, pour la discrétion, fallait repasser. « Merde, j'suis grillé j'crois bien. » Ce n'était tout de même pas bien grave, c'était Milan et selon les dires ce garçon était adorable. Enfin, selon les dires... Il allait quand même falloir que je vérifies ça par moi même, mais comme ça à l'y voir, il semblait totalement inoffensif. Celui-ci se plaça devant la porte, en saisit la poignée et me fit une sorte de révérence comme pour me laisser entrer le premier. « Mon seigneur » Wow, c'était quoi ça ? Bordel, personne ne m'avait jamais apostrophé comme tel. Ce n'était pas déplaisant, bien que très inhabituel et pour le moins étrange. Ma foi, il me laissait entrer, alors je n'allais pas chipoter. « Merci mon garçon. » Je fis donc un pas dans le cellier, en me retournant afin de vérifier que Milan était entré à son tour. Sait-on jamais, des fois que le jeune homme ait eu l'idée saugrenue de m'y enfermer. En même temps, il était dans mon équipe, alors bon j'avais confiance en mes coéquipiers quand même. « Hum... Tu étais venu chercher quelque chose, en particulier ? » Tout en lui demandant ça, je jetai des petits coups d'œil de gauche à droite afin de repérer ce qui ressemblerait le plus à de la pâte à tartiner. Elle avait encore du être rangée n'importe comment par je ne sais qui... Bon, j'allais peut-être me résoudre à dévorer un paquet de gâteaux. Quant à Milan, il semblait plus attiré par les fruits, étrangement. Voilà un garçon qui savait ce qui était sain. Je ne pouvais que l'applaudir, sur le coup, car ses habitudes alimentaires semblaient bien meilleures que les miennes.

Sans plus ouvrir la bouche, Milan s'infiltra dans le cellier à la suite de Ruben. Pas sûr que le gars ait compris l'ironie. Bah. Il aurait vite l'occasion de s'apercevoir que l'irlandais n'était pas du genre soumis comme il avait pu en avoir l'air, là, à l'instant. Bref, sans faire plus attention que ça à son compagnon, il se dirigea vers la corbeille à fruits et y attrapa une pomme, qu'il lança une fois dans l'air avant de la rattraper, genre balle de tennis. Habitude idiote. Roulant des billes vers Ruben, qui lui parlait à nouveau, il croqua un coup dans son fruit. « Une pomme. Ils ont pas des pommes de saison. Mais j'vais pas faire mon difficile... C'est déjà bien qu'ils aient des pommes. » Son ton était railleur, comme souvent. Faut dire que ce genre d'émission de télé-réalité, c'était une campagne pour la malbouffe. Mais loin de lui l'idée de dénigrer qui que ce soit, puisqu'inutile de nier que ça lui arrivait aussi de grignoter du chocolat. Faut pas croire, il restait une mec d'une vingtaine d'années du vingt-et-unième siècle. Ça aurait été bizarre et bien triste s'il était totalement sain dans son alimentation. Alors il se contentait d'être le gars qui mangeait un peu mieux que les autres. Se tournant pour être face à l'autre, il eut l'air pensif, quelques secondes. « J'suis pas un de ces écolos suffisants qui pensent qu'à la nature et qui crachent sur toute personne ayant le malheur de pas bouffer bio, promis » qu'il dit, se rendant compte que c'était fort possible qu'il en ait tout de même l'air. Bon, ça lui arrivait de dégommer les gens contre qui il se retrouvait en conflit d'opinion, parce qu'il adorait montrer aux gens qu'il avait raison mais vraiment, il avait un peu de tenue, quand même.

Ainsi donc Milan et moi nous retrouvions dans le cellier. J'avais demandé au jeune homme s'il était venu ici pour une raison bien précise, comme moi avec ma pâte à tartiner, et la réponse de celui-ci ne se fit pas beaucoup attendre. « Une pomme. Ils ont pas des pommes de saison. Mais j'vais pas faire mon difficile... C'est déjà bien qu'ils aient des pommes. » Une... pomme ? C'est bien ce que je pensais, Milan était assez atypique dans son genre. Je connaissais peu de gens de son âge croquant des pommes au beau milieu de la journée. Les jeunes étaient plus habitués aux trucs gras et sucrés, mais je ne pouvais que saluer sa démarche. « C'est très sain en tout cas. On est déjà surs que le cholestérol ou le diabète n'auront pas raison de toi. » Du moins s'il gardait ces habitudes alimentaires ci. Il avait l'air d'un garçon raisonnable, et sa silhouette longiligne et filiforme confirmait bien le fait qu'il semblait plus habitué aux fruits qu'aux junk food. « J'suis pas un de ces écolos suffisants qui pensent qu'à la nature et qui crachent sur toute personne ayant le malheur de pas bouffer bio, promis » Milan semblait vouloir prouver qu'il n'était pas du genre "snob". Je n'avais pas du tout pensé à ça en le voyant, et selon moi il était libre de penser ce que bon lui semblait, personne n'allait le juger ici. Et surtout pas moi. Si quelqu'un devait assurément s'abstenir de donner des leçons ici, c'était bien moi. « Oh mais t'as pas à te justifier tu sais. Tu manges ce que tu veux, et tes pensées sont les tiennes. Perso je bouffe pas bio, mais libre à toi de me juger ou non là-dessus... » S'il voulait avoir de moi l'image d'un mec mangeant mal et ne se nourrissant que de cochonneries, c'était lui que ça regardait. On ne pouvait de toute manière pas plaire à tout le monde.

Le cellier, c'était pas le genre de pièce idéale pour entretenir une conversation, surtout quand c'était entre deux gars qui se connaissaient pas. Vraiment, vous vouliez parler de quoi? Parce que même le sujet patate "il fait beau aujourd'hui" marchait pas : pas de fenêtres. Enfin, ils allaient pas non plus se mettre à débattre sur la disposition des aliments en fonction de leur date de péremption ou l'orientation de la pièce sous le soleil. C'était idiot. Alors du coup, ils parlaient de bouffe. Pas si illogique que ça, finalement. Ils étaient bien là où étaient entreposés les aliments, non? Bref, Ruben était parti pour lui faire tout une dissert de vingt-deux chapitres, dix thèses et quinze doctorats pour lui dire que, ouais, il faisait bien de manger sainement. Merci, mes parents m'avaient absolument pas bourré le crâne de ce genre de trucs quand j'étais môme. Bah. Se justifier ? Il ne se justifiait pas. Milan ne s'était plus justifié de quoi que ce soit depuis ses genre douze ans, et c'était pas maintenant que ça allait reprendre. Surtout pour ça. En vrai, c'était plutôt pour plaisanter. Faut croire que sourire quand on fait une blague, c'était pas mal pour l'effet, et tout, ça aidait. N'empêche que le barbu là, il pensait plutôt pas mal. Ouais, vraiment plutôt pas mal. « Pourquoi t'es pas encore président des États-Unis toi, j'peux savoir ? » que Milan fit alors. Avec un putain de sourire. Non, sérieux, mec, reste comme t'es, c'est niquel.

Loin de moi l'envie de me montrer barbant, en jouant le mec qui savait tout, ce qui n'était d'ailleurs absolument pas le cas qu'on se le dise. Voilà pourquoi je m'étais abstenu de faire la morale au jeune Milan, qui n'avait d'ailleurs pas besoin de conseils venant d'un type de trente-trois ballets pour apprendre à bien manger. Fallait nous voir dans c'te cellier, aussi, pour comprendre tout de suite qui enterrerait sans doute l'autre : Milan privilégiait les fruits, style pomme, ce qui était tout de même très sain pour l'organisme, tandis que moi je ne jurais que pour les cochonneries sucrées bourrées de graisses, genre pâte à tartiner. Heureusement que je ne prenais pas du cul. Milan était quelqu'un de très réfléchi, alors je n'avais tout bonnement aucun conseil à lui donner. Mes paroles semblaient avoir eu leur petit effet auprès de mon camarade. « Pourquoi t'es pas encore président des États-Unis toi, j'peux savoir ? » Elle était bien bonne celle-là. Je ne m'imaginais vraiment pas en président des États-Unis, mais alors pas du tout. A la limite bodyguard du président, et encore il me manquait des muscles, mais président oh non ce n'était pas fait pour moi. « Et bien... sans doute parce que je suis Irlandais, premièrement, et ensuite parce que je n'en ai pas la vocation. Et puis les States, c'est drôlement loin quand même. » Mais ouais, l'Antlantique à traverser, une langue qui se voulait proche de la notre mais tout de même très américanisée. Les States, c'était un peu le rêve de tout le monde, sauf de moi quoi. « Et toi, pourquoi t'es pas encore nutritionniste, j'peux savoir ? » Vu sa manière de se nourrir, il pourrait aider bon nombre de personnes à retrouver un équilibre alimentaire. Bien sur j'avais dis ça pour rire, pour faire comme lui, car il était trop jeune encore pour se lancer dans cette voie là. Et je doutais que cela puisse l'intéresser d'ailleurs...

Il était plutôt... j'sais pas, ce Ruben. Pas d'une drôlerie à s'en fendre le bide, mais pas chiant non plus. Le genre de mec avec qui tu pouvais discuter sérieusement, sans doute. Ou peut-être était-ce juste une impression que Milan avait. Faut dire que de nos jours, peu de personnes sont capables de tenir une conversation posée sans que ça parte en live parce que ça n'intéresse pas monsieur ou parce que madame était incapable de parler de quelque chose sans lancer des vannes pourries qui gâchent tout. Et Milan avait horreur de ça. Contradictoire puisque lui-même avait tendance à agrémenter régulièrement ses discussions de piques ironiques. Mais en dehors de ça, ses sourires sincères étant plutôt rares, il était le genre de gars à pouvoir parler de tout et n'importe quoi, même de trucs qui ne l'intéressaient pas du tout. Si un mec venait lui déballer pleins de trucs son dernier cours de curling sur gazon, il tiendrait la discut sans l'envoyer chier. Bref, la réponse de Ruben et tout le laissa neutre. S'il avait posé sa question sur le ton de l'ironie, il comprenait le point de vue de l'homme. Les États-Unis n'avaient jamais attirés Milan, leur préférant de loin son Irlande natale, et l'idée qu'il puisse être président ou un truc comme ça lui était bizarrement désagréable. Y'avait des gars qui auraient pu tuer pour se retrouver à la tête d'une nation. Le jeune homme, lui, aimait autant rester un simple anonyme. Le pouvoir, ça vous tue un homme, et Milan était ravi de ne pas en être l'un des esclaves. « Et bien... sans doute parce que je ne suis pas assez sympa et compatissant, premièrement, et ensuite parce que je n'en ai pas la vocation. Et puis les études dans le paramédical, c'est drôlement chiant quand même. » Un sourire angélique autant qu'un regard cynique éclairèrent son visage, tandis qu'il croquait à nouveau dans son fruit.

Nous en étions venus à nous imaginer des vocations assez spéciales, celles auxquelles on aurait jamais pensé et dont très honnêtement on se foutait un peu. Milan m'avait demandé pourquoi je n'étais pas encore président des Etats-Unis, ce qui était juste impensable pour un type comme moi qu'il était déjà difficile de sortir de son pays. Les States, ça ne m'attirait pas franchement, et je me plaisais dans mon métier. En plus, ça avait l'air d'être assez dangereux comme truc, président, non ? Si c'était pour me faire tirer dessus ou je ne sais quoi, alors non merci. Quant à moi j'avais demandé à Milan pourquoi est-ce qu'il n'était pas encore nutritionniste. Un clin d'oeil à ses habitudes alimentaires des plus saines. Bon c'était de l'humour avant tout, mais je ne doutais pas qu'il parviendrait à le saisir. De toute manière, le jeune homme avait forcément de l'humour, sinon pourquoi aurait-il quasiment repris ma réponse à sa question pour répondre à la mienne ? « Et bien... sans doute parce que je ne suis pas assez sympa et compatissant, premièrement, et ensuite parce que je n'en ai pas la vocation. Et puis les études dans le paramédical, c'est drôlement chiant quand même. » C'était limite si je n'allais pas crier au plagiat, y'avait copie de réplique là je suis désolé. Bref, on s'en fout. Je ne pouvais qu'approuver les dires de Milan, les études médicales ce devait être d'un ennui... mortel. Il se disait trop peu compatissant pour ça, ma foi je n'étais pas en mesure d'en juger mais si il le disait, je voulais bien le croire sur ce point. « Bah tiens en parlant de ça, tu fais quoi dans la vie ? » Etudiant ? Il semblait en avoir l'âge, mais j'en doutais quand même. On avait bien une quinzaine d'années de différence, pas loin non ? Son âge, je ne le connaissais pas, et ça n'avait pas grande importance. Ma partenaire avait bien la moitié de mon âge... et j'en faisais pas tout un chichi.

Nutritionniste, sérieux. Bien sûr qu'il était désolée pour les personnes un peu enrobée de nature ou à cause d'une maladie ou boulimie ou quoi, mais ceux qui s'étonnaient du nombre qu'affichait leur balance et en pleuraient toutes les larmes de leur corps alors qu'ils passaient leur temps à bouffer comme quatre et que des trucs dégueux comme McDo ou pizza et tout, il n'allait pas les plaindre, merde. C'était leur faute s'ils n'étaient pas foutus de se contrôler un peu ou de penser à leur santé. Ouais. Il n'était pas assez compatissant. Franchement pas. Les encouragements et tout, c'était pas son truc. Parce que Milan, il donnait sa vie pour des putains d'inconnus à l'autre bout du monde et pour des criminels et tout, mais il aurait pu laisser les gros se démerder. Pas très logique, ouais, mais Milan n'avait jamais prétendu être logique. Et donc finalement, Ruben lui posa la question fatidique, le fameux "tu fais quoi dans la vie?", celle dont tu ne savais jamais si on te demandait ça pour avoir l'air bien supérieur quand tu sors tes études chiantes ou ton job de merde, par simple courtoisie mais d'un indifférence sous-jacente incroyable ou par réel intérêt. « J'suis étudiant en gestion des ressources humaines, j'taffe un peu pour la forme et je milite. » Chaque fois, Milan se sentait obligé de préciser qu'il passait une bonne partie de son temps à courir à droite à gauche pour préparer ses manifs, faire ses manifs, s'attacher à un vieil arbre pour empêcher qu'on l'abatte, luter pour le droit à l'avortement, organiser des envois de provisions et de médicaments au Kosovo, et tout, tout simplement parce qu'il considérait ça comme la majeure partie de sa vie, parce qu'il considérait ça comme son vrai boulot. « Et toi ? » Pas que ça l'intéressait réellement, mais bon, ça aurait sans doute été un peu impoli de ne pas lui retourner la question.

Okay, Milan aurait très bien pu être nutritionniste. A part que les études paramédicales semblaient le faire plus chier qu'autre chose, et qu'il était bien trop jeune encore pour faire ça de sa vie. Mais sinon selon moi ça aurait très bien pu lui correspondre. Il aurait sans doute était bien plus crédible en nutritionniste que moi en président, non ? Si, certainement. J'avais quand même eu la curiosité de lui demander ce qu'il fallait réellement dans la vie. Il semblait très jeune, alors d'emblée je l'avais imaginé étudiant, mais je ne m'avançai sur rien. Je préférais qu'il me dise par lui même comment il gagnait sa croûte. « J'suis étudiant en gestion des ressources humaines, j'taffe un peu pour la forme et je milite. » Bingo ! Eh, j'avais pensé étudiant, donc je n'étais quand même pas bien loin. Ainsi donc Milan était du genre militant. Cela ne m'étonna pas franchement de lui. Et je ne pouvais qu'admirer son boulot. Il faisait quelque chose pour la bonne cause, et même si je ne prêtais guère attention à toutes les manifestations qui secouaient notre pays, je n'avais aucune raison de dénigrer son travail, tout à fait honnorable selon moi. « Et toi ? » Je pense que ça ne devait pas réellement l'intéresser, mais qu'après ça il s'était un peu senti obligé de me demander la même chose. Soit. Je n'avais plus qu'à répondre. « Je suis président-directeur général, j'ai monté ma boite. J'me la coule douce quoi. » On allait pas se mentir, je ne manquais plus de rien et mon travail était loin d'être creuvant. Je trouvais le temps de sortir le soir, alors cela résumait bien le fait qu'être PDG, c'était pas le métier le plus épuisant du monde loin de là. « Tu milites pour les droits des gorilles de Papouasie ? Si j'dis ça c'est surtout parce que bon, en tant que tel, j'aimerais savoir qu'on ne nous laisse pas tomber, mon peuple et moi. J'sais pas si t'as vu, mais les gorilles de Papousie ont pas trop la cote par ici... » C'était à se demander dans quel délire je partais moi. Il était pourtant quatorze heures, je n'avais donc aucune excuse. Je devais me reprendre, auquel cas Milan serait tenté d'appeller l'hôpital psychiatrique le plus proche. Et je préférais éviter. On rigolait, on rigolait... en attendant on ne cessait de me charier sur mon physique, ma pilosité et mes sourcils en particulier, et ça n'était pas normal à mes yeux. Alors bon, si Milan pouvait me faire une petite banderole et la suspendre quelque part dans le nid, ça n'aurait pas été de refus quoi. J'étais un être humain comme un autre, fallait quand même pas l'oublier.